Autorisations d'utilisation de fréquences BLR et collectivités territoriales : rapport de la mission d'expertise de Daniel Labetoulle, ancien Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat, publiée par l'ART le 8 mars 2005Le rapport d'étude en téléchargement pdf L’ART m’a confié une mission de réflexion juridique sur les conditions dans lesquelles, en l’état des dispositions législatives, les collectivités territoriales pourraient, pour développer une offre de services à haut débit, se voir attribuer, sur le fondement de l’article L. 41-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), des autorisations d’utilisation de fréquences pour la boucle locale radio (BLR). Indépendamment de plusieurs réunions de travail avec les services de l’ART (service opérateurs et régulations des ressources rares, service juridique, service collectivités et régulation des marchés haut débit), je me suis entretenu avec des membres du Collège et divers interlocuteurs extérieurs (opérateurs, représentants de collectivités territoriales). Les éléments de réponse aux divers problèmes juridiques identifiés peuvent, me semble-t-il, être regroupés autour de deux idées principales : - une collectivité territoriale peut être attributaire et détentrice d’une autorisation d’utilisation de fréquence ; - mais les modalités d’attribution de cette autorisation ne doivent ni la favoriser, ni la pénaliser. L’apparence simple de cette formulation ne doit pas faire illusion : les données juridiques du débat sont complexes et, parfois, confuses. Elle sont (inévitablement) complexes dans la mesure où plusieurs corps de règles interfèrent : droit des communications électroniques (CPCE), droit des collectivités territoriales (CGCT), droit de la domanialité publique, droit de la concurrence (communautaire et interne). Elles sont parfois (d’une façon qui aurait dû être évitée) confuses en raison de la rédaction de l’article L.1425-1 du CGCT, (qui résulte de l’amendement gouvernemental introduit à l’article 50 II de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004) par lequel le législateur a entendu définir un nouveau régime d’intervention des collectivités territoriales en matière de réseaux et services locaux de communications électroniques. Ce texte comporte, indépendamment d’imperfections ou d’imprécisions de rédaction qui en rendent, souvent, la lecture difficile et, parfois, l’interprétation hasardeuse, deux sources principales d’ambiguïté : - alors que l’ancien article L. 1511-6 du CGCT, auquel il est substitué, figurait dans une partie du code consacrée aux « aides aux entreprises », l’article L. 1425-1 prend place dans une subdivision (livre IV du titre I) du Code consacrée aux « services publics locaux » (et que le chapitre V qu’il constitue prend la suite du chapitre IV consacré aux « services d’incendie et de secours »), ce qui suggère que les collectivités territoriales ont, vis à vis de ces « services publics », un rôle premier et non subordonné à la carence ou à l’insuffisance de l’initiative privée ; or, et on y reviendra, le texte de l’article n’autorise les collectivités à fournir des services de télécommunications aux utilisateurs finals qu’après constat d’une insuffisance « d’initiatives privées » ; - alors que, sous réserve de l’ambiguïté qui vient d’être relevée, l’article L. 1425-1 institutionnalise une forme d’intervention des collectivités territoriales, il ne prend pas parti sur la détermination de la collectivité (commune, département, région) attributaire de la compétence qu’il vient de créer ; il a même clairement entendu ménager toutes les possibilités en utilisant la formule : « les collectivités territoriales et leurs groupements ». 1. La possibilité pour une collectivité territoriale d’être titulaire d’une autorisation d’une utilisation de fréquences : Dans son principe, cette possibilité ne fait aucun doute et découle clairement de la combinaison de l’article L. 1425-1 du CGCT et des articles L. 41-1 et L. 42-1 du CPCE. Mais, elle est assortie de diverses limites relatives au champ d’application territorial de l’autorisation et à l’usage qui peut en être fait.1.1. Le principe général selon lequel une collectivité territoriale ne peut pas exercer une compétence au-delà de son ressort territorial est a priori applicable ici. On en trouve d’ailleurs un discret écho dans la rédaction de l’article L. 1425-1 du CGCT : « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent (…) établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux ». Il en résulte que, par exemple, une commune ne peut pas se voir attribuer une autorisation portant sur l’ensemble du département. Cette règle est complétée par la référence faite aux groupements de collectivités territoriales : les diverses formes de groupements de communes et, le cas échéant, les « institutions et organismes interdépartementaux » et les « ententes interrégionales » prévues, respectivement aux articles L. 5421-1 et suivants et L. 5621-1 et suivants du CGCT. On verra plus loin les conséquences de cette règle sur la façon dont l’ART peut déterminer le cadre spatial pour lequel elle envisage d’attribuer une autorisation. 1.2. La possibilité d’obtenir, ou de détenir, une autorisation d’utilisation de fréquences n’équivaut pas nécessairement à la possibilité d’en user librement. La règle de l’article 1425-1 selon laquelle : « les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent fournir des services de télécommunications aux utilisateurs finals qu’après avoir constaté une insuffisance d’initiatives privées propres à satisfaire les besoins des utilisateurs finals » vaut pour la boucle locale radio comme pour les autres formes de télécommunications. Son interprétation ne pose pas de difficultés particulières. Indiquons seulement que si, à la lettre, ces dispositions s’opposent seulement à ce que qu’en cas d’absence d’insuffisance d’initiatives privées, la collectivité territoriale exerce concrètement une activité de fourniture de services aux utilisateurs finals et ne visent pas directement une attribution de licence, une telle attribution n’aurait guère de sens économique; pour autant, elle ne serait sans doute pas illégale, la collectivité pouvant, à partir d’une autorisation, « établir » une infrastructure et exercer une fonction d’opérateur d’opérateurs. Plus délicate est l’interprétation de la disposition du dernier alinéa du I de l’article L. 1425-1 selon laquelle : « L’insuffisance d’initiatives privées est constatée par un appel d’offre déclaré infructueux ayant visé à satisfaire les besoins concernés des utilisateurs finals en service de télécommunications ». On peut admettre que l’absence d’ « s » à « appel d’offre » (constatée depuis que cette phrase a été introduite dans le débat parlementaire), n’est qu’une faute d’orthographe et qu’il faut lire « « appel d’offres ». Mais que peut être cet appel d’offres ? De qui doit-il émaner? Sans doute de la collectivité ; et sans doute aussi les auteurs du texte ont-ils entendu utiliser la terminologie du Code des Marchés (« déclaré infructueux »). Mais comment parler de marché d’une collectivité territoriale pour des prestations qui sont destinées aux « utilisateurs finals » et seront payées par eux ? Sauf à interpréter le texte comme ne visant qu’une consultation non formalisée, on voit mal comment l’appliquer sur ce point. 1.3. La règle, également fixée à l’article L. 1425-1 du CGCT, selon laquelle : « une même personne morale ne peut à la fois exercer une activité d’opérateur de télécommunications et être chargée de l’octroi de droits de passage destinés à permettre l’établissement de réseaux de télécommunications ouverts au public » pose aussi des problèmes juridiques délicats, qu’il s’agisse de déterminer son exact champ d’application ou de déterminer ses conséquences dans le cas de la BLR. 1.3.1. Le champ d’application et la signification de la règle. 1.3.1.1. Pour comprendre la signification exacte des termes : « ….chargée de l’octroi des droits de passage … », il est commode de se référer à la formulation de l’article 1.1. de la directive 2002/21/CE du 7 mai 2002 que le législateur de 2004 a entendu transposer. On voit alors qu’il s’agit pour « des autorités publiques ou locales » de la compétence… «…pour permettre la mise en place de ressources rares sur, au dessus ou au dessous de propriétés publiques ou privées … » Si cette formulation n’est pas parfaitement claire, on voit bien l’intention : une collectivité territoriale détenant le pouvoir d’autoriser ou de refuser la mise en place matérielle « sur ses biens, au dessus ou au dessous d’eux », d’installations de réseaux, ne peut pas exercer une activité d’opérateur de télécommunications car on craint qu’elle utilise ce pouvoir d’autoriser pour défavoriser un opérateur concurrent en lui refusant l’autorisation nécessaire au passage d’une infrastructure de réseau. En principe, ceci vise en droit français la compétence pour accorder des permissions de voirie sur les voies publiques (ainsi qu’au dessus, et surtout, au dessous). Ce n’est en effet que pour les voies publiques qu’existe un régime juridique d’autorisation permettant de regarder le propriétaire public comme « chargé de l’octroi des droits de passage » : pour d’autres propriétés publiques, il n’y a pas de régime juridique distinct de celui directement lié à la qualité de propriétaire. 1.3.1.2. Il découle de ce qui précède que cette disposition crée une contrainte pesant non pas sur toutes les collectivités territoriales, mais sur celles ayant une compétence de gestionnaire de voirie : les communes et, le cas échéant (lorsque la compétence communale en matière de voirie leur a été transférée), les groupements de communes, au titre de la voirie communale ; les départements, au titre de la voirie départementale ; mais pas les régions (il n’y a pas de voirie régionale). 1.3.1.3. La rédaction de l’article L. 1425-1 (moins susceptible que la directive, me semble-t-il, d’une interprétation moins brutale) conduit à penser que cette règle, manifestement conçue pour des modes de télécommunications passant par la mise en place (sur, au dessus ou au dessous des voies publiques) de réseaux au sens le plus concret du terme (« canalisations…. ») vaut aussi pour la BLR, alors même que celle-ci n’a pas les mêmes contraintes de déploiement physique. Une distinction entre ces deux types d’hypothèses serait intellectuellement satisfaisante. Mais, en l’état du texte, elle serait très hasardeuse. 1.3.1.4. Une collectivité territoriale investie d’une compétence en matière de voirie ne peut donc « … exercer une activité d’opérateur de télécommunications ». Mais que recouvre exactement cette notion « d’opérateur » ? Il n’y a pas de réponse évidente à cette question que les débats parlementaires ne contribuent pas à éclairer. Une lecture interne à l’article L. 1425-1 (et qu’ont faite certains des parlementaires ayant participé au débat) consiste à considérer : - que le I de l’article L. 1425-1 fait une distinction entre deux niveaux d’intervention des collectivités territoriales ; seul, le second niveau (« fournir des services aux utilisateurs finals ») étant subordonné au constat d’une insuffisance des initiatives privées ; mais non le premier (« établir et exploiter … des infrastructures et des réseaux »). - que cette distinction est implicitement reprise au II de l’article pour l’application de la règle créant une incompatibilité avec la compétence d’octroi des droits de passage : cette règle ferait alors obstacle à ce qu’une collectivité ayant une compétence d’octroi des droits de passage fournisse des services aux utilisateurs finals, mais lui laisserait la possibilité, non seulement « d’établir » des infrastructures et des réseaux, mais aussi de les « exploiter ». C’est à cette première interprétation que je m’étais d’abord arrêté. Une seconde lecture consiste à rapprocher l’article L. 1425-1 du CGCT et les dispositions du CPCE, et notamment celle du 15° de l’article L. 32, selon lequel « on entend par opérateur toute personne physique ou morale exploitant un réseau de télécommunications ouvert au public ou fournissant un service de télécommunications ». L’activité d’opérateur évoquée au II de l’article L. 1425-1 serait alors celle définie au 15° de l’article L. 32. Cette interprétation s’imposerait sans discussion si le II de l’article L. 1425-1 renvoyait à l’article L. 32 lorsqu’il évoque l’activité d’opérateur. Mais il n’en est rien, l’article L. 1425-1 ne renvoyant à l’article L. 32 que dans son I, lorsqu’il énonce que les collectivités territoriales peuvent : « … établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de télécommunications au titre du 3° et du 15° de l’article L. 32…». Le paradoxe est que l’article L 1425-1 renvoie à la définition d’opérateur de l’article L. 32 (15°) lorsqu’il évoque non la notion d’opérateur, mais celle d’établissement et d’exploitation d’infrastructures et de réseaux et qu’il n’y renvoie pas ici lorsqu’il utilise la notion d’opérateur … Il est sans doute raisonnable de ne pas trop s’arrêter à cette analyse et, en venant au secours du législateur, de retenir une interprétation uniforme de la notion d’opérateur, qu’elle soit utilisée par le CPCE ou par le CGCT. On admettra donc qu’une collectivité territoriale investie d’une compétence en matière de voirie ne peut pas se livrer à l’activité définie au 15° de l’article L. 32 du CPCE, c’est à dire : « … exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public ou fournissant au public un service de télécommunications ». A contrario, la même collectivité peut « établir » un tel réseau et/ou le mettre à disposition d’opérateurs . 1.3.2. Ce qui précède vaut, a priori, de la même façon pour toutes les techniques. On a pu toutefois se demander si la règle interdisant à une collectivité territoriale investie d’une compétence en matière de voirie, d’être opérateur, n’avait pas des conséquences particulières, plus drastiques, en matière de BLR. Je ne partage pas cette opinion.1.3.2.1. L’idée serait la suivante : pour des techniques autres que la BLR, l’impossibilité, pour une collectivité territoriale investie d’une compétence en matière de voirie, d’être opérateur ne met nul obstacle à ce que cette collectivité finance, établisse, puis mette à la disposition d’un opérateur un réseau ou une infrastructure qu’elle ne pourrait pas elle-même exploiter.Rien ne s’oppose en effet à cette répartition des fonctions entre deux personnes morales distinctes. Mais une telle dualité d’intervenants ne serait pas transposable à propos d’une autorisation d’utilisation de fréquence car les règles spécifiques de la domanialité publique (et une autorisation d’utilisation de fréquence est une autorisation domaniale) feraient obstacle à son exploitation par une personne autre que son détenteur. En d’autres termes : - une collectivité territoriale investie d’une compétence en matière de voirie ne peut pas exploiter une autorisation d’utilisation de fréquence ; - et parce que les qualités de détenteur et d’exploitant de l’autorisation seraient indissociables, l’impossibilité d’exploiter l’autorisation priverait la collectivité de la possibilité d’en être seulement titulaire. 1.3.2.2. Mais les règles de la domanialité publique n’ont pas une telle portée. Le caractère personnel de l’autorisation domaniale fait obstacle à ce que le titulaire de celle-ci en dispose librement, à ce qu’il la cède ou la « sous-loue » à un tiers sans l’aval de l’autorité domaniale. En revanche, ce caractère personnel ne fait pas obstacle à ce que, avec l’accord de l’autorité domaniale, le titulaire d’une autorisation en confie l’utilisation à un tiers ou la partage avec lui (que l’on songe, par exemple, à la façon dont, dans un port, le domaine public de l’Etat, remis à l’autorité gestionnaire – port autonome ou chambre de commerce – peut, par des contrats de « sous-location », être occupé par divers utilisateurs ; de même, pour le domaine autoroutier de l’Etat, la société concessionnaire met à la disposition de tiers (stations-service, débits de boissons …) les emplacements nécessaires à leur activité. 1.4. Sans doute convient-il, à ce stade, de dépasser le cas de l’hypothèse où une collectivité territoriale serait contrainte, du fait de la compétence en matière de voirie dont elle serait investie, de renoncer à prolonger par une activité d’opérateur l’autorisation d’utilisation de fréquence dont elle serait titulaire. En vérité, les collectivités territoriales qui souhaitent obtenir une telle autorisation n’envisagent pas de l’exploiter elles-mêmes ; elles estiment n’en avoir pas la compétence technique et sont spontanément déterminées à confier cette exploitation à un opérateur. C’est dans ce cadre plus général qu’il faut préciser dans quelles situations juridiques se trouveraient respectivement, le titulaire de l’autorisation et l’exploitant. Le titulaire ne pourrait pas mettre l’autorisation à la disposition d’un tiers sans l’accord de l’autorité domaniale. Celle-ci pourrait subordonner son accord à un agrément de l’exploitant. Le caractère précaire et révocable de l’autorisation domaniale aurait ses effets prolongés vis à vis de l’exploitant. L’autorité domaniale pourrait mettre fin à l’autorisation pour tirer les conséquences des conditions dans lesquelles elle serait utilisée par l’exploitant. Le titulaire demeurerait débiteur de la redevance d’occupation. 1.5. On pourrait, il est vrai, soutenir que certaines des conditions mentionnées à l’article L. 42-1 du CPCE pour l’octroi des autorisations, se réfèrent (implicitement) à une activité d’opérateur, de telle sorte qu’un candidat n’ayant pas la possibilité juridique ou l’intention d’intervenir comme opérateur ne pourrait pas être candidat à l’obtention d’une fréquence : ne pourrait être candidat (ou titulaire de l’autorisation) que le futur utilisateur (opérateur). Cette interprétation ne serait pas radicalement contraire à la lettre, ni à l’esprit de l’article L. 42-1 (qui toutefois ne me paraît en rien l’imposer). Mais elle serait à peu près incompatible avec l’intention du législateur de l’article L. 1425-1 du CGCT, qui tout à la fois, entend permettre l’intervention des collectivités territoriales, mais n’entend que subsidiairement les ériger en opérateurs. 2. Les conditions d’attribution des autorisations 2.1. Les principes applicables.L’article L. 42-1 du CPCE dispose : « L’Autorité de régulation des télécommunications attribue les autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et en tenant compte des besoins d’aménagement du territoire ».Ces termes sont, pour l’essentiel, repris du droit communautaire (article 5 de la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002, article 9 de la directive 2002/21/CE du même jour) et se retrouvent au 2ème alinéa de l’article L. 1425-1 du CGCT. Ils expriment ou prolongent les principes généraux du droit de la concurrence.Ils ne sont écartés, ni par le rôle attribué aux collectivités territoriales, ni par les particularismes du droit de la domanialité publique. S’agissant du rôle des collectivités territoriales, le 1er alinéa de l’article L. 1425-1 du CGCT dispose expressément que leur intervention « … respecte le principe d’égalité et de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques ». S’agissant du droit de la domanialité publique, il incorpore le droit de la concurrence et le combine avec les autres règles domaniales (« … s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci , tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation, que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ou l’ordonnance du 1er décembre 1986, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ; qu’il appartient alors au juge de l’excès de pouvoir … de s’assurer que ces actes ont été pris compte tenu de l’ensemble de ces principes et de ces règles et qu’ils en ont fait, en les combinant, une exacte application » ; Conseil d’Etat. 26 mars 1999. société E.D.A. p. 107).2.2. Il découle de ce qui précède qu’en cas de candidatures concurrentes pour l’attribution d’une même autorisation de fréquences, une collectivité territoriale ne peut se prévaloir d’aucune priorité, ni d’aucune préférence.Et ce qui est vrai de la candidature « directe » d’une collectivité territoriale vaudrait aussi pour la candidature d’un opérateur qui se prévaudrait de ce qu’il est titulaire d’une délégation de service public consentie par une collectivité territoriale.Cette idée ne souffre en elle-même aucune discussion. Mais il convient peut-être de préciser son exacte portée.Elle ne signifie pas que dans l’appréciation des mérites d’une candidature émanant (directement ou indirectement) d’une collectivité territoriale, il n’y ait pas lieu (si du moins on se place par hypothèse, dans le cadre d’une procédure comparative) de tenir compte de ce que cette candidature pourrait être regardée comme répondant mieux que d’autres à des considérations d’intérêt général, et, notamment à des considérations d’aménagement du territoire.Bien au contraire, refuser par principe de tenir compte d’un tel élément, serait juridiquement erroné. L’article L. 42-1 du CPCE se réfère expressément, à propos de la délivrance d’autorisation d’utilisation des fréquences, aux « besoins d’aménagement du territoire » ; et tout l’article L. 1425-1 est sous-tendu par l’idée que l’intervention des collectivités territoriales répond à des considérations d’intérêt général.Mais deux points doivent être soulignés.Tout d’abord, les considérations et les objectifs dont une candidature émanant d’une collectivité territoriale est normalement porteuse ne sont pas les seuls qui doivent être pris en compte pour l’attribution de fréquences. Ainsi, l’article L. 42-1 se réfère, on l’a dit, aux « besoins d’aménagement du territoire » ; mais l’article L. 42-2, lorsqu’il évoque la nécessité de procéder à une sélection, lorsque les candidatures sont plus nombreuses que les fréquences disponibles, renvoie à l’ensemble des conditions d’utilisation mentionnées à l’article L. 42-1 ainsi qu’aux objectifs mentionnés à l’article L. 32-1.Autrement dit, les considérations d’intérêt général que l’ART doit prendre en compte ne se réduisent pas à celles correspondant plus spécifiquement à la vocation des collectivités territoriales.Ensuite, on commettrait une erreur de droit en postulant comme une présomption quasi irréfragable, qu’une considération telle que l’aménagement du territoire est, par nature, mieux satisfaite par la candidature d’une collectivité territoriale. En d’autres termes, y compris pour un tel critère, c’est par rapport aux caractéristiques concrètes et effectives d’un dossier de candidature, et non par référence à la personne juridique du candidat, qu’il faut raisonner. 2.3. Si les collectivités territoriales ne peuvent ainsi se prévaloir d’aucun régime préférentiel, elles ont droit à ce que la vocation qui leur a été reconnue par le législateur, au travers de l’article L. 1425-1, ne soit pas méconnue ou contournée. Deux points doivent être évoqués. 2.3.1. Le CPCE ne limite pas la liberté de l’ART de définir la zone géographique où une autorisation d’utilisation de fréquences va être proposée. Le CGCT, pour sa part, ne répartit pas entre la commune, le département et la région la fonction prévue par l’article L. 1425-1.Mais, en affirmant la vocation des collectivités locales en matière de « réseaux et services locaux de télécommunications », il postule que les modalités d’attribution des autorisations d’utilisation de fréquences ne doivent pas avoir pour effet d’écarter radicalement du jeu ces collectivités. Il en découle que les autorisations ne doivent pas être proposées dans un cadre territorial auquel les collectivités ne pourraient pas accéder : or, ainsi qu’on l’a dit précédemment, les collectivités territoriales ne peuvent pas déployer leur activité en dehors de leur ressort territorial.Ce raisonnement conduit sans doute à écarter l’hypothèse où il serait envisagé d’attribuer une autorisation dans un cadre spatial qui ne coïnciderait avec aucun ressort de collectivités territoriales.Il conduit aussi à écarter l’hypothèse où il n’y aurait pas d’attribution en dehors du cadre national : les collectivités territoriales ne peuvent pas exercer de compétence dans un tel cadre.En revanche, rien ne s’oppose à ce que le cadre retenu soit celui d’un groupement de collectivités territoriales. 2.3.2. La prise en considération de la vocation attribuée par le législateur aux collectivités territoriales a t’elle une incidence sur le choix du mode de sélection ? En d’autres termes : fait-elle obstacle au système dit des « enchères » ? Indépendamment de la prise en considération des données propres aux collectivités territoriales, une remarque préalable sur la portée de l’article L. 42-2 du CPCE paraît nécessaire. Selon ce texte : « … La sélection se fait par appel à candidatures sur des critères portant sur les conditions d’utilisation mentionnées à l’article L. 42-1 ou par la contribution à la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 32-1 (…). Le ministre peut prévoir que l’un des critères de sélection est constitué par le montant de la redevance … ».Ces dispositions ne permettent pas de mettre en place un système où le montant de la redevance proposée déterminerait directement et automatiquement l’attributaire de la fréquence. Elles imposent une pluralité de critères. Il serait même, sans doute, hasardeux de tenir le montant de la redevance comme un critère très nettement prépondérant. La rédaction du texte le fait plutôt apparaître comme un critère additionnel (ce qui ne veut pas dire : subsidiaire) à ceux correspondant, alternativement : - aux « conditions » multiples mentionnées à l’article L. 42-1 ; - aux « objectifs », eux aussi multiples, mentionnés à l’article L. 32-1 ; Ceci précisé, un critère, combiné à d’autres, fondé sur le montant de la redevance que les candidats s’engagent à verser ne paraît pas incompatible avec une participation des collectivités territoriales à une mise en concurrence.Sans doute, le régime administratif et financier des collectivités territoriales constitue-t-il à cet égard une forme de handicap. Mais je n’y vois pas de véritable incompatibilité qui serait de nature à rendre juridiquement impossible (ou, à tout le moins, très fragile) le recours à un tel dispositif.En guise de conclusion...Au long des pages qui précèdent j'ai souligné les imperfections des textes, les difficultés de leur interprétation, les contraintes de leur application. Avant de terminer je voudrais cependant -sans rechercher un artifice rhétorique - exprimer une conviction plus souriante. Aussi imparfait soit-il -et je me surprends parfois à penser : du fait de cette imperfection -, aussi vigilant que doive être son maniement ( qui ne sera pas toujours à l'abri d'aléas contentieux), l'état du droit existant n'est pas principalement un carcan pour l’action.Parce qu'il doit combiner, concilier, des données diverses et parfois divergentes, parce qu'il exprime des équilibres ou, à tout le moins, des compromis qui s'accommoderaient mal de pratiques ou de positions trop tranchées, ce droit a une forme de plasticité qui, d'une façon qui peut s'avérer féconde, est un appel à l'imagination et à l'empirisme et peut s'adapter à la diversité des situations et projets des collectivités territoriales. Paris,
le 2 mars 2005 Daniel LABETOULLE |