Etude relative à l'intervention des collectivites territoriales
en matière d'infrastructures de réseaux de télécommunications
à haut débit : contribution du Cabinet Bird &Bird (décembre
2003)
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Ce rapport constitue la synthèse de la position exprimée par le cabinet Bird & Bird durant ces séminaires. L'ART a d'abord souhaité aborder le régime de propriété des éléments constitutifs de l'infrastructure de télécommunications dans le cadre des différentes formes de contrats publics envisageables pour le déploiement de telles infrastructures. A cet égard, une distinction a été établie par type de contrat (I.1), puis en fonction de la phase d'exécution desdits contrats (I.2).
I.1.1 Délégations de service public Il existe plusieurs types de contrats de DSP : concessions, affermages, régies intéressées. Dans tous ces contrats, les biens apportés par la collectivité délégante restent sa propriété, à moins qu'ils ne soient contractuelllement cédés au délégataire de service public. En ce qui concerne les biens apportés par le délégataire, il faut faire une double distinction, selon le type de DSP envisagé d'une part, et selon le type de bien d'autre part. En matière de concession, on distingue les biens dits " de retour ", des biens de " de reprise " et des biens " propres ".
Dans les contrats d'affermage et de régie intéressée, les infrastructures sont mises à la disposition du délégataire sans aucun transfert de propriété. Néanmoins, il est loisible aux parties d'aménager contractuellement le régime décrit ci-dessus afin de le rapprocher de celui de la concession. Dans les marchés publics, le co-contractant reste propriétaire de l'infrastructure jusqu'à réception du marché par la collectivité. Le transfert de la propriété à la collectivité publique s'effectue à l'issue de la réception des travaux. Le Bail Emphyteotique Administratif (" BEA ") confère à son titulaire un droit réel sur le domaine public, et un droit de propriété sur les ouvrages réalisés, la propriété étant transférée à la collectivité à la fin du bail. Cependant, un tel montage est délicat pour les réseaux haut débit car les collectivités locales ne peuvent pas conférer des droits réels sur le domaine public routier. Le contrat d'IRU ne donne aucun droit de propriété à son cocontractant sur l'infrastructure, seulement un droit réel. I.1.3 Distinction entre infrastructures actives et passives L'article L. 1511-6 du CGCT ne peut pas être analysé comme s'opposant à ce que les collectivités locales puissent détenir, financer et mettre à disposition des infrastructures actives. Seule l'activation de l'infrastructure confère la qualité d'opérateur, ce qui n'interdit nullement aux collectivités d'installer et d'être propriétaires d'infrastructures passives. L'avis du Conseil d'Etat du 5 novembre 2002 ne partage néanmoins pas cette analyse et considère que les collectivités territoriales ne peuvent pas créer des équipements actifs et, par conséquent, en être propriétaire.
I.2.1 Pendant l'exécution du contrat En complément des développements qui précèdent, on précise que les biens apportés par la collectivité peuvent être cédés contractuellement au cocontractant ou simplement mis à sa disposition. Les biens de retour sont inaliénables par le concessionnaire. Un inventaire des biens par catégorie (biens de retour, de reprise ou propres) annexé au contrat, est recommandé. Seuls les biens de retour reviennent automatiquement et gratuitement à la collectivité. Les autres biens, qui appartiennent au délégataire, peuvent néanmoins être acquis ou achetés par la collectivité. En cas de résiliation du contrat, le délégataire est indemnisé pour la partie des biens qu'il n'a pas amortie, y compris les biens de retour. Il est notable que même en présence de contestation relative au bien fondé de cette résiliation, le juge des référés peut ordonner la remise des installations à la collectivité. II.1 Appréciation des contrats utilisés par les collectivités L'utilisation du contrat de DSP présuppose l'existence d'un service public, qui puisse être délégable. En l'absence d'une jurisprudence consacrant l'existence d'un service public local en matière de haut-débit, les critères jurisprudentiels traditionnels d'identification du service public doivent être appliqués. En l'état actuel de la législation, la création du service public de connectivité est possible à partir du moment où la collectivité a constaté une demande d'offres en raison notamment d'une insatisfaction des administrés au regard de l'offre existante. Cette activité apparaît dès lors délégable au vu de la réglementation en vigueur. Parmi les contrats de DSP, une distinction peut être établie entre la concession, qui confère au délégataire le rôle de maître de l'ouvrage en lui confiant une mission globale de mise en place de la totalité du projet (construction et exploitation des ouvrages, équipements et services), et les autres contrats que l'on peut qualifier de " DSP d'exploitation ". Ces derniers (affermage et régie intéressée) ne confèrent au délégataire qu'un rôle durant la phase d'exploitation des infrastructures, ce qui peut poser des difficultés d'articulation entre la phase de construction sous la maîtrise d'ouvrage de la collectivité, puis celle d'exploitation. Au titre des avantages, on note que ce contrat peut être calé plus facilement sur des cycles courts d'évolution technologique en matière de télécoms (5 ans environ). A cet égard, le contrat de concession pose au contraire l'inconvénient de sa durée généralement longue dans la mesure où elle est calculée sur la période d'amortissement des investissements. Ce problème pourrait d'ailleurs être accentué par l'adoption de l'article L. 1425-1 du CGCT qui permet l'établissement d'équipements actifs nécessitant des changements plus nombreux au regard de l'évolution technologique. Toutefois, les inconvénients relevés pour le contrat d'affermage ou celui de concession peuvent être contournés par une rédaction précise du contrat. Enfin, il convient de relever que dans le cadre de cet article L. 1425-1, le recours au contrat de délégation sera facilité par la qualification donnée par le législateur à l'établissement et l'exploitation réseaux de télécoms de service public local. En revanche, les collectivités devront, en l'état actuel du projet de loi, procéder au préalable à un constat d'insuffisance de l'initiative privée s'apparentant à un constat de carence sur l'exploitation et la fourniture de services de télécoms. Le recours aux marchés publics de travaux est envisageable pour la construction d'infrastructures, dans le cadre réglementaire actuel ou futur, c'est-à-dire pour l'équipement en infrastructures passives ou actives. Le choix de la procédure de passation sera susceptible d'être modifié si l'infrastructure est active : la plus grande complexité des équipements justifie alors le recours à l'appel d'offres restreint. En revanche, le recours aux marchés de services ne paraît pas envisageable. Les marchés publics ont pour objet de répondre aux besoins propres de la collectivité publique. S'ils répondent aux besoins de tiers, le marché s'apparente en réalité à un contrat de subventionnement et soulève la question de sa compatibilité avec les règles de concurrence applicables aux aides d'Etat. S'il n'est pas exclu de gérer un service public dans le cadre de certains marchés publics comme le contrat de gérance, la jurisprudence n'est pas encore parfaitement établie et le risque de contentieux est certain. Les contrats par lesquels les collectivités territoriales entendent solliciter auprès d'opérateurs de télécommunications le déploiement et la mise à disposition des clients finaux de services de télécommunication à haut débit peuvent être qualifiés de conventions de subventionnement. Ils se caractérisent notamment par l'absence de contrepartie directe pour la collectivité en termes de prestations ou autres. Ainsi, ces contrats doivent se conformer au droit interne et communautaire des aides publiques.
· Au regard des principes de concurrence, il n'existe pas de différence notable entre les trois types de contrat de DSP ci-dessus évoqués. En revanche, si la collectivité a recours à des marchés de travaux ou de services, l'appel d'offres ouvert présente les garanties les plus fortes par rapport aux appels d'offres sur performances, étant rappelé que ces marchés n'ont en principe vocation qu'à permettre la satisfaction des besoins propres de la collectivité. · Au regard de l'aménagement du territoire, le contrat de concession apparaît comme une solution performante, à condition que l'opération soit rentable. La solution du marché de services permet quant à elle d'avoir un réseau opérationnel plus rapidement qu'en construisant toute l'infrastructure, étant rappelé que ces marchés n'ont en principe vocation qu'à permettre la satisfaction des besoins propres de la collectivité. · Au regard de l'optimisation des deniers publics, la concession présente l'avantage de n'exposer la collectivité à aucun coût direct. Les marchés de travaux, quant à eux donnent lieu à la perception de loyers pour la mise à disposition des infrastructures.
Les problématiques relatives à la durée du contrat et à sa nature ne sont ni spécifiques au secteur des télécommunications, ni aux contrats publics. Elles sont généralement résolues par l'introduction dans le contrat de clauses d'adaptation technologique ou de sortie du contrat en cas de changement de stratégie. Il reste qu'en droit public, la possibilité de faire évoluer le contrat est conditionnée par l'absence de bouleversement de l'économie du contrat.
III.1 Le cadre juridique des aides Non définie par le droit national, la notion d'aide d'Etat désigne en droit communautaire tout avantage financier, quelle que soit sa forme, consenti sur fonds publics en faveur d'une entreprise ou de certaines entreprises et ayant un effet potentiel sur la concurrence et les échanges entre les Etats membres. Les arrêts Altmark et Gemo ont récemment précisé que les interventions financières publiques constituant une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, de sorte que ces entreprises ne profitent pas en réalité d'un avantage financier, ne constituent pas des aides d'Etat. Parmi ces aides, la catégorie des subventions est caractérisée par leur caractère discrétionnaire, par l'absence de contrepartie véritable à la collectivité et par leur rôle de contribution à un besoin d'intérêt général. Le principe est que toutes les aides d'Etat doivent être notifiées à la Commission européenne préalablement à leur mise en uvre, dès lors qu'elles dépassent les seuils prévus par le droit communautaire. Il existe cependant des exceptions qui sont susceptibles de s'appliquer aux projets télécoms : l'hypothèse de compensation des charges de service public (jurisprudence Altmark et Gemo), les aides d'importance mineure ou encore les aides régionales aux grands projets d'investissement.
· Au regard du droit national, le premier fondement qui peut être recherché pour l'intervention financière des collectivités dans les projets télécoms est la possibilité pour la collectivité de verser dans certaines conditions à son délégataire une subvention d'investissement. · Au regard du droit communautaire, les conditions posées par l'arrêt Altmark, lorsqu'elles sont remplies, pourraient servir de fondement à l'intervention des collectivités publiques, à condition toutefois que l'entreprise concernée soit effectivement chargée d'une mission de service public, que les paramètres de calcul de la compensation soient établis de façon préalable, objective et transparente, et que la compensation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution du service. Quand le bénéficiaire n'a pas été désigné dans le cadre d'une procédure de marché public, il faut en outre que le niveau de la compensation soit déterminé sur la base d'une analyse des coûts qu'une entreprise moyenne bien gérée aurait encouru pour exécuter les obligations concernées.
Le financement public d'une entreprise en charge d'un service économique d'intérêt général ne doit pas indûment lui permettre de fausser la concurrence en affectant le commerce entre Etats membres. Néanmoins il est possible de déroger à ce principe quand l'application des règles du traité fait échec à l'accomplissement de ce service, et que l'application de ces règles au service concerné a une incidence sur le développement des échanges dans une mesure contraire aux intérêts de la Communauté. Par ailleurs, la compensation entre des secteurs d'activité rentables et non rentables au sein d'une même entreprise gérant un tel service a été admise par les arrêts de la CJCE Corbeau et d'Almelo. Il reste que des opérateurs estimant que leur infrastructure a été dévalorisée par la présence d'une infrastructure établie sur fonds publics sont susceptibles de rechercher la responsabilité de la collectivité sur le fondement de la distorsion de concurrence. A cet égard on a déjà mentionné les conditions posées par l'arrêt Altmark. Par ailleurs le droit français analyse les subventions pouvant être considérées comme des libéralités comme illégales.
Si le montant de la subvention est calculé en fonction de la gestion du service, la jurisprudence semble admettre que cette subvention soit considérée comme une rémunération assurée par les résultats de l'exploitation, et non à un prix payé par la collectivité, ce qui laisse une certaine marge de manuvre à la collectivité. Si au contraire la subvention n'est pas fonction de la gestion du service, son incidence dépend de la part qu'elle occupe dans les ressources du délégataire. Dans la mesure où l'essence même des délégations tend à faire peser sur le délégataire un risque d'exploitation, une clause ne doit pas en principe prévoir la hausse de la subvention en cas de baisse des ressources d'exploitation. Afin d'éviter que la subvention d'investissements soit considérée comme une aide d'Etat au sens des arrêts Altmark et Gemo, il est recommandé d'insérer dans le contrat une clause de retour à meilleure fortune afin de permettre le remboursement d'une partie des subventions d'investissement octroyées dès lors que les résultats d'exploitation sont plus importants que prévu initialement.
IV.1 Obligations légales et jurisprudentielles d'ouverture des réseaux Le financement public des réseaux crée des obligations d'ouverture des infrastructures correspondantes, qui découlent de l'article L. 1511-6 du CGCT : elles doivent être mises à disposition par voie conventionnelle, dans des conditions objectives, transparentes, non-discriminatoires et à des tarifs assurant la couverture des coûts correspondants. Le futur article L. 1425-1 semble élargir ces obligations en prévoyant une obligation générale de garantir une utilisation partagée des infrastructures selon des modalités transparentes et non-discriminatoires. Si le réseau est créé via une délégation de service public, le délégataire est en outre soumis aux lois du service public, parmi lesquelles figure le principe d'égalité. En l'état actuel de la législation, le délégataire étant lié par la compétence de la collectivité délégante, les prestations qu'il peut être amené à fournir sont les suivantes : - Revente de fourreaux ou d'autres infrastructures passives, En revanche, la fourniture de bande passante ou d'une offre option 5, par exemple, ne pourra être offerte qu'à compter de l'adoption de l'article L. 1425-1. Enfin, il résulte du cadre législatif en vigueur, comme du paquet télécoms communautaire, que la protection de son délégataire par la collectivité délégante est exclue si elle entraîne une distorsion de concurrence.
Il apparaît particulièrement délicat de prévoir contractuellement que l'infrastructure déployée ne sera pas ouverte à d'autres opérateurs. Sur le plan tarifaire, l'ouverture du réseau s'opère par la fixation de tarifs par le concessionnaire sur la base du principe d'orientation vers les coûts en tenant compte d'une juste rémunération des capitaux investis par le concessionnaire et à cet effet, le concessionnaire adressera au concédant, pour approbation, ses propositions de tarifs accompagnées de tous les éléments justificatifs permettant de vérifier que ces tarifs respectent bien la règle d'orientation vers les coûts susvisée.
La concession présente de nombreux avantages sous cet angle : 1. Contrairement aux marchés publics, la collectivité territoriale n'est pas maître d'ouvrage. Cette mission revient au concessionnaire. 2. La collectivité publique ne prend pas à sa charge le financement total des investissements dans la mesure où c'est le rôle du concessionnaire. Elle peut néanmoins octroyer des subventions d'investissement à condition de laisser peser un risque ou un aléa sur le concessionnaire. Sinon le contrat est susceptible d'être requalifié en marché. 3. L'implication de la collectivité dans un contrat de concession se limite en réalité :
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