Principes et conditions de mise en oeuvre du protocole ENUM en France / Synthèse des contributions à la consultation publique / 16 juillet 2001 La synthèse en téléchargement
Résumé de la synthèse des contributions
L’ART et le secrétariat d’Etat à l’Industrie ont lancé le 23 mai 2001 une consultation publique sur les conditions de mise en oeuvre du protocole ENUM en France. Cet appel à contribution avait pour objectif de sensibiliser les acteurs et de recueillir leurs avis sur ce projet dont les nombreux enjeux dépassent le cadre français. Les réponses étaient attendues pour le 12 juin. 14 contributions ont été reçues parmi lesquelles celles de France Télécom, Cégétel, Afnic, Alcatel, Ericsson, Rénater, Bull, Afutt, Fing, FirstMark, Digital Airways, Prosodie et Devoteam. L’origine très diversifiée des contributions a permis de couvrir l’ensemble des aspects évoqués dans la consultation et de confronter des avis différents sur les questions les plus cruciales. Les enjeux de la gouvernance d’Internet, auxquels est lié le projet ENUM, ont été abordés par plusieurs contributions mais font l’objet d’un autre débat qui n’est pas abordé dans cette synthèse. I. Le contexte de la convergence Les systèmes de type ENUM constituent des facteurs importants du développement de la convergence des services de télécommunications actuellement disponibles sur les différents réseaux. Les acteurs s’accordent pour penser que les services de communication transportés nativement sur des réseaux IP seront à moyen terme prépondérants. Cette évolution est encore lente aujourd’hui mais progressera rapidement sous l’effet principalement de deux facteurs : la généralisation de connexions IP permanentes chez les utilisateurs, leur permettant notamment d’être appelés lorsqu’ils utilisent des services de voix sur IP, et l’existence d’une solution de nommage universelle non limitée à un usage, comme c’est le cas avec E.164 pour la téléphonie, ou avec le DNS pour les services IP. II. ENUM : principe, applications et usages Le standard ENUM décrit dans le RFC 2916 de l’IETF définit un protocole et une architecture basée sur le système des noms de domaine permettant de faire correspondre à des numéros de téléphone E.164 des identifiants de services de communications, avec un ordre de priorité: e-mail, URL de site web, adresse SIP de serveur de téléphonie sur IP, messagerie vocale, autres numéros de téléphone, ... Son principe a suscité les réflexions suivantes : ENUM est vu comme une passerelle technique de correspondance entre le réseau de télécommunication commuté et le réseau Internet mais d’autres techniques et services de regroupement d’identifiants pourraient voir le jour. L’identificateur UCI auquel travaille l’ETSI en est un exemple : il permet d’identifier l’individu et non le terminal, permettant ainsi à une personne de disposer d’un identifiant unique de manière pérenne (analogue au numéro de sécurité sociale) et d’identifier son correspondant lorsque celui-ci utilise un terminal partagé avec une communauté (famille, entreprise, cabine téléphonique, cybercafé,...). Par ailleurs, si ENUM prévoit aujourd’hui d’identifier des ressources de communication, il n’est pas impossible d’imaginer d’y associer des coordonnées géographiques, des numéros de carte bancaire, ou tout autre identifiant. La liste des moyens de communications auxquels renverrait une requête vers un numéro pourrait aussi être étendue à l’adresse postale, l’adresse physique ou une donnée de localisation en temps réel fournie par exemple par le réseau mobile. Un acteur estime qu’ENUM doit être considéré uniquement comme un mécanisme de traduction entre le réseau de télécommunication et le réseau Internet, constituant une solution transitoire pour accompagner l’évolution progressive des réseaux vers des solutions " tout IP ", au terme de laquelle ENUM serait obsolète. Le système DNS mis en oeuvre pour le nommage sur les réseaux IP a montré ses capacités à être utilisable dans un réseau mondial. Les noms de domaine sont par nature portables et dynamiques (un nom de domaine établit une correspondance entre un nom et une adresse IP à un instant donné). Ils restent cependant aujourd’hui spécifiques aux réseaux IP et ne peuvent être utilisés, dans leur structure actuelle, en remplacement de la numérotation E.164, d’où l’intérêt à court terme du protocole ENUM. Enfin, la mise en oeuvre d’ENUM en tant que système de nommage basé sur la numérotation E.164 semble, d’après les contributions, poser plusieurs problèmes : d’abord, cela constitue un retour en arrière par rapport à la démarche de conception du DNS qui visait à introduire un nom mnémotechnique pour désigner une machine connectée à Internet plutôt que d’utiliser les chiffres de son adresse IP. Ensuite, cette solution confère au numéro de téléphone et par conséquent à l’opérateur qui le détient un rôle déterminant pour le contrôle des services IP d’un abonné. Le protocole ENUM est un moyen de rendre interopérable un réseau de télécommunication et le réseau Internet. Si le principe d’ENUM tel que décrit dans le RFC 2916 de l’IETF, prévoit d’associer des identifiants de services de communication à un numéro de téléphone E.164, d’autres correspondances, basées sur des référentiels plus mnémotechniques, et élargissant les services de regroupement d’identifiants, pourraient être imaginées sur ce principe. ENUM doit donc s’inscrire dans une réflexion plus large sur les solutions d’identification universelle des utilisateurs de réseaux convergents. La possibilité donnée à un individu de gérer la manière dont il souhaite être joint à l’aide d’un simple numéro de téléphone constitue, d’après la majorité des contributions, une approche intéressante et porteuse de nouveaux services. Il semble cependant qu’ENUM favorisera d’abord l’utilisation de services déjà existants plutôt qu’il ne créera de nouveaux services. Ainsi, ENUM devrait d’abord avoir un effet moteur sur les services de convergence déjà connus (messagerie unifiée, voix sur IP) en leur conférant plus de facilité d’accès, de convivialité et une plus grande mobilité. Le premier type de services les plus couramment cités par les acteurs pour une utilisation à court terme sont des applications de voix sur IP. Plus généralement, tous les services s’appuyant aujourd’hui sur un numéro E.164 seront potentiellement impactés par ENUM. Ceci ne concerne pas a priori les numéros courts et spéciaux, qui ne font pas partie de la recommandation E.164 de l’UIT. L’utilisation du protocole ENUM pourrait notamment permettre de simplifier la gestion de multiples moyens de communications (téléphone fixe ou mobile, fax, email, ...) à l’aide d’un "numéro universel". Ce numéro, qui est un numéro de téléphone E.164 dans le RFC 2916 mais qui pourrait être tout autre identifiant universel (cf.supra), peut constituer un point d’accès et de consultation unique des messages d’un utilisateur, au format du terminal dont il dispose. Ainsi, une personne pourrait être contactée par n’importe quel canal, en fonction de sa disponibilité et des filtrages et renvois qu’elle aura paramétrés. Un individu souhaitera alors certainement disposer de plusieurs " numéros universels " correspondant aux différentes sphères de sa vie : privée, professionnelle, associative,... En tant que passerelle entre le monde de la téléphonie et l’Internet, le protocole ENUM permettra aussi d’accéder à des ressources de l’Internet à partir d’identifiants de la téléphonie (visiter le site web d’une entreprise en ne connaissant que son numéro de téléphone). En outre, plusieurs contributions soulignent que si le protocole ENUM contribue à la convergence des services de transport vers le modèle des réseaux IP, il ne garantit pas la convergence des services. L’utilisation de la numérotation et d’un terminal téléphonique classique pour des applications autres que le transport de la voix ou le fax, nécessite le recours à d’autres techniques, par exemple la reconnaissance vocale, pour avoir accès à des services Internet: ENUM seul ne permet pas de faire communiquer un serveur d’e-mail et un téléphone par exemple. Dans l’ensemble, les contributions restent très générales sur la description des applications liées à l’utilisation d’ENUM. Il est encore trop tôt pour décrire avec précision les applications potentielles du protocole ENUM dont la mise en oeuvre et l’utilisation sont encore à l’étude. ENUM semble néanmoins porteur d’innovations. Toutefois, ce protocole devrait favoriser d’abord la pénétration des applications de voix sur IP et des services de convergence existants (messagerie unifiée par exemple), en leur donnant plus de convivialité, avant de contribuer à l’émergence de nouveaux services. Enfin, le protocole ENUM n’est qu’un mécanisme de conversion qui devra s’associer à d’autres techniques pour permettre des services réellement convergents. Les considérations sur le marché potentiel et les prévisions de pénétration de services basés sur le protocole ENUM sont difficiles et prématurées car ENUM n’est aujourd’hui qu’un protocole technique dont les utilisations sont en cours de réflexion. La demande pour ces services sera tributaire des conditions de mise en oeuvre et de la relation de confiance qu’aura pu instituer le système ENUM. Les services basés sur l’utilisation du protocole ENUM seraient d’abord destinés à une clientèle professionnelle disposant déjà de multiples adresses et outils de communication. Ces services pourraient notamment être utilisés dans le réseau interne des entreprises ou pour rester facilement en contact avec leur personnel nomade. Si le besoin se fait sentir pour le grand public qui peut déjà disposer de plusieurs identifiants de moyens de communication et qui devient de plus en plus mobile, la pénétration de ce segment de marché sera toutefois plus lente et dans une première phase limitée aux technophiles. Le développement du marché grand public dépendra fortement des conditions dans lesquelles seront introduits les services de type ENUM, qui seront autant de facteurs d’appropriation pour cette clientèle. Les considérations sur le marché des services ENUM, alors que ces derniers ne sont pas clairement identifiés, apparaissent prématurées. Par conséquent, aucune cible de clientèle n’est à exclure. Mais les entreprises et un public technophile seront a priori les premiers clients visés. Les conditions de mise en oeuvre d’ENUM seront déterminantes pour l’émergence de la demande. III. Conditions de développement 1. Appropriation des services liés à ENUM par les utilisateurs La majorité des contributions soulignent que la numérotation téléphonique a l’avantage de bénéficier d’une utilisation largement répandue et universellement comprise. Elle bénéficie de la portabilité et peut être saisie avec un faible taux d’erreur, à partir de tous les terminaux fixes ou mobiles. Elle est fiable car sa gestion s’appuie sur des règles claires et rigoureuses établies par des instances neutres. Une URL de site Internet ou une adresse e-mail sont plus facilement sources d’erreurs. Néanmoins la numérotation téléphonique est difficilement mémorisable, notamment si de nouveaux allongements sont nécessaires pour faire face à de nouveaux besoins, et n’établit pas nécessairement de correspondance bijective entre un numéro et une personne. D’autres avancent que l’unicité de la clé servant de référentiel commun dans le protocole ENUM pour l’accès à une grande diversité de services de communication (le numéro de téléphone en l’occurrence) confère un rapport plus fort entre un numéro et une personne. Il sera par conséquent plus difficile et plus coûteux d’en changer. Dans ce contexte, d’autres identifiants que le numéro de téléphone pourraient être utilisés. Un référentiel basé sur le nom de l’individu, par exemple, serait un meilleur facteur d’appropriation. Néanmoins, une contribution évoque les débats en cours au sein de l’ICANN sur l’internationalisation des noms de domaine qui montrent que l’utilisation des caractères dans un système de nommage est sensible aux différences culturelles et ne peut par conséquent être universelle, d’où l’intérêt que peut avoir le recours à la numérotation E.164 comme référentiel commun. Plusieurs contributions soulignent que l’appropriation par les utilisateurs d’ENUM et des services qui en découlent dépendra essentiellement des conditions de sa mise en oeuvre : la valeur ajoutée bien comprise des services, leur facilité d’utilisation et leur coût . La possibilité laissée de façon simple à l’usager d’insérer ou non son numéro dans l’arbre de nommage ENUM, d’accéder aux données associées au nom de domaine, la confiance qui sera accordée à la validité, à la pertinence et à la confidentialité des informations, auront un impact très important. De même que les mesures prises pour prévenir les risques de détournement des flux de trafic à l’insu du destinataire ou de l’émetteur supposé. Le rythme d’adoption des connexions IP permanentes, fixes ou mobiles, sera aussi déterminant pour le développement des services ENUM. De même que la mise en oeuvre de la portabilité d’un numéro personnel attribué de façon pérenne à l’utilisateur. Il est probable que l’appropriation soit différente selon que les services s’appuyant sur ENUM sont nouveaux ou non ou qu’ils entrent en concurrence avec des services existants. Par exemple, les gains économiques réalisables sur la téléphonie pourraient être un facteur d’appropriation important aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers. La perte de revenu potentielle des opérateurs pourrait, à l’inverse, engendrer un manque d’ardeur dans la promotion d’une telle technique. L’utilisation des numéros de téléphone comme référentiel commun pour l’accès aux services de télécommunication constitue un avantage pour l’appropriation des services basés sur ENUM, grâce à son utilisation largement répandue et universellement répandue. Pourtant, la confiance qui sera accordée à la validité, à la confidentialité et à la sécurité des informations contenues dans les bases ENUM sera déterminante pour l’adoption des services. La pénétration des connexions IP permanentes, fixes ou mobiles conditionnera la rapidité de leur développement. Le protocole ENUM en lui-même et l’utilisation des mécanismes du DNS, qui est considéré comme un système robuste, ne semblent pas a priori poser de problèmes techniques pouvant se traduire par un mauvais fonctionnement des services basés sur cette fonctionnalité. Toutefois, pour la quasi totalité des contributions, la capacité de l’architecture centralisée et hiérarchisée du DNS à supporter les requêtes générées par des services exigeant le transport d’informations en temps réel et de bonne qualité devra être appréciée à chaque niveau de l’architecture DNS, en fonction de la charge et du niveau de disponibilité requis par chaque service. L’absence de données précises sur les applications d’ENUM et leur niveau de pénétration ne permet pas aux acteurs d’être plus précis. Plusieurs contributions ont cependant énoncé quelques recommandations dans la mise en oeuvre d’ENUM pour prévenir les difficultés techniques qui pourraient avoir un impact sur le bon fonctionnement de services ENUM. Les bases de données qui hébergeront les fichiers de correspondance entre numéros de téléphone et les URIs devront être correctement dimensionnées. De plus, une architecture distribuée des serveurs semble préférable à une architecture centralisée pour la répartition des trafics de requêtes. Il semble également important de définir les conditions d’accès aux passerelles ENUM: à quel moment interroger la base ENUM, faut-il déclencher une requête à chaque appel vers un abonné E.164 même si ce n’est pas pour faire aboutir un appel téléphonique, peut-on éviter la mobilisation de circuits téléphoniques inutiles, quelles modifications de la structure du réseau téléphonique sont nécessaires pour pallier l’accroissement de trafic de signalisation,... Enfin, la division en plusieurs sous-domaines des chiffres correspondant aux codes pays (" .3.3 " ou lieu de " .33 ") pourrait se traduire par une charge inutile sur les serveurs du DNS. Le protocole ENUM et le système des noms de domaine sur lequel il s’appuie ne posent pas a priori de problèmes techniques pouvant se traduire par un mauvais fonctionnement des services basés sur cette fonctionnalité. Les solutions techniques permettant d’optimiser le fonctionnement des services devront être appréciées lors de leurs expérimentations. 3. Impact d’ENUM sur les acteurs du marché Les contributions ayant répondu à cette question indiquent le souhait que les obligations réglementaires applicables aux différents services de communication ne soient pas impactées par l’introduction du protocole ENUM. Un nom de domaine ENUM étant considéré comme une autre forme de présentation d’un numéro de téléphone, son gestionnaire doit avoir les mêmes obligations réglementaires applicables aux différents services de communication que celles d’un opérateur téléphonique classique. ENUM ne doit pas porter atteinte à la continuité du service universel. L’impact des conditions réglementaires et juridiques à respecter dans le cadre de la mise en oeuvre d’ENUM doit toutefois faire l’objet d’une réflexion approfondie. Les obligations qui pourraient s’appliquer aux fournisseurs de services ENUM concernent en particulier : la portabilité des enregistrements ; la mise à jour des informations ; les contraintes de disponibilité ; la confidentialité des informations ; la protection des données personnelles ; l’authentification des données ; la contribution au service universel. En ce qui concerne l’interception légale des appels, c’est l’utilisation des réseaux IP qui peut la rendre difficile en nécessitant l’utilisation de sondes au plus près de l’abonné et non plus dans le coeur de réseau. L’introduction du protocole ENUM ne devrait pas avoir d’impact sur les obligations réglementaires applicables aux différents services de communication, ainsi que sur l’application du service universel. En particulier, les obligations réglementaires liées à la numérotation devront s’appliquer au gestionnaire des noms de domaine ENUM. L’impact des conditions réglementaires et juridiques à respecter dans le cadre de la mise en oeuvre d’ENUM doit faire toutefois l’objet d’une réflexion approfondie. 3.2. Situation de concurrence entre les acteurs Les contributeurs estiment que le protocole ENUM en lui-même n’a aucune influence sur le respect des principes de la libre concurrence. C’est dans sa mise en oeuvre, pour la fourniture de services, que ces principes doivent être analysés. La situation de concurrence entre les acteurs intervenant dans la fourniture de services s’appuyant sur l’utilisation du protocole ENUM dépendra fortement du partage de responsabilité qui sera introduit à tous les niveaux de l’arborescence, et en particulier au niveau 2 (cf IV.2.1). Il faut veiller à ce que le Tier 2 ne soit pas le seul à pouvoir fournir des services basés sur ENUM. Les relations entre le Tier 2 et les fournisseurs potentiels de services ENUM devront être étudiées. Plusieurs contributions avancent à cet égard que la distinction à ce niveau de la gestion du serveur DNS dans lequel est enregistré le nom ENUM, de la base ENUM contenant les enregistrements des adresses de services de communications, contribuerait à réduire les positions dominantes sur la fourniture de services ENUM que pourraient prendre les opérateurs détenteurs des numéros. Cette distinction devrait se traduire dans la définition des interfaces des passerelles ENUM. La situation de concurrence entre les acteurs intervenant dans la fourniture de services basés sur l’utilisation du protocole ENUM dépendra fortement du partage de responsabilité qui sera introduit à tous les niveaux de l’arborescence, et en particulier au niveau 2. Les relations entre Tier 2 et les fournisseurs de services doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie. La nécessité d’une phase expérimentale en France est reconnue par de nombreux contributeurs. Celle-ci porterait davantage sur les services que sur le protocole lui-même dont les problèmes techniques éventuels seraient résolus au sein de l’IETF. Elle pourrait à la fois permettre de valider le fonctionnement technique des services mais surtout leur adéquation avec les obligations réglementaires liées à l’utilisation de la numérotation E.164. Elle permettrait aussi d’engager une réflexion sur les nouveaux services, les conditions économiques de leur fourniture au public et apprécier leur adéquation à la réceptivité du marché. Elle pourrait être lancée et coordonnée par l’ART ou le secrétariat d'Etat à l’Industrie. Néanmoins, au moins une contribution a souligné qu’il semble prématuré de lancer une telle expérimentation tant que les responsabilités des différents acteurs n’auront pas été établies aux niveaux international et national. Une phase expérimentale visant à identifier les obstacles d’ordre technique, réglementaire ou économique à la fourniture des services basés sur le protocole ENUM pourrait être lancée sous l’égide des pouvoirs publics avec la participation large des acteurs, une fois que les principes de mise en oeuvre aux niveaux international et national auront été clairement fixés. IV. Architecture des services ENUM Dans son principe, ENUM utilise les numéros de téléphone classiques, gérés dans chaque pays par une autorité de régulation nationale, et l’architecture du système des noms de domaine mise en place dans l’Internet et gérée par des instances auto-régulées d’acteurs privés. Le projet d’ENUM se situe donc à la rencontre de deux mondes aux acteurs et règles différents et mérite qu’une attention particulière soit portée aux conditions de sa mise en oeuvre tant au niveau international que national. 1. Mise en oeuvre internationale 1.1. Insertion des numéros E.164 dans le DNS Tous les acteurs insistent sur la nécessité d’assurer une gestion des noms de domaine ENUM subordonnée, à tous les niveaux, à la gestion de la numérotation E.164. Les noms de domaine ENUM constituent en réalité une présentation différente des numéros téléphoniques E.164. Il est par conséquent nécessaire que les procédures d’insertion des numéros dans le DNS permettent d’assurer une cohérence parfaite entre numéros E.164 et noms de domaine ENUM. L’application du principe d’indépendance technologique doit rendre indifférente l’utilisation d’un numéro de téléphone E.164 via un réseau téléphonique ou grâce à une passerelle et un nom de domaine ENUM. En particulier, l’introduction d’ENUM ne doit pas bouleverser les conditions de gestion des ressources de numérotation ni les principes sur lesquels elles sont basées : transparence, libre concurrence et non-discrimination. Les droits et les devoirs des acteurs, vis-à-vis des ressources en numérotation doivent être pris en compte dans l’élaboration de ces procédures. Les règles claires fixant les conditions de délégation du domaine de référence pour ENUM et des sous-domaines à chaque niveau de l’arbre de nommage doivent permettre d’assurer cette cohérence. Elles doivent être définies d’abord au niveau international en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés : UIT, ICANN et l’IAB. Au niveau international, une majorité de contributions estime souhaitable que l’UIT coordonne la mise en oeuvre d’ENUM et assure la gestion administrative du domaine de référence (niveau 0, " Tier 0 "). L’ICANN est considérée comme une organisation trop jeune, trop fragile, sans pouvoir réglementaire et trop dépendante d'un seul gouvernement pour assurer cette coordination. L’UIT, organe émanant de l’organisation des Nations Unies, bénéficie d’une longue expérience des règles de gestion du plan de numérotation international et peut être garante de neutralité. En cela, l’UIT apparaît comme le meilleur garant de la cohérence entre numéros E.164 et noms de domaine ENUM. La gestion technique du domaine pourrait être assurée par l’organisme désigné par l’UIT en concertation avec l’ICANN. D’autres contributions estiment qu’il n’est pas nécessaire que l’UIT ait un rôle opérationnel dans la mise en oeuvre d’ENUM. D’abord, en subordonnant l’architecture d’ENUM à celle de la numérotation, un tel choix pourrait hypothéquer des évolutions où d’autres identifiants pourraient être utilisés. L’affichage du respect de la subordination aux règles d’attribution des numéros pour l’enregistrement des noms ENUM, ainsi que des contraintes pénales incitatives sur les fournisseurs de services ENUM, suffiraient, d’après ces contributions, à assurer la cohérence dans les procédures d’insertion des numéros. Un organe émanant de l’UIT et de l’ICANN pourrait constituer une solution de compromis. Enfin, la majorité des contributions estiment que les délégations des sous-domaines ne devraient être effectuées au gestionnaire technique que sur demande de l’entité attributaire des ressources E.164 correspondantes dans les conditions que cette dernière définit. Les sous-domaines correspondant aux codes pays de l’UIT en particulier devront respecter cette règle. Les gestionnaires des plans de numérotation nationaux devraient assurer la cohérence de l’insertion des ressources en numéros dont ils ont la responsabilité. Au niveau national, ce même schéma pourrait être suivi en correspondance avec les plans de numérotation nationaux. Les règles fixant les conditions d’insertion des numéros E.164 dans le système des noms de domaine doivent être fixées rapidement et assurer une gestion des noms de domaine ENUM subordonnée à la gestion de la numérotation E.164. En particulier, les délégations de domaines doivent s’effectuer en correspondance avec les délégations de ressources E.164 dans une démarche volontaire des entités responsables de ces dernières, tant au niveau international que national. L’UIT apparaît comme le meilleur garant de la cohérence nécessaire sans que son rôle précis dans la mise en œuvre d’ENUM ne fasse l’objet d’une unanimité. Un consensus s’établit pour qu’un accord clair entre l’ICANN, l’UIT et l’IAB sur la définition des règles applicables à la mise en oeuvre d’ENUM soit trouvé rapidement et fasse l’objet d’un document reconnu internationalement. Des règles claires et transparentes définissant précisément les délégations et les responsabilités de chaque acteur sont un élément essentiel du futur dispositif. 1.2. Choix du domaine de premier niveau Plusieurs contributions soulignent que les noms de domaine ENUM ne devraient pas être composés par les utilisateurs des services pour lesquels la traduction des numéros en noms de domaine, effectuée par les équipements ayant cette fonctionnalité, serait transparente. Le choix du domaine de premier niveau est donc sans enjeu technique et sans impact pour la mise en oeuvre des services ENUM. Il relève davantage d’une décision politique. A cet égard, la proposition de l’IAB d’utiliser le domaine " e164.arpa " établit certes une dépendance des systèmes ENUM vis-à-vis du domaine " .arpa " et de l’IANA qui en est gestionnaire, mais ce domaine est utilisé pour des besoins de nature purement technique comme par exemple pour la résolution inverse des adresses IP et paraît donc à certains être approprié. A l’inverse, ce choix est considéré par certains comme un abandon de souveraineté, avec un risque pour la protection des libertés publiques et individuelles. Il pourrait également conférer au gestionnaire de ce niveau une situation de monopole, à l’image de la situation de domination de marché acquise par Vérisign dans la gestion du domaine " .com ". Cela conduit de nombreux acteurs à suggérer l’utilisation du domaine " .int " dédié aux activités internationales ou la création d’un autre domaine de premier niveau ( " .tel ", " .uit ", " .enum " ou " .mume " pour multimedia), censés apparaître plus neutres et dédiés au secteur des télécommunications. Un domaine neutre de toute influence d’un seul gouvernement conditionnerait pour certains le développement des services de type ENUM. Mais, certaines contributions soulignent que le domaine choisi dépendra inévitablement, comme tout le système DNS, du serveur racine de l’Internet (a.root-server) géré par la société NSI/Vérisign sous l'autorité ultime du Département du Commerce américain. En outre, la création d’un nouveau TLD prendrait du temps. Enfin, plusieurs contributions avancent que le domaine de premier niveau dans lequel seront insérés les noms de domaine correspondants aux numéros de téléphone doit être choisi sur la base d’un consensus de tous les pays et sous l’égide de l’UIT, qui pourrait en avoir la gestion administrative. Cet accord doit être trouvé dans un souci d’éviter toute rupture dans la mise en oeuvre de services ENUM dans un système public et universel. Tout retard favoriserait l’émergence de solutions alternatives qui constitueraient des positions accomplies, sources de confusion. Concernant la gestion technique du domaine ENUM, les contributions estiment que la décision de déléguer la gestion technique du domaine " e164.arpa " au RIPE NCC apparaît aujourd’hui prématurée puisqu’il n’y a pas d’accord entre les différents acteurs (ICANN, UIT, IAB) sur le choix du domaine à utiliser. Par ailleurs, sans écarter la candidature du RIPE NCC, les contributeurs estiment que les missions actuelles de cette association à but non lucratif se situent en dehors des questions de nommage et de numérotation concernées par ENUM. En tout état de cause, les conditions claires de gestion et les procédures d’enregistrement devront être établies préalablement à la délégation de la gestion technique. Concernant les noms de domaines concurrents, l’ensemble des contributions considèrent qu’ils constitueraient une source de confusion préjudiciable pour l’adoption et la reconnaissance d’un système universel aux règles clairement définies, gage pour les acteurs et les utilisateurs de transparence, de concurrence loyale et de cohérence. Il conviendrait d’éviter de se trouver dans la situation actuelle d’émergence de racines concurrentes à la racine du DNS utilisé actuellement dans l’Internet. Il apparaît nécessaire que les gouvernements prennent des dispositions appropriées pour éviter l'émergence de systèmes de nommage alternatifs et non interopérables. Néanmoins, il ne semble pas nécessaire d’empêcher l’existence de systèmes de type ENUM privés, dans une dynamique de marché et d’innovation, dès lors qu’un service public et universel reconnu par l’UIT est mis en place. Le problème du choix du nom de domaine apparaît dès lors comme secondaire par rapport à la nécessité de promouvoir un seul domaine de référence et un système de délégation soumis à des règles clairement définies aux niveaux international et national. Le domaine de référence d’ENUM n’apparaît pas comme l’enjeu principal même si le choix du domaine de premier niveau " .arpa ", utilisé dans l’Internet pour des besoins purement techniques, n’affiche pas pour certains une ambition de neutralité. Ce débat ne devrait pas occulter la nécessité de promouvoir l’unicité du domaine de référence et de l'interopérabilité de l’Internet, et surtout la définition des règles applicables à sa gestion. La définition de ces règles est en fait l’enjeu premier du cadre relatif à la mise en oeuvre d’ENUM. 2. Mise en oeuvre au niveau national Certaines contributions soulignent que toute décision quant à la mise en oeuvre d’ENUM en France semble prématurée tant qu’un accord sur les conditions de mise en oeuvre au niveau international ne sont pas fixées. De plus, un accord des acteurs nationaux sur un schéma de partage clair de responsabilité et de délégation constitue un préalable au déploiement de ce protocole. Néanmoins, les contributions ont listé quelques orientations sur les modalités de mise en oeuvre d’ENUM en France. 2.1. Partage de responsabilités Le partage des responsabilités au niveau national aura, d’après les contributions, un impact sur le succès d’ENUM. Au niveau national, ce partage concerne les niveaux 1 et 2 (Tier 1 et Tier 2) dans le modèle en couches développé dans le document de la consultation. Il conditionnera la confiance accordée entre l’attributaire du nom ENUM et celui du numéro correspondant. Le risque est qu’un service basé sur l’utilisation d’ENUM ne puisse être fourni que par le Tier 2. Comme au niveau international, plusieurs contributions avancent qu’au niveau national, les délégations des sous-domaines ne devrait être effectuées au gestionnaire que sur demande de l’entité attributaire des ressources E.164 correspondantes dans les conditions que cette dernière définit ; ceci en suivant la logique de distribution des numéros téléphoniques jusqu’au client final. Ainsi pour le niveau 1 (Tier 1), les gouvernements devraient désigner l’entité chargée de la gestion de leur plan de numérotation national pour gérer le domaine correspondant à leur code pays et assurer la cohérence de l’insertion des ressources en numéros dont ils ont la responsabilité. En France, l’Autorité de régulation des télécommunications, responsable du plan de numérotation (métropole et DOM) pourrait assurer la gestion administrative du domaine correspondant au code pays de la France. La gestion technique du domaine pourrait être confiée à un autre organisme. L’Afnic, gestionnaire du domaine " .fr ", s’est portée candidat. Pour le niveau 2 (Tier 2), certaines contributions suggèrent que les opérateurs disposant d’une licence gèrent les domaines correspondant aux ressources en numérotation qui leur ont été allouées, c’est à dire assurent le rôle de Tier 2. Ils pourraient ainsi facilement alimenter les bases ENUM et s’assurer de l’identité du client à qui un numéro a été affecté. En outre, cette solution faciliterait les mises à jour des bases de données pour l’ajout ou le retrait d’un abonné, et évite les actes de cyberpiratage. Cette répartition est contestée par d’autres contributions. Celles-ci estiment, d’une part, qu’accorder un rôle prépondérant aux autorités publiques dans la mise en oeuvre d’ENUM pourrait priver certains pays dont l’utilisation d’Internet est contrôlée ou qui n’auront pas les moyens de lancer ce projet, d’autre part, que ce partage confèrerait une position dominante aux opérateurs de télécommunications historiques qui gèrent une grande partie des numéros de téléphone E.164. Le risque existe en effet que l’opérateur dans les bases duquel serait enregistré le nom de domaine ENUM, et qui pourrait être en situation de concurrence pour la fourniture d’autres services, soit réticent à l’introduction des adresses correspondantes. Certaines contributions avancent que l’attribution de la responsabilité de gestionnaire de niveau 2 indépendamment des attributaires des ressources en numérotation, en laissant le champ libre aux registres de noms de domaine génériques, n’empêcherait pas la constitution de positions dominantes. Ainsi, les initiatives des sociétés comme Vérisign, gestionnaire du domaine " .com ", ou Neustar, gestionnaire du plan de numérotation de l’Amérique du Nord et co-gestionnaire du domaine " .biz ", de déposer des noms de domaine tels que " enum.org " ou " enumworld.com ", laissent penser qu’elles seraient prêtes à prendre sur le marché susceptible de se développer avec ENUM, une position prépondérante analogue à celle dont elles disposent sur le marché de l’enregistrement des noms de domaine. Des contributions avancent quelques pistes pour que le Tier 2 ne soit pas le seul à pouvoir proposer des services basés sur l’utilisation d’ENUM. Ainsi, si le numéro de téléphone d’un utilisateur était enregistré dans les bases de l’opérateur qui lui assure le service téléphonique, le choix du fournisseur pour les services, autres que le service de téléphonie, serait quant à lui libre. Pour cela, il est important que l’accès et le paramétrage de la liste des URI, correspondant aux différentes adresses de destination possibles, soient laissés à l’abonné lui-même, avec des mécanismes d’authentification appropriés. Ceci est essentiel pour lui permettre de gérer l’accès à ses moyens de communication en fonction d’une situation donnée. La définition des interfaces des passerelles ENUM pourrait prévoir cette possibilité. Dans tous les cas, il apparaît que les relations entre Tier 2 et ASP doivent être approfondies. Des décisions quant aux conditions de mise en oeuvre d’ENUM au niveau national sont prématurées et doivent faire l’objet d’un examen approfondi des conséquences. Comme au niveau international, au niveau national, les règles devront être définies sans ambiguïté pour que les délégations des sous-domaines suivent la logique de distribution des numéros téléphoniques. Le partage de responsabilités au niveau 2 (Tier 2) semble être le plus délicat en raison de l'influence potentielle sur la situation de concurrence entre les acteurs. Le risque existe en effet que le Tier 2 soit le seul à pouvoir fournir des services basés sur ENUM. La position dominante que les opérateurs de télécommunication attributaires des ressources en numéros pourraient acquérir en assurant la fonction de Tier 2 doit être analysée au regard de la situation de quasi-monopole des registres de domaine, qui pourrait se reproduire avec ENUM dans un modèle de répartition indépendant des gestionnaires actuels des numéros de téléphone. Dans tous les cas, il apparaît que les relations entre Tier 2 et ASP doivent être approfondies. Les contributions considèrent que les procédures d’enregistrement doivent tenir compte des aspects de protection des données personnelles car toutes les informations des bases de données du DNS sont a priori publiques, accessibles et consultables par tous. Dans le cas d’ENUM, des dispositifs d’authentification devront contrôler l’accès aux informations des bases ENUM, qui pourront s’apparenter aux bases Whois1 pour les noms de domaine. La mise en place d’ENUM doit dès lors s’effectuer sur une base volontaire des acteurs à tous les niveaux de l’arborescence ENUM, notamment le contrôle de l’utilisateur final sur l’insertion de son numéro de téléphone dans un domaine du DNS (celui choisi pour un service ENUM universel comme pour des services de type ENUM alternatifs dans des racines concurrentes) et sur les données associées le concernant. Aucune contribution n’aborde précisément le coût de la mise en oeuvre et de la maintenance des bases de données ENUM, ni comment ce coût serait répercuté sur l’utilisateur final. 1 Les bases Whois fournissent pour chaque nom de domaine son responsable administratif et son gestionnaire technique. Dans le cas d’ENUM, ces bases contiendront d’autres données, personnelles sur les utilisateurs. ASP = Application Service Provider
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