APPEL A COMMENTAIRES :
TELEPHONIE SUR INTERNET
Réponse de World Online, fournisseur d’accès et de services Internet, à l’A.R.T.
Issy-les-Moulineaux, le 23/4/99
Madame, Monsieur,
World Online félicite l’A.R.T. de son initiative, et est ravi de
pouvoir apporter sa modeste contribution au débat public sur la téléphonie
sur Internet.
Aussi trouverez-vous ci-après les principaux messages que World Online
souhaite adresser à l’Autorité ; World Online se tient à
votre disposition pour clarifier certains éléments, ou pour toute
information complémentaire.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.
Nicolas Prouteau,
Directeur du Développement
et des Affaires Extérieures
1. La téléphonie sur Internet constitue une activité légitime pour les ISPs, et un usage que l’ISP ne contrôle pas nécessairement
L’ISP fournit aux particuliers et aux entreprises de l’accès et des services Internet. Pour ce faire, l’ISP utilise ‘Internet’, à savoir aussi bien le protocole IP dans la transmission des signaux, que le réseau de réseaux de données servant à matérialiser les services dits Internet. A ce titre, véhiculer de la voix plutôt que des textes, sons, images fixes ou animées, n’est qu’un cas particulier de la fourniture de services Internet. Il est important de convenir que l’ISP n’a pas toujours la maîtrise du type d’utilisation que le consommateur fait de l’accès Internet qui lui est fourni par l’ISP : libre à lui, en effet, d’acheter et d’installer - ou non - sur son PC le logiciel qui lui permettra de ‘téléphoner sur Internet’.
2. La distinction entre la téléphonie sur Internet et la téléphonie traditionnelle va perdre son sens à moyen terme
Aujourd’hui déjà, la voix de la téléphonie traditionnelle est numérique quasiment de bout en bout, et emprunte chaque jour davantage de protocoles et réseaux physiques communs à ceux des données. La commutation de paquets est unanimement reconnue comme plus efficace que celle de circuits : même la boucle locale mobile, après des investissements colossaux, y viendra, avec GPRS puis l’UMTS. Tous les réseaux deviennent des réseaux de données universels, à même de transporter tout type de signal : les paquets ‘voix’ seront des paquet comme les autres, difficilement reconnaissables dans le cas général.
3. La pluralité des niveaux de qualité de téléphonie vocale doit être permise : le consommateur choisira et la concurrence jouera en sa faveur
Cependant, compte-tenu du caractère fortement synchrone de la communication vocale, différents niveaux de qualité apparaissent, fonction de la technologie employée : différents modèles économiques, fondés sur autant de couples Qualité de service / Coût, peuvent ainsi cohabiter. Ils permettent à différents métiers d’être acteurs d’une plus grande concurrence sur le marché du service de téléphonie traditionnelle, au bénéfice d’un consommateur adulte – la téléphonie vocale ne date pas de cette décennie - qui saura faire son choix, selon ses propres critères.
4. Il n’est pas dit que le différentiel de coût entre la téléphonie sur Internet et la téléphonie traditionnelle subsistera
La téléphonie traditionnelle bénéficie elle-même de la baisse des coûts de réseau induite par les nouvelles technologies issues des réseaux de données. Par ailleurs, la voix sur Internet a momentanément pu vivre gratuitement sur le dos des réseaux de données, dont elle a constitué une part infime. A mesure que l’activité de la communication de données augmente, et que la communication voix s’effectue sur les réseaux de données, s’amenuise " l’arbitrage " dont a bénéficié la voix sur Internet. La communication vocale verra son coût chuter, mais il n’est pas dit que le différentiel de coût entre la téléphonie sur Internet et la téléphonie traditionnelle subsistera : l’argument de la concurrence déloyale, souvent invoqué par les opérateurs traditionnels, est d’autant plus déplacé que ces derniers sont les premiers à tester la téléphonie sur Internet sur leur territoire et à la mettre en œuvre dans leurs fililales étrangères. Si les tarifs de détail de la téléphonie traditionnelle n’étaient pas si chers, si la concurrence était encore plus encouragée, la téléphonie sur Internet ne soulèverait pas autant de questions.
5. Les terminaux suivront La téléphonie est un besoin humain désormais ancré.
Chaque technologie permettant de rendre attractif un couple Service / Prix saura s'adapter aux terminaux existants, ou imposera un nouveau terminal. La standardisation reste un phénomène naturel, dont les principaux moteurs sont l'économie d'échelle des coûts et l'interopérabilité, désirs le plus souvent partagés par les fabricants industriels. Même lorsque le standard n'est pas figé de manière collégiale, son ouverture est en général de l'intérêt de son inventeur. Les ressorts du marché devraient donc être à même d'animer l'offre en matière de terminaux de téléphonie sur Internet.
6. La réglementation selon les contenus ou les services devient progressivement inapplicable
A l'heure où les infrastructures et les technologies permettent le transport
d'un signal 'universel', qui encapsule indifféremment voix, données, sons, images
fixes ou animées, il devient utopique de chercher à établir les règles d'un
jeu qui ne permet pas à l'arbitre de voir ce qui se passe sur le terrain technique.
En revanche, la réglementation pourrait utilement se porter en priorité sur
les contrôles transversaux aux différentes activités économiques :
Ces champs de réglementation transversale justifient l'essentiel des composantes
de la LRT et de l'activité de l'ART (accès aux infrastructures, aux fréquences,
aux numéros, contrôle tarifaire des opérateurs dominants etc…), mais n'impliquent
pas que l'on distingue un paquet de données contenant de la voix d'un paquet
qui contient du texte.
7. Si réglementation, réglementation internationale
Compte-tenu de l'interconnexion des réseaux et de l'universalité et des caractéristiques
du protocole IP, toute tentative de réglementation à la seule échelle nationale
aurait deux effets :
8. Licences : le libre choix
Dans la logique libérale, que le monde Internet assume par
construction, la mise en place de licences se justifie davantage par le besoin
de répartir les ressources rares ou quasi-monopolistiques, que par le souhait
de l'Etat de valoriser ce qu'il contrôle seul, même si l'Etat, c'est tout
un chacun. Obtenir une licence L33.1 ou 34.1 présente des avantages mais aussi
des contraintes : libre à l'acteur du marché de peser droits et obligations
induites, et de prendre sa décision en connaissance de cause.
Dans le cas des opérateurs de télécommunications, ces licences permettent
de mettre en place des offres attractives, dont dépendent les ISP et leur
modèle économique. En aval, l'ISP est un acteur comme un autre, qui saura
choisir entre devenir détenteur d'une licence, ou payer davantage, en utilisant
les services d'un intermédiaire opérateur de réseau de télécommunications,
lui-même licencié. Mais il serait injuste que l'ISP 'paye' deux fois, une
fois par une éventuelle licence qui lui serait imposée, une seconde fois indirectement,
via la facturation des services de télécommunications par les opérateurs licenciés
dont il dépend pour fournir ses services Internet.
9. Un catalogue d'interconnexion aux réseaux de données des opérateurs dominants doit être mis en place
Les autorités doivent permettre l'accès des nouveaux acteurs aux ressources des acteurs dominants sans lesquelles l'offre ne peut être performante. Les autorités l'ont permis pour mettre en œuvre la concurrence sur la téléphonie vocale traditionnelle. Elles doivent logiquement le permettre pour les autres services comme l'accès à Internet, au fur et à mesure que ceux-ci s'avèrent prendre le pas économique sur la téléphonie traditionnelle. La téléphonie sur Internet, l'un de ces nouveaux services, y a droit, mais en a aussi besoin, puisque sa qualité dépend de la qualité de l'ensemble des maillons du réseau.
L'accès à cette offre d'interconnexion peut être réservé aux détenteurs d'une licence, dans l'esprit indiqué aux paragraphes 6 et 8.
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