Edito

L’Arcep fête ses 25 ans

Par Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep

Que de chemin parcouru depuis la naissance de l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) le 5 janvier 1997 ! Créée pour l’ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications en France, l’Autorité a vu ses missions évoluer au cours du temps, avec la régulation de certaines activités postales en 2005, et de la distribution de la presse en 2019.

Autorité indépendante, l’Arcep s'assure que les dynamiques et les intérêts des acteurs privés se concilient avec les objectifs d’intérêt général, que ce soit la concurrence effective et loyale, l’aménagement du territoire, le pluralisme et la qualité des services fournis, au bénéfice des utilisateurs finals. Elle s’appuie sur une régulation pro-investissement et pro-innovation.

Dans le secteur des télécommunications, elle défend l’objectif que chaque Français puisse bénéficier – de façon effective et pérenne - d’un accès Internet à Très Haut Débit, partout en France, à prix abordable. Grâce à la mobilisation des acteurs privés et publics, et au cadre réglementaire fixé par l’Arcep, les Français bénéficient aujourd’hui des forfaits mobiles parmi les moins chers au monde et la France est le premier pays européen dans le déploiement de la fibre optique !

La capacité de l’Autorité à innover fait partie de son ADN : sur la régulation des grands acteurs du numérique, elle a impulsé la réflexion au sein du BEREC, le groupe des régulateurs européens des télécoms, et se réjouit de la position commune des 27 régulateurs européens sur le Digital Markets Act.

Depuis 25 ans, l’Arcep a su se réinventer pour remplir ses missions et aller de l’avant. Notre ambition commune est de poursuivre l’action de régulation menée depuis 1997 et, forts de cette expérience, de nous projeter sur de nouveaux défis, en particulier par une meilleure prise en compte de la satisfaction des utilisateurs ou encore des enjeux environnementaux dans la régulation.

Les vœux de l’Arcep en vidéo

La régulation en action

25 ans de régulation : les dates clés et les faits marquants

Le 26 juillet 1996, la loi de réglementation des télécommunications signait la fin du monopole public sur les télécoms et créait la première autorité de régulation économique sectorielle en France : l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), mise en place le 5 janvier 1997, à laquelle succèdera l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) en 2005, avec des compétences étendues à la régulation postale, puis, en 2015, à la défense de la neutralité du net, et en 2019, à la régulation de la distribution de la presse. Un quart de siècle et une révolution numérique plus tard, que reste-t-il dans nos mémoires de ces 25 années de régulation ? Retour en images sur les grandes dates et faits marquants.

Le chiffre

« Après avoir connu une croissance très élevée à la fin des années 90, l'équipement en téléphone mobile ralentit sa progression, sans que l'on puisse néanmoins présager d'une saturation du marché » indique, en 2003, la première édition de l’ancêtre du Baromètre du numérique. Le taux de pénétration de la téléphonie mobile avoisinait alors les 60 %, les forfaits étaient encore chers et limités, la concurrence inachevée, la 3G non déployée et les smartphones pas encore nés. Fin 2020, le téléphone mobile est adopté par 95% des 12 ans et plus, 84% d’entre eux sont équipés d’un smartphone et 93% l’utilisent pour accéder à internet (source : Baromètre du numérique - édition 2021).

Tout terrain

Comité des réseaux d’initiative publique (CRIP) dans les années 2000

Coup d’œil dans le rétroviseur : l’article L.1425-1

C’est un article fondateur dans l’histoire des télécoms et des collectivités. Créé par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, l’article L.1425-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) ouvre à ces dernières une nouvelle compétence structurante pour l’aménagement numérique de leur territoire : la capacité d’établir et d’exploiter des réseaux de communications électroniques.

Les premiers réseaux d’initiative publique (ou RIP 1G) se concentreront d’abord sur la construction de réseaux de collecte en fibre optique qui contribueront fortement à l’arrivée du dégroupage ADSL sur de larges parties du territoire et renforceront la concurrence sur les réseaux fixes. Ces réseaux, qui viseront également le raccordement en fibre dédiée d’établissements publics et de nombreuses entreprises, verront l’émergence de nouveaux acteurs : les opérateurs de Réseaux d’Initiative Publique (RIP), délégataires des collectivités.

C’est à la même époque que l’Arcep devient une autorité « tout terrain ». Dès 2004, elle crée une unité dédiée à l’accompagnement des collectivités dans l’exercice de leurs nouvelles compétences et installe un « Comité des réseaux d’initiative publique » (CRIP). Devenus « GRACO » puis « Ateliers Territoires Connectés », ces enceintes sont encore aujourd’hui le support d’un travail multilatéral essentiel et permanent avec l’ensemble des acteurs : services de l’Etat, collectivités et opérateurs.

Quel souvenir gardez-vous du vote de l’article L.1425-1 ?

Jean-François Le Grand,

ancien sénateur et président du Conseil général de La Manche

« En 2004, les collectivités agissent en ordre dispersé : toutes n’ont pas encore ressenti la nécessité d’investir sur les infrastructures numériques. Nous ne disposons pas de recul et les modèles d’intervention divergent. Au Parlement et plus particulièrement au Sénat, les débats se montrent âpres, voire même très tendus. Mon collègue Philippe Leroy et moi-même subissons alors les plus fortes pressions, mais nous restons convaincus du bien-fondé de notre approche et faisons face.
Présidents de Conseils départementaux, pionniers sur le numérique, nous croyons dans un modèle public-privé pour nous doter d’infrastructures d’avenir, développer la concurrence et couvrir le territoire. Il s’agit de l’un de mes combats les plus disputés en 30 ans de vie parlementaire et ce fut un beau succès. En effet, l’avenir nous donnera raison : le L.1425-1 aura libéré 3 milliards d’investissement, la moitié par les collectivités et l’autre par les opérateurs, permettant à la France de quitter son bonnet d’âne européen pour grimper sur le podium des nations en matière de haut débit
».

En vue

Hedy Lamarr

(9 novembre 1914 - 19 janvier 2000)

Admirée pour sa beauté et ses dons de comédienne, l’actrice hollywoodienne était aussi une scientifique de talent. Elle a 26 ans lorsqu’elle met au point, avec le compositeur George Antheil, une technique dite « d'étalement de spectre » qui émet l'information non pas sur une mais sur quatre-vingt-huit fréquences, le nombre de touches du clavier d'un piano ! Déposée au Bureau américain des brevets en 1942, cette technique est encore employée dans le GPS et le Wifi.
La décision de l’Arcep autorisant l’ouverture du Wifi en France a été adoptée en 2002. Aujourd’hui, 84% des Français se connectent à internet en Wifi (source : Baromètre du numérique - édition 2021)

Photo : © Getty Images

Bruxelles, l’Arcep et vous

2007-2017 : avec l’Eurotarif, l’Europe supprime ses frontières téléphoniques

C’est une des mesures phares du législateur européen. Une de celles qui a eu le plus d’impact pour les consommateurs dans toute l’Union européenne : la fin des frais d’itinérance (roaming) en Europe, le 15 juin 2017. L’histoire commence dans les années 2000. Constatant l’échec de la concurrence sur ce marché, ainsi que des prix élevés nuisant à la réalisation du marché intérieur, les régulateurs européens suggèrent à la Commission d’encadrer les tarifs de détail du roaming, ainsi que les tarifs de gros qui les sous-tendent, par des prix plafonds.

Le premier règlement sur l’itinérance en Europe nait ainsi le 30 août 2007. Le consommateur européen voit alors le prix de ses communications en itinérance baisser nettement : de 0,49 € cts à 0,19 € cts par appel sur les sept premières années d’application du cadre. Le texte renforce aussi les obligations d’information des opérateurs sur les tarifs d’itinérance au sein de l’Union européenne. Par son effet positif sur le marché, l’encadrement sera régulièrement renouvelé les années suivantes.

Le 15 juin 2017, une nouvelle étape est franchie avec l’entrée en vigueur d’un nouveau règlement instaurant le principe du « roam like at home ». Depuis, il est possible d’utiliser son forfait mobile en itinérance sans surcharge. Cette évolution marque une explosion des usages en Europe : le consommateur français utilise désormais en moyenne 1 Gb/mois lorsqu’il est en itinérance, contre 100 mb/mois en 2017, avant le nouveau règlement. Arrivé à son terme mi-2022, ce cadre sera prolongé de dix ans. Et les opérateurs devront fournir leurs services en itinérance avec une qualité équivalente à celle de l’offre domestique quand c’est techniquement possible. Une bonne nouvelle pour l’Europe et ses 500 millions de consommateurs potentiels !

Pour un numérique soutenable

Retour vers le futur, saison 1 !

Rendre le numérique plus responsable est devenu une attente forte des Français mais la démarche de réduction de son empreinte environnementale ne date pas d’hier. Dès 2002 et jusqu’en 2012, plusieurs directives européennes (RoHS, EuP, ErP, DEEE) se préoccupent déjà de l’écoconception des équipements numériques et jettent, 20 ans en arrière, les premières bases de cette démarche.

Mais c’est en 2019 que le mouvement s’accélère en France. Face au poids croissant du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre - 3 à 4 % dans le monde et 2 % au niveau national -, les travaux sur son impact environnemental se multiplient : ADEME, Arcep, Sénat, France Stratégie, Conseil national du numérique (CNNum), Haut Conseil pour le Climat, ... L’action publique se structure alors avec la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), la feuille de route gouvernementale « Numérique et environnement » et les deux lois du sénateur « Chaize » visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, ainsi qu’à renforcer sa régulation par l’Arcep.

Investie de cette nouvelle mission, l’Arcep poursuit sa démarche « Pour un numérique soutenable » avec la publication d'une étude avec l'ADEME et, grâce à son nouveau pouvoir de collecte, à l’élaboration d’un baromètre environnemental du numérique.

La pépite à partager

La génération SMS

Pour beaucoup, c’était le bon vieux temps ! 2003, il y a presque 20 ans : les SMS sont un vrai raz de marée, surtout auprès des jeunes qui en font leur mode de communication préféré. Les moins de 25 ans sont alors de loin les plus gros consommateurs de ces mini messages et en envoient… environ 16 en moyenne par semaine ! C’est une autre époque que la nôtre où chaque SMS est limité à 120 caractères, où il est facturé 12 à 15 centimes en moyenne et où on abrège les mots pour payer moins cher… Une époque où les téléphones ont encore des touches et où les messages fusent déjà des doigts de celle que Michel Serres appellera bientôt « Petite Poucette » pour saluer sa maestria. Aujourd’hui, les SMS sont compris dans des forfaits illimités et SnapChat, WhatsApp, Instagram et Tiktok les ont presque remplacés. Retour en images, avec une archive de l’INA, sur une époque révolue et attachante .

Ailleurs dans le monde

Ethiopie : le monopole n’a pas (encore) disparu partout…

Alors que l’Arcep fête ses 25 ans et autant d’années d’ouverture à la concurrence, ailleurs dans le monde, quelques rares marchés des télécoms demeurent sous monopole public. Ainsi de l’Ethiopie. Si, après une première attribution de licence à un consortium conduit par Safaricom, premier concurrent de l’opérateur public Ethio Telecom, le pays a suspendu fin décembre le processus d’attribution de la seconde licence, retardant ainsi l’ouverture effective du marché, le mouvement d’ouverture à la concurrence est bel et bien lancé.

Un peu partout sur la planète, l’ouverture des marchés a été concomitante avec la création de régulateurs chargés de veiller à l’émergence d’une concurrence durable, grâce à l’entrée d’opérateurs alternatifs sur les marchés. En France, il s’agissait aussi d’assurer la séparation des pouvoirs entre les fonctions de l’Etat en tant que régulateur et celles relevant de sa qualité d’actionnaire de l’opérateur historique.

Créée en 2019 dans la perspective de libéraliser le marché, l’Ethiopian Communications Authority (ECA) est notamment chargée de délivrer les licences et de gérer le spectre radioélectrique. Hormis l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché, le gouvernement éthiopien a entrepris de privatiser partiellement l’opérateur historique. Orange fait partie des acteurs qui souhaitent entrer dans le capital d’Ethio Telecom. En attendant, l'Ethiopie reste, pour le moment, l'un des derniers pays au monde à n'avoir qu'un seul opérateur télécom actif sur son marché.

C’est arrivé AVANT « J’alerte l’Arcep »

Réguler en faveur des utilisateurs : une longue tradition d’écoute, de dialogue et d’innovation

Création dès 2000 d’une équipe dédiée dotée de canaux de contact permanents (courrier, téléphone puis mail) ; mise en place, en 2007, d’un Comité des consommateurs, véritable cadre de concertation avec les associations ; élaboration de plusieurs sites web dédiés pour informer les utilisateurs - appel118.fr en 2005, telecom-infoconso.fr en 2009, avec intégration au site institutionnel de l’Arcep en 2019… Depuis sa création, l’Autorité est à l’écoute des consommateurs et tient compte de leurs intérêts dans la régulation.

Portabilité des numéros, obligations d’accès aux infrastructures, contrôle des engagements de couverture, arrivée d’un 4ème opérateur mobile … Au-delà de l’impact direct de ses actions de régulation pour le développement de la concurrence au bénéfice des consommateurs et en faveur de l’aménagement du territoire, l’Arcep mise aussi sur la transparence et la disponibilité de l’information. La publication régulière, depuis 2011, de nombreux indicateurs de qualité de service et de couverture facilitent ainsi les choix des utilisateurs sur l’offre la plus adaptée à leur besoin.

En 2017, l’Arcep innove encore en lançant « J’alerte l’Arcep », un espace de signalement qui permet à tout un chacun de l'alerter des dysfonctionnements rencontrés dans ses relations avec les opérateurs. L’Arcep ne traite pas les situations individuelles mais ces signalements lui permettent de prendre directement le pouls du marché et de mieux cibler son action. Pour les utilisateurs, c’est l’opportunité de faire peser leur expérience dans la régulation et d’obtenir des conseils adaptés. Via cet outil, 33 000 signalements étaient déposés en 2020. L’Arcep n'en recevait que 5 000 dix ans plus tôt.

L'Arcep raconte

Les pionniers du site de l’Arcep : Jean-François Hernandez et Ingrid Appenzeller

Madeleine de Proust : la création du site web de l’Arcep

Lorsque l’ART lance, le 5 mars 1998, son site internet, c’est pour elle une évidence : il faut porter le plus rapidement possible à la connaissance des acteurs les décisions prises. C’est aussi une nécessité : c’est le début de l’ouverture à la concurrence et les décisions de l’ART sont fréquemment attaquées. Il s’avère essentiel de les rendre exécutoires et de renforcer leur sécurité juridique. Interrogé sur la capacité de l’Autorité à publier ses décisions avant le Journal officiel, le Secrétariat général du gouvernement (SGG) se prononce favorablement. Et c’est le directeur général de l’époque lui-même, Pierre Alain-Jeanneney, qui signe les bordereaux de publication des décisions à mettre en ligne.

De fait, quoi de plus efficace qu’un site web pour répondre à ces nouveaux défis communicationnels ? Sauf qu’à l’époque, en 1998, internet fait ses premiers pas... L’ART ne dispose que d’un seul ordinateur connecté à internet par étage, soit une machine pour environ 30 personnes. Les décisions à mettre en ligne partent chez l’hébergeur par coursier sur disquettes ! Quant aux communiqués de presse, ils sont envoyés par fax après clôture de Bourse, secteur coté oblige…

En ce temps-là, se connecter à internet passe par un modem 56 k qui parait décoller pour la lune (écoutez le modem !), les pages web, et surtout les photos, mettent des heures à s'afficher, on découvre le téléchargement sur Napster, le moteur de recherche en vue s’appelle Lycos et la messagerie Caramail. Il n’empêche : malgré les tribulations, le site web de l’ART se lance sur la toile mondiale et crée rapidement listes de diffusion, forums, puis blogs et tchats en direct. Site pionnier, il est le premier outil de communication externe lancé par l’ART, un vecteur si crucial que son url sera intégrée, pendant des années, dans le logo de l’Autorité. 

On y participe

28 janvier 2022

Déplacement de l’Arcep en Corrèze

Actuellement dans le peloton de tête des départements les plus fibrés de l’hexagone, et presque à 100% sur son réseau d’initiative publique, la Corrèze recevra la visite de Laure de La Raudière le 28 janvier prochain. Objectif : observer comment ce département rural a réussi le fibrage de son territoire en trois ans. La présidente de l’Arcep sera accueillie par Pascal Coste, président du Conseil départemental.

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8 février 2022

Audition au Conseil d'Etat

Afin de mieux comprendre les bouleversements apportés par les réseaux sociaux, notamment les enjeux de régulation et la responsabilité de la puissance publique, le Conseil d’Etat a lancé un cycle de conférences 2021-2022 dédié à ces réseaux, qui nourrira la prochaine étude annuelle de l’institution (parution à la rentrée 2022). Laure de La Raudière sera auditionnée dans cette perspective le 8 février (et non le 19 janvier, comme initialement prévu).

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