Consultation publique sur la boucle locale à hauts débits / Synthèse des réponses et analyses de l'Autorité

1. SYNTHÈSE DES RÉPONSES A LA CONSULTATION PUBLIQUE

La consultation a donné lieu à une quinzaine de réponses, émanant principalement d'opérateurs de télécommunications et de constructeurs d'équipements. On peut regretter que les utilisateurs potentiels de services à hauts débits, individuellement ou par le biais de leurs organisations représentatives, n'aient pas été en mesure de donner des informations sur l'état de leurs besoins et sur la manière dont ces besoins sont actuellement satisfaits. Les collectivités locales ou leurs organisations représentatives n'ont pas non plus transmis d'information, alors qu'elles paraissent manifester par ailleurs un intérêt certain sur cette question, comme gestionnaires de domaine public, comme éventuels investisseurs et comme utilisatrices.

Toutefois, cette consultation a permis à l'ART de rassembler des informations dont elle ne disposait pas jusqu'alors, informations qui lui ont permis d'examiner l'offre de service multisite haut débit (SMHD) de France Télécom dans de bonnes conditions de connaissance des éléments factuels et stratégiques permettant d'apprécier ce nouveau marché. L'Autorité a rendu un avis (n° 98-251), en date du 10 avril 1998, sur la décision tarifaire de France Télécom visant à généraliser l'offre SMHD. Cet avis est joint en annexe de la présente synthèse.

La synthèse reprend les différents chapitres identifiés dans le document de consultation, à savoir, les aspects technologiques, le marché, les questions relatives aux prix et aux coûts et les questions relatives aux conditions de concurrence loyale qui doivent prévaloir sur ce marché.

1.1. Les aspects technologiques

Les technologies en présence

Les contributions ont tout d'abord permis de faire une revue des technologies disponibles en matière de boucles locales à haut débit et de l'état de leur normalisation. Cependant certaines d'entre elles n'ont pas été mentionnées, telles que les solutions xDSL ou les solutions radioélectriques. Les normes les plus souvent mentionnées ont été :

SDH

La technologie SDH, qui est une norme UIT-T, apparaît comme la technologie de base pour les nouveaux opérateurs. La SDH est une technologie de transmission (et non de commutation) qui permet de multiplexer des flux sur des supports à 155 Mbit/s, 622 Mbit/s, 2,5 Gbit/s ou 10 Gbit/s. Il est ainsi possible d'extraire directement des flux à 2 Mbit/s, 34 Mbit/s, 45 Mbit/s ou 155 Mbit/s, sans qu'il soit besoin de multiplexer et démultiplexer le signal en passant par tous les débits intermédiaires.

La SDH est adaptée à une architecture en anneau, favorable à une très bonne qualité de service, puisqu'en cas de rupture de câble, l'autre branche de l'anneau est utilisée, ce qui n'est pas possible avec une liaison point à point. Les anneaux peuvent être architecturés au coeur d'un réseau complexe (anneau principal et anneaux de raccordement) ou installés en étoile autour d'un site principal.

Elle permet donc une bonne fiabilité de l'offre et une bonne flexibilité dans l'extension de la bande passante et de l'ajout ou de la suppression de sites sur l'anneau.

Un constructeur signale que le transport en norme IP sur infrastructure SDH est possible, mais cela ne sera réellement attractif que lorsqu'une normalisation suffisante aura été atteinte. Par ailleurs, certaines contributions ont cité, comme technologie de l'avenir, la technologie “DWDM”, c'est-à-dire un multiplexage en longueur d'ondes, qui augmente les capacités de transmission et permet l'établissement de plusieurs réseaux SDH sur un même réseau physique.

PDH

La PDH est une technologie de transmission plus ancienne, également normalisée par l'UIT-T. Cette technologie, obsolète au-delà de 2 Mbit/s, peut être encore utilisée en périphérie des réseaux SDH pour des structurations de débits inférieurs à 2 Mbit/s.

Elle ne permet pas une architecture en anneau, mais seulement des liaisons point à point.

L'intérêt de cette technologie est aujourd'hui limité par la rigidité des débits utilisés et la complexité des opérations de multiplexage et démultiplexage.

ATM

L'ATM a été normalisé par l'UIT et le forum ATM. Il s'agit d'une technologie de transmission et de commutation de circuits virtuels, offrant des interfaces à 2,25,34,45,140,155,et 622 Mbit/s. Elle permet une meilleure granularité de l'offre que la SDH ainsi que la fourniture de services commutés. Elle est adaptée à une architecture maillée des réseaux.

Cette technologie autorise le transport de débits variables aussi bien en valeur (de quelques kbit/s à plusieurs centaines de Mbit/s) qu'en répartition (débits continus ou fortement variables).

L'ATM est fondé sur la définition d'unités de transferts d'informations uniques (cellules de 53 octets) pouvant être envoyés dans des conteneurs de débits variables. Des flux ATM peuvent être transportés dans des conduits de transmission SDH (ATM sur SDH) ou peuvent être véhiculés de façon transparente (ATM natif).

Ainsi, l'ATM peut être introduit progressivement dans les réseaux, permettant de pérenniser les investissements réalisés en technologie SDH.

Réseaux câblés

Selon les câblo-opérateurs, les réseaux câblés de télédistribution, bi-directionnels, peuvent être adaptés pour des services de télécommunications à haut débit. Les capacités disponibles et les architectures sont différentes en voie montante et en voie de retour.

Le transport est arborescent en voie descendante. L'architecture arborescente et le nombre de sites sur chaque branche de l'arbre sont des facteurs à prendre en compte dans l'évaluation des capacités disponibles. La distribution arborescente est réalisée en câble coaxial.

La voie de retour est faite par liaisons point à point. La structure physique peut être en arbre ou en boucle ; la structure en boucle permet un transport sécurisé par l'utilisation de deux chemins physiques distincts.

Les capacités disponibles sont :

- en voie de retour, une bande d'une largeur de quelques dizaines de MHz, soit quelques dizaines de Mbit/s ;

- en voie descendante, une bande d'une largeur de plusieurs centaines de Mhz, soit quelques Gbit/s.

La capacité réelle des réseaux à s'adapter à la fourniture de services à hauts débits dépend de leur date d'établissement :

- les réseaux datant de plus de trois ou quatre ans, à moins de les restructurer, ne permettent pas la transmission de services de télécommunications à hauts débits ; ils sont néanmoins adaptés à des services de type Internet ;

- les réseaux de moins de trois ou quatre ans ont été construits, en plus de leur usage de télédistribution, en vue de la fourniture de services de télécommunications à hauts débits, tels que l'accès à Internet, le service téléphonique, l'interconnexion de réseaux locaux ou de PABX.

Le rythme de déploiement des réseaux

Le rythme de déploiement des réseaux est fonction de la catégorie d'opérateur considéré et est un facteur déterminant de l'accroissement de l'intensité concurrentielle sur ce segment de marché :

- pour les opérateurs historiques, et donc France Télécom en France, les infrastructures à hauts débits sont d'ores et déjà présentes dans le réseau général, mais elles étaient jusque là réservées à leur propre utilisation. La nouveauté consiste dans le fait de les utiliser pour fournir des services à des clients finals. C'est pourquoi, l'offre est disponible à ce jour dans l'ensemble des agglomérations et que les clients peuvent être servis rapidement, après installation des équipements d'extrémités nécessaires ;

- pour les nouveaux opérateurs, les réseaux sont à construire ou en cours de déploiement dans les zones les plus actives ;

- pour les opérateurs de réseaux câblés, les réseaux sont à adapter, plus ou moins selon la date de leur construction initiale.

Les équipements

Les informations fournies sur les équipements concernent essentiellement les matériels SDH : ce sont des “multiplexeurs à insertion et à extraction” (MIE) dont la capacité est adaptée à des interfaces de plusieurs niveaux (2,34, 45, 155, 622 Mbit/s et 2,5 Gbit/s). Les interfaces correspondantes ont été normalisées par l'ETSI et l'UIT-T (G .703, G.704, G.707, G. 708, G. 709,...).

Le haut degré de normalisation permet aux constructeurs de réaliser des économies d'échelle, favorables à une baisse des coûts - et des prix.

Les principaux équipements sont les MIE-STM 0 (capacité de 34 Mbit/s), les STM 1 (155 Mbit/s), les STM 4 (622 Mbit/s) et les STM 16 (2,5 Gbit/s).

1.2. Le marché

Le marché est beaucoup moins stabilisé que ne le sont les normes SDH. Très peu d'utilisateurs réels ou potentiels ont répondu à cette consultation ; les informations sur le marché sont donc issues des opérateurs, fournisseurs actuels ou futurs de services à haut débit, qui seuls disposent à ce jour d'une première appréciation de ce que peut être la demande réelle en terme de services et en terme de couverture géographique.

Les services

Outre des services de bande passante (c'est-à-dire comparables à des services traditionnels de liaisons louées), il semble que la principale application des services à haut débit correspond aujourd'hui à une fédération de services à petits ou moyens débits. Les services les plus souvent cités sont :

- le service téléphonique aux entreprises (environ 2/3 du marché pour les entrants) ;

- les réseaux internes d'entreprise (par exemple des réseaux Ethernet à 10 Mbit/s) ;

- l'interconnexion de réseaux locaux ;

- l'accès à Internet ;

- le transfert d'images animées, le déport de disque, etc : de nombreuses réponses mentionnent ces types de services, mais de façon peu précise.

D'après un opérateur, les offres de liaisons SDH locales, correspondant aux besoins d'entreprises ayant plusieurs établissements dans une même agglomération, sont également particulièrement bien adaptées aux besoins des grandes collectivités publiques.

Autre clientèle qui peut avoir besoin de fédérer des services à des débits adaptés à la technologie SDH : les fournisseurs de services de télécommunications et/ou les opérateurs pour compléter des offres sur des zones qu'ils ne couvrent pas en propre.

Enfin tous s'accordent à dire que le marché sera très évolutif sur les cinq prochaines années et qu'il est difficile de dresser aujourd'hui un portrait de ce qu'il sera à cette échéance. Les opérateurs devront s'adapter à la demande encore diffuse, aussi bien en terme de services qu'en terme de budget que les entreprises seront prêtes à consacrer.

La géographie

Le marché semble très concentré géographiquement, sur la région Ile-de-France. Différentes sources citent des nombres d'immeubles raccordés (ou prêts à l'être) ; les valeurs données sont différentes selon ces sources, mais ce nombre pourrait être de l'ordre de 800, tous opérateurs confondus.

1.3. Les coûts et les prix

Les contributions des opérateurs concurrents de France Télécom ont bien souligné l'importance de l'adéquation des prix des offres de France Télécom aux coûts. Ces opérateurs ont notamment indiqué qu'il serait nécessaire d'assurer la cohérence entre les coûts de réseau retenus pour l'interconnexion et ceux pris en compte pour la boucle locale à hauts débits, ces deux catégories de services reposant en effet sur un même réseau physique.

Les coûts

Après avoir établi la revue et la typologie des coûts afférents à l'établissement et à l'exploitation des boucles locales à haut débit, l'Autorité a modélisé une série de réseaux-types schématiques, afin de pouvoir rendre compte des informations obtenues et de procéder à des comparaisons entre les coûts avancés par les différents types d'opérateurs

Les principaux coûts identifiés sont :

- les coûts d'un anneau de transmission : infrastructure (génie civil et/ou pose des conduits) et fibre, cette dernière étant posée sous forme de câble comportant de nombreuses fibres ; en fonction des opérateurs, ces coûts sont :

- soit partagés entre les clients du service à haut débit présents ou potentiels sur cet anneau ;

- soit partagés en premier lieu entre les services utilisant cet anneau (haut débit, téléphone, liaisons louées, télédistribution) et en second lieu entre les clients du service à haut débit.

Il s'agit de coûts fixes qui dépendent essentiellement de la longueur de l'anneau, du nombre de conduits par “tranchée”, des types de fibres utilisées et du nombre de chambres d'accès construites.

Les informations obtenues de la part des différents opérateurs concordent relativement en ce qui concerne le niveau global des investissements pour installer un tel anneau.


En revanche, des écarts importants apparaissent dans la manière dont chacun répartit ces coûts :

- dans le temps, en fonction de la durée de vie avancée par chaque opérateur pour les différents éléments de l'anneau (tranchées, conduits, fibres), où les écarts peuvent aller de 1 à 3 ;

- entre les services et les clients, en particulier en fonction du taux d'occupation du réseau par client, allant généralement de 1% de leur réseau par client à 20 %. Cet écart s'explique par les appréciations différentes des opérateurs sur le nombre de client qu'ils comptent desservir sur l'anneau.

- les coûts de branchement (de l'anneau jusqu'à l'immeuble d'un client) : infrastructure (génie civil et/ou pose de conduits) et fibre. Ces coûts sont à partager entre les différents clients d'un même immeuble. Il s'agit de coûts fixes par immeuble.

Les investissements à consentir indiqués par les différents opérateurs sont sensiblement les mêmes, mais les différence d'appréciation sur les durées de vie apportent une certaine variation dans les estimations de coûts annuels fournies par les opérateurs.

- les coûts des équipements : équipements situés sur l'anneau et équipements situés chez le client. Il s'agit de coûts variables, dépendant du nombre de clients et du débit des liaisons demandées : les prix d'un multiplexeur varient d'environ 200 KF pour des équipements STM 1 à 600 KF pour des STM 16.

Les modèles réalisés ne sont pas représentatifs des réseaux câblés qui présentent un caractère spécifique dans la mesure où l'accès au client est déjà réalisé et où les technologies et les architectures sont différentes. Toutefois, dans un certain nombre d'agglomérations, les réseaux câblés ne desservent pas les zones d'affaires situées à la périphérie des villes : des investissements de même type que ceux mentionnés ci-dessus seraient alors nécessaires pour desservir ces zones.

Les prix des services

La consultation a permis de procéder à une revue des prix des liaisons à haut débit, en France et en Europe ; cette revue n'est pas exhaustive et ses résultats doivent donc être pris avec précaution. Elle a toutefois permis de recueillir des informations utiles.

Les prix dont nous disposons après la consultation sont des prix pour des liaisons point à point à 2 et 34 ou 45 Mbit/s et pour des distances n'excédant pas 10 kilomètres. Ils ont été fournis par les opérateurs pour leurs propres services ou pour des services fournis par d'autres opérateurs dont ils auraient connaissance, dans plusieurs grandes villes d'Europe.

L'Autorité a complété son information sur les prix des liaisons de plus grande longueur et de plus hauts débits : elle a notamment pu disposer des prix de liaisons louées à 2, 34, 45 et 155 Mbit/s de BT au Royaume-Uni.

D'une façon générale et de l'avis de tous les opérateurs, les prix des liaisons à hauts débits, comme ceux des autres liaisons louées, restent très sensibles, à de rares exceptions très spécifiques, à la distance et à la capacité. Il semble également que les prix soient déjà sensibles à l'intensité de la concurrence sur une zone.

Quant au niveau des prix, les comparaisons avec les tarifs de France Télécom sont assez difficiles à réaliser. En effet, il semble qu'il existe peu sur le marché, en France ou à l'étranger, de structures de prix ressemblant à celle mise en oeuvre par France Télécom pour SMHD qui se compose de trois éléments :

- des frais d'accès au service payable une fois en début de contrat, fonction de la capacité totale du réseau (155 ou 622 Mbit/s) et du nombre de sites (de 3 à 15) ;

- des frais mensuels d'abonnement “réseau”, fonction de la capacité du réseau (155 ou 622 Mbit/s), du nombre de sites et du périmètre total du réseau ;

- des frais mensuels d'abonnement en fonction du nombre de liaisons entre les sites et de leur capacité respective (2,34,45 ou 155 Mbit/s).

Pour rendre les comparaisons possibles, l'Autorité a reconstitué le prix de différentes configurations de réseaux en fonction des informations dont elle dispose. On peut constater par exemple que, pour un réseau de 4 liaisons, dont 2 liaisons à 2 Mbit/s et de 2 liaisons à 34 ou 45 Mbit/s, couvrant un périmètre total de 10 km, les prix annuels varient généralement, selon l'opérateur et la ville d'Europe, entre environ 700 000 francs et un peu plus de 1 million de francs. Pour une telle configuration, les prix de SMHD figurent dans la fourchette des prix constatés en Europe.

En ce qui concerne les liaisons à plus hauts débits et à plus grandes distances, l'Autorité ne dispose que des prix de BT au Royaume-Uni : sur ces créneaux, les tarifs de SMHD semblent particulièrement compétitifs.

1.4. Les conditions de concurrence

Dans son document de consultation, l'Autorité faisait apparaître deux notions distinctes, en ce qui concerne les conditions de concurrence :

- la notion de dégroupage, c'est-à-dire l'accès pour les opérateurs alternatifs à des éléments de la boucle locale qui ne sont pas fournis au client final ;

- la notion de revente, c'est-à-dire l'accès au service complet pour le compte de tiers.

Les opérateurs alternatifs ont principalement mentionné leur intérêt pour une offre de revente, mais dans des conditions qui ne soient pas de nature à les décourager de réaliser leurs propres investissements.

Du point de vue de France Télécom, une demande de dégroupage de la part des opérateurs alternatifs n'aurait pas de sens, l'intérêt d'un opérateur de boucle locale étant justement de déployer sa propre infrastructure. France Télécom ne se prononce pas sur la question de la revente.

Les demandes des opérateurs de réseaux câblés se situent dans un tout autre contexte, en ce qui concerne le respect des conditions de concurrence équilibrées : ces opérateurs expriment le souhait d'être traités, toutes choses égales par ailleurs, comme les autres opérateurs de télécommunications, notamment en ce qui concerne la délivrance des licences et les conditions d'interconnexion.

L'Autorité peut confirmer que tel est le cas : elle a déjà montré son intérêt pour le développement de la concurrence grâce aux réseaux câblés lors du règlement des différends relatifs à la fourniture d'Internet sur le câble. L'Autorité est par ailleurs saisie d'une demande de règlement des différends pour la fourniture du téléphone sur ces mêmes réseaux câblés.

Par ailleurs, les opérateurs de réseaux câblés expriment le souci que l'on facilite l'utilisation de réseaux existants, avant d'encourager la création de réseaux nouveaux. Une limitation du nombre de réseaux filaires, au demeurant contraire au code des postes et télécommunications (articles L. 33-1 et L. 34-1) ne paraît pas justifiée. En revanche, il appartient aux opérateurs de tout mettre en oeuvre pour valoriser au mieux leur réseau.


©Autorité de régulation des télécommunications - Juillet 1998
7, Square Max Hymans - 75730 PARIS Cedex 15
Téléphone : +33 1 40 47 70 00 - Télécopie : +33 1 40 47 71 98