Consultation publique sur la boucle locale à hauts débits / Synthèse des réponses et analyses de l'Autorité

2. ANALYSES DE L'ART, AU VU DES INFORMATIONS RECUEILLIES

2.1. Les aspects technologiques

En ce qui concerne la technologie SDH, l'information principale retenue par l'Autorité est que la technologie SDH est aujourd'hui bien stabilisée, avec un haut degré de normalisation. Cela est déterminant pour les coûts de fabrication des matériels ainsi que pour l'interopérabilité des services.

2.2. Le marché

Le marché des services disponibles sur les boucles locales à haut débit est encore en pleine évolution et il est difficile d'en dresser un panorama à l'horizon des cinq prochaines années. La demande semble aujourd'hui largement concentrée sur la région Ile-de-France.

Pour autant, on peut constater que l'émergence de la concurrence sur la région parisienne, point économiquement stratégique, a conduit France Télécom à faire la même offre, d'un point de vue technique et tarifaire, dans l'ensemble des agglomérations du territoire.

2.3. Les coûts et les prix

La nécessité d'évaluer les coûts et les prix

Dans le cas particulier de l'offre SMHD, l'Autorité a cherché à s'assurer que les prix sont orientés vers les coûts, conformément aux obligations issues de la directive dite “ONP lignes louées” à laquelle France Télécom est soumise (directive 97/51 CE, du 6 octobre 1997, modifiant la directive 92/44 CEE relative à l'application de la fourniture d'un réseau ouvert aux lignes louées).

Cette orientation des prix vers les coûts permet en particulier d'apprécier :

- que les prix de SMHD ne sont pas prédateurs ; conformément à la jurisprudence nationale et communautaire des autorités de concurrence, un prix est prédateur lorsqu'il est inférieur à la moyenne des coûts variables de l'entreprise en position dominante, ou lorsqu'il est inférieur à la moyenne des coûts totaux et qu'il s'inscrit dans une stratégie globale visant à, ou ayant pour effet d'évincer un concurrent ; de plus, si les prix étaient inférieurs aux coûts, cela signifierait que France Télécom procède à des subventions croisées entre les services à haut débit et les autres services supportés par le réseau général, notamment le service téléphonique, composante du service universel ;

que les prix de France Télécom n'élèvent pas de barrière à l'entrée pour les concurrents, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas inférieurs aux coûts d'un concurrent entrant sur le marché, supposé aussi efficace que France Télécom.

Les évaluation de coûts menées par l'Autorité

Afin de vérifier, pour le service SMHD, si les conditions énoncées ci-dessus étaient remplies l'Autorité a réalisé, à partir des informations obtenues au cours de cette consultation, un modèle d'évaluation des coûts d'un service de boucle locale à haut débit.

Les principales hypothèses retenues en matière d'évaluation des coûts sont les suivantes :

- en ce qui concerne la durée de vie des infrastructures et des équipements, l'Autorité a retenu, pour ses évaluations, les durées d'amortissement comptables types de chaque catégorie d'investissement ;

- en ce qui concerne le taux de remplissage des réseaux, l'Autorité a retenu, à ce stade, l'hypothèse que l'utilisation d'un anneau serait partagée en moyenne par 20 clients, ce qui conduit à allouer à chacun des clients 5 % des coûts de l'anneau.

En fonction de ces hypothèses, l'Autorité a constaté que les prix étaient supérieurs aux coûts pour les réseaux d'une capacité de 155 Mbit/s et de moins de 30 kilomètres ainsi que pour les réseaux de 622 Mbit/s et de moins de 60 kilomètres. Pour les réseaux de grand périmètre, l'Autorité n'a pas pu disposer d'informations lui permettant de s'assurer que les prix étaient orientés vers les coûts et qu'ils n'élevaient pas de barrières à l'entrée (cf. avis 98-251). Cela est probablement dû au fait que, dans la réalité, les réseaux de grand périmètre sont fournis à partir d'une infrastructure hiérarchisée, mettant en oeuvre plusieurs anneaux, configuration que l'Autorité n'a pas pu modéliser.

La comparaison des prix menée par l'Autorité, telle que décrite dans la première partie de ce document, confirme que les prix de SMHD pour les réseaux de petit périmètre sont dans les fourchettes de prix constatées sur le marché européen, ce qui n'est pas le cas des réseaux de plus grand périmètre.

La nécessité d'une répartition pertinente des coûts

Le travail mené par l'Autorité, grâce aux contributions reçues au cours de la consultation, l'ont conduite à acquérir, de façon concrète, la conviction que la bonne répartition des coûts est déterminante pour assurer que France Télécom évalue correctement les coûts des différents services et en particulier qu'elle ne sous-estime pas les charges à imputer aux services à haut débit, en surestimant en contrepartie les charges afférentes aux autres services. Cette bonne répartition est nécessaire à la fois :

- pour conduire des analyses concurrentielles pertinentes sur les offres à haut débit ;

- ainsi que pour assurer que les coûts de référence des offres à bas débit (notamment du service téléphonique) sont correctement évalués, et que les clients du service universel bénéficient pleinement des baisses de coûts du réseau général et des progrès technologiques.

Les clés de répartition des coûts doivent être représentatives, de façon exacte, de la causalité des coûts. Le principe de pertinence des coûts, défini dans un premier temps pour le calcul des coûts d'interconnexion, doit s'appliquer de la même manière au calcul des coûts des services. Ce principe a d'ailleurs été inscrit au chapitre 13 de licence de France Télécom, intitulé “Conditions nécessaires pour assurer une concurrence loyale”. Les travaux de l'Autorité se poursuivront donc en ce sens.

2.4. Les conditions de concurrence

L'Autorité a pris en compte les points de vue des opérateurs sur le dégroupage et la revente :

- France Télécom estimant qu'une demande de dégroupage de la part des opérateurs alternatifs ne serait pas dans l'intérêt d'un opérateur de boucle locale et ne se prononçant pas sur la question de la revente ;

- les opérateurs alternatifs ayant principalement mentionné leur intérêt pour une offre de revente, dans des conditions qui ne soient pas de nature à les décourager de réaliser leurs propres investissements.

L'Autorité estime que les opérateurs alternatifs doivent pouvoir se porter clients de l'offre SMHD pour le compte de tiers, dans les cas où ils ne pourraient pas atteindre certains sites de leurs clients par les infrastructures dont ils disposent en propre, notamment pour compléter une offre. Dans le cas contraire, ils ne pourraient pas prétendre à concourir pour un même marché avec France Télécom qui dispose d'ores et déjà d'une couverture géographique complète.

L'Autorité a estimé que cette possibilité de revente n'était pas de nature à décourager les opérateurs alternatifs d'investir et que des incitations négatives à l'investissement n'apparaîtraient que dans le cas où SMHD serait commercialisé en dessous des coûts. Cela est dû au fait que, à coût égal, un opérateur alternatif préférera investir dans ses propres infrastructures plutôt que d'avoir recours à une offre de revente : l'investissement permet en effet à l'opérateur de disposer de la maîtrise totale de la fourniture du service, ce que ne permet pas le recours à la revente.

Compte tenu de cette analyse, l'Autorité a précisé, dans son avis n° 98-251 du 10 avril 1998, que :

- SMHD étant un service de liaisons louées, il est disponible pour la revente dans les mêmes conditions que les autres catégories de liaisons louées, c'est-à-dire dans le respect des règles de l'ONP : un opérateur alternatif doit pouvoir contracter avec France Télécom pour le compte de son client et les liaisons louées fournies dans le cadre de l'offre SMHD doivent pouvoir entrer dans l'assiette des liaisons ouvrant droit à réduction au volume ;

- la flexibilité permise par la technologie SDH doit jouer pleinement : le service SMHD doit permettre l'ajout et la suppression de sites à la demande des opérateurs alternatifs, aussi bien que des clients finals, y compris en cours de contrat, dans la limite des capacités disponibles sur l'anneau et dans des délais identiques à la fourniture par France Télécom de son service à ses propres clients finals ;

- la fourniture de liaisons louées entre opérateurs peut être inscrite, en application de l'article D. 99-9 du code des postes et télécommunications, dans les conventions d'interconnexion passées entre ces opérateurs.

2.5. Conclusion

Au-delà de l'avis rendu sur la généralisation de l'offre SMHD de France Télécom, l'Autorité entend poursuivre sa réflexion dans les directions qui lui sont apparues particulièrement cruciales lors de cette consultation :

- le travail de modélisation des coûts a montré de façon concrète que la question d'allocation des coûts était complexe et déterminante pour les analyses concurrentielles, notamment pour évaluer des planchers de prix ; les analyses ultérieures de l'Autorité s'appuieront sur les comptes de services, produits par France Télécom en application du chapitre 13 du cahier des charges annexé à son arrêté d'autorisation, en date du 12 mars 1998 ; ces travaux compléteront ceux relatifs aux coûts du réseau général, conduits à l'occasion de la mise au point des tarifs d'interconnexion.

- la cohérence entre services d'interconnexion et services de détail est également apparue comme déterminante : compte tenu du développement par France Télécom des services de liaisons louées de détail à hauts débits, l'Autorité examinera la nécessité de l'évolution, en terme de débits offerts, des liaisons louées dites d'interconnexion et d'aboutement telles qu'elles sont inscrites au catalogue d'interconnexion de France Télécom.

ANNEXE

Avis n° 98-251 de l'Autorité en date du 10 avril 1998


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