CONSULTATION PUBLIQUE SUR LE DEVELOPPEMENT DE LA CONCURRENCE SUR LE MARCHE LOCALL'Autorité de régulation des télécommunications a, à plusieurs reprises, exprimé son intention d'ouvrir une réflexion approfondie sur le "développement de la concurrence sur le marché local" en France. Cette concurrence est essentielle car elle concerne tous les utilisateurs, nécessairement raccordés à la boucle locale d'un opérateur ; ce marché est encore aujourd'hui en quasi-monopole. L'intérêt d'une telle consultation, dans le cadre du développement d'Internet, est également renforcé par les perspectives de forte croissance du marché des accès large bande. En effet, depuis l'ouverture du marché des télécommunications au 1er janvier 1998, les acteurs se sont pour la plupart d'abord concentrés, sur la mise en place d'une activité liée à l'acheminement de trafic longue distance. Ainsi, plusieurs offres concurrentes, rendues disponibles par le mécanisme de sélection du transporteur, coexistent sur le marché. Leur nombre augmente rapidement, à mesure que les opérateurs autorisés déploient leurs réseaux, signent leurs conventions d'interconnexion avec France Télécom, et que l'interconnexion effective des réseaux permet l'ouverture de nouveaux services. "Pour l'accès local, outre l'essor de l'offre commerciale sur les réseaux câblés, il convient de développer les expérimentations sur de nouvelles infrastructures (accès sans fil au réseau local, par exemple), mais aussi les utilisations nouvelles des infrastructures existantes, comme l'ADSL (Asynchronous Digital Subscriber Line ou Réseau de raccordement numérique asymétrique), qui permet de transmettre des signaux numériques haut débit sur le réseau téléphonique classique." On peut à cet égard estimer qu'en contribuant à la mise en œuvre des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le développement de la concurrence sur la boucle locale répond aux attentes de la politique économique et de l'emploi. - plusieurs pays, comme l'Allemagne, le Danemark, la Finlande et les Pays-Bas ont d'ores et déjà pris position pour le dégroupage de la boucle locale, des offres existant, ou étant sur le point de voir le jour sur leurs marchés respectifs. - l'Autriche semble avoir une position plutôt positive sur le sujet, la Belgique et le Luxembourg une position plutôt négative. - La Grèce et le Portugal, enfin, ne se sont pas encore réellement prononcés sur le sujet. En ce qui concerne les Etats-Unis, le principe du dégroupage de la boucle locale a été retenu dans le '1996 Telecommunications Act'. Si son impact effectif aux Etats-Unis est parfois jugé très limité au vu du nombre de lignes dégroupées, et malgré des contentieux majeurs engagés par les opérateurs, on constate que de nombreux opérateurs ont déjà engagé des efforts importants pour développer les processus interopérateurs nécessaires à la mise en œuvre du dégroupage. L'année 1999 devrait constituer une année charnière sur cette question. Organisation de la consultation publique Le présent document se compose de deux parties : le texte de consultation proprement dit et deux annexes, l'une présentant les schémas techniques correspondant à différentes options de dégroupage de la boucle locale et de colocalisation,et l'autre présentant un état des lieux sur les technologies xDSL. Le corps de la consultation comprend lui même cinq parties. La quatrième s’intéresse à la question des champs respectifs de la réglementation et des négociations commerciales. La cinquième aborde les sujets à examiner s’il était décidé de réglementer l’accès à la boucle locale de l’opérateur historique sous une forme dégroupée. Les personnes souhaitant contribuer à la réflexion dans le cadre de la présente consultation publique devront faire parvenir leurs commentaires à l'Autorité de régulation des télécommunications en langue française, sous format papier et sous format électronique, avant le 1er juin 1999 à 12h00. Les contributeurs sont invités en particulier à formuler leurs commentaires sur les questions identifiées dans le corps du présent document, mais il est également possible faire part à l'Autorité de réflexions sur tout sujet lié au développement de la concurrence dans la boucle locale. Autorité de régulation des télécommunications Il est également possible d'envoyer des commentaires à l'Autorité par courrier électronique (s’ils ne sont pas trop longs) à l'adresse suivante: com@com.art-telecom.fr (dans un tel cas, le sujet du courrier électronique devra être " consultation - marché local ") Il est rappelé que l'envoi de courriers électroniques non sécurisé sur internet, ne garantit pas la confidentialité du message transmis. 1.1. Le développement de la concurrence sur la boucle locale : état des lieux Le marché de la boucle locale est généralement entendu comme la fourniture au client final d'un bouquet de services incluant la fourniture de l'accès, la fourniture de trafic local et longue distance, de trafic d’accès à Internet, et, de plus en plus, la fourniture de services haut débit. Bien que cette définition du marché mériterait probablement d'être affinée, un opérateur agissant sur la boucle locale est essentiellement un opérateur accédant directement au client, que ce soit avec des infrastructures propres ou des infrastructures louées à un tiers. Les modalités du raccordement des clients sont a priori nombreuses (boucle locale filaire, réseau câblé, réseau de téléphonie mobile, boucle locale radio, liens satellites, liaisons louées), même si toutes ne s’adressent pas à la même cible de clientèle, ni aux mêmes zones, et ne sont pas au même niveau de développement. Les acteurs agissant aujourd'hui sur le boucle locale en France sont principalement : - des opérateurs ayant déployé des réseaux de fibres optiques en propre, à destination de gros consommateurs professionnels. Ces réseaux sont en général déployés dans des zones à forte activité. - les cablo-opérateurs, au sein desquels on peut distinguer, d'une part, des cablo-opérateurs relativement récents qui ont d'emblée déployé des réseaux permettant d'offrir des services de télécommunications et, d'autre part, des cablo-opérateurs plus anciennement installés qui modernisent leur réseau, en vue de les adapter à la fourniture de services de télécommunications. Le nombre de cablo-opérateurs du premier type (cablo-opérateur dont le réseau est directement adapté à la fourniture de services de télécommunications) demeure limité jusqu'à présent. Les cablo-opérateurs du deuxième type (cablo-opérateur dont le réseau doit être mis à niveau) se heurtent encore aux difficultés découlant du Plan câble liées à une organisation opérationnelle dans laquelle l'exploitation technique et l'exploitation commerciale sont confiées à deux acteurs différents. Les premières offres de services de télécommunications apparues sur les réseaux câblés sont des services d'accès à Internet haut débit, suivies d'offres de services de téléphonie. La clientèle visée, composée de résidentiels et de professionnels, est le plus souvent urbaine. - les opérateurs mobiles. Les offres actuelles, outre qu'il s'agit d'offres de mobilité, ne portent que sur les bas débits. Les perspectives quant aux hauts débits semblent limitées, au moins à court terme et dans l'attente de la nouvelle génération de mobiles. Aujourd'hui, le nombre d'acteurs sur la boucle locale est donc relativement limité. De plus, la concurrence s'est jusqu'à présent surtout concentrée sur des zones à forte activité qui procurent une plus haute rentabilité. En dépit des perspectives du câble et des technologies radio, cette situation ne semble devoir évoluer que lentement, ce qui pourrait aller à l'encontre de l'émergence rapide d'une offre consistante et diversifiée de services nouveaux. La situation de contestabilité des marchés de boucle locale est cependant difficile à apprécier. L’apparente faible contestabilité peut s’expliquer par divers facteurs : le fait que les réseaux de boucle locale se caractérisent d’une part par l’importance des investissements à consentir, d'autre part par l’existence d’économies d’échelle importantes en fonction du nombre d’abonnés qui défavorise les réseaux nouveaux; le financement de l'accès par les revenus des communications, et la diversité des comportements de consommation des clients qui génère une forte incertitude commerciale pour les opérateurs. Ces facteurs expliquent que les nouveaux entrants aient fait le choix, dans un premier temps, d’un fort ciblage de leur offre sur les clients les plus " rentables ", ce qui n’apparaît possible que dans des zones très particulières de forte densité d’activité économique. Différents freins à la fourniture de services de boucle locale ont été mis en avant au sein des groupes de travail de la CCRST: - la fourniture de trafic local en soi à partir des services du catalogue d’interconnexion présenterait une rentabilité économique faible ; - la fourniture de services liés à l’abonnement (achat d’abonnement, mise en service, facturation, recouvrement, service clientèle, service qualité ligne) est pour l’instant fournie uniquement par l’opérateur raccordant le client pour les services qui ne sont pas liés à du trafic longue distance ; - la fourniture d’accès aux services à haut débit de type Internet est limitée en débit sur le réseau téléphonique ; - des obstacles économiques ou réglementaires demeureraient, tels que des coûts de portabilité des numéros qui sont imputés en totalité aux nouveaux entrants, l'absence d'annuaire universel, le maintien jusqu'alors d'une contribution dans le cadre du service universel au coût du déséquilibre de la structure courante des tarifs de France Télécom ; - pour les opérateurs ayant déjà déployé un réseau câblé, un certain nombre de ces contraintes demeurent et s’ajoutent aux contraintes organisationnelles évoquées précédemment. De plus, il faut tenir compte des coûts importants et relativement indépendants du nombre d’abonnés, qui doivent être consentis pour mettre à niveau leur réseau. Les opérateurs fournissant déjà des services longue distance souhaitent aujourd'hui s’adapter à la demande des abonnés en fournissant d’une part des bouquets complets de services, incluant l’accès et le trafic local, d’autre part des services d’accès à haut débit ; les perspectives de croissance du trafic local, notamment celui de l’accès à Internet renforcent pour eux cette nécessité. Par ailleurs, France Télécom a engagé et poursuit le rééquilibrage de ses tarifs prévu par la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996. Ce rééquilibrage des tarifs entraîne un déplacement de marges des services longue distance vers les activités de boucle locale (trafic, accès, services "confort ") ce qui rend le marché de la boucle locale plus attractif. Certains acteurs craignent toutefois que, dans l'hypothèse où la situation de position dominante sur la boucle locale de l'opérateur historique serait pérennisée, celui-ci n’amplifie ce phénomène et étende cette position dominante à des marchés émergents tels que les hauts débits. Un certain nombre d’opérateurs réfléchissent actuellement à l'opportunité que constituerait la possibilité de développer des services de boucle locale en recourant aux infrastructures de l'opérateur historique. Cette approche, qui peut d'ailleurs prendre diverses modalités, apparaît pour les utilisateurs et pour d'autres opérateurs comme un moyen d'élargir la gamme des services offerts.
1.2. Les conditions du développement des nouveaux services. Les divers travaux actuellement menés à l’étranger centrent aussi l'analyse sur les services haut débit, tout en notant qu’il est possible d’offrir des services classiques de téléphonie vocale sur des réseaux à hauts débits. On assiste en effet actuellement au développement des technologies xDSL, qui permettent de transporter des largeurs spectrales importantes sur les paires de cuivre existantes et en conséquence de favoriser l'essor de nouveaux services, en fournissant des services haut débit sur le réseau de l'opérateur historique. Face à ce phénomène qui se combine au développement récent et rapide que connaissent les services d'accès à Internet, en France, une crainte est que l’opérateur historique ne se trouve en position dominante sur ces marchés émergents. En effet, la possibilité d'être en mesure d'offrir rapidement ces services aux clients en accompagnant au plus près l'évolution de la demande est considérée comme un enjeu majeur par les nouveaux entrants. Ils considèrent donc que si l’opérateur historique était seul à pouvoir fournir à court terme de tels services, il mettrait les opérateurs nouveaux entrants dans l’impossibilité de satisfaire une part essentielle et croissante de la demande des utilisateurs, ce qui constituerait un désavantage qui pourrait persister durablement. En l'absence de pression concurrentielle, l’opérateur historique pourrait relâcher son effort d'innovation pour le développement de ces services ou tout du moins en maintenir le prix élevé pour les utilisateurs. Plus simplement, on peut craindre aussi que certains services qui intéresseraient des clients plus spécifiques ne voient pas le jour. Compte tenu du coût que représente le déploiement d'infrastructures, il est probable qu'au moins sur certains segments du marché, les divers utilisateurs n'auront à court terme que peu de possibilités de recours à des technologies alternatives pour l’accès aux services à haut débit : la priorité des réseaux mobiles demeurera probablement encore un temps la fourniture de mobilité bas débit ; les réseaux satellitaires rencontreront des problèmes de limitation de la capacité de la voie de retour ; les réseaux câblés, ne pourront répondre à la demande que dans leur zone de déploiement ; la boucle locale radio ne connaît pas encore de déploiement commercial de grande envergure ; les réseaux alternatifs se déploieront d'abord sur les zones de forte densité ; le domaine de prédilection d'utilisation des liaisons louées restera les clients de très forte consommation de hauts débits, pouvant en payer le prix. La demande des utilisateurs pour les services à haut débit, en raison de la diversité des services proposés, de la diversité des comportements des utilisateurs, et du caractère innovant des technologies et des services, est difficilement prévisible. Le consentement des utilisateurs à payer pour ces services apparaît a priori élevé, mais demeure difficile à estimer. Cette demande est donc l’objet de fortes incertitudes commerciales pour les opérateurs. Il apparaît donc souhaitable, pour chacun des opérateurs, pour les fournisseurs de contenu et, au delà, pour la collectivité, de mieux rapidement cerner les attentes des utilisateurs, afin d’éviter de développer des services et des équipements inadaptés. Pour ce faire, il semble prioritaire de ne pas brider la demande de ces services. Faciliter l’accès à ces services par les technologies xDSL, dès lors que celles-ci se trouveraient les mieux adaptées, à court terme, pour fournir ces services, s'inscrit dans cette démarche, dont on peut escompter une extension du marché des services qui bénéficiera à l’ensemble des acteurs et à l’économie dans son ensemble. Il faut cependant examiner plus en détail l’articulation entre le développement des services et celui des réseaux. Pour ce qui est des hauts débits dont la valeur pour les utilisateurs est liée à la fourniture de services de contenu, l'opinion générale semble de privilégier le développement des services, et, partant, l’adaptation des technologies aux attentes. En permettant le développement rapide de la demande, en ne se privant pas de la technologie la plus rapidement disponible à court terme, le risque d’inadéquation des services et des technologies sera minimisé. Ce scénario met en avant qu’à terme toutes les technologies bénéficieront du développement de ces services et d’une meilleure appréciation de la demande. L’ouverture sous des formes à préciser de l’accès au réseau de l’opérateur historique pour la fourniture d’accès aux services à haut débit traduirait cette orientation visant à privilégier, au moins à court terme, la concurrence par les services à haut débit plutôt que la concurrence par les réseaux. A plus long terme, on peut penser que cette concurrence par les services générera, in fine, une concurrence par les réseaux, dès lors que l’intégration réseaux-services présente des avantages pour les opérateurs. L’argument selon lequel la concurrence par les réseaux engendrerait des comportements plus stables des opérateurs vis à vis de leurs utilisateurs semble devoir être relativisé. Les comportements d’entrée-sortie des opérateurs seraient en partie limités par les investissements nécessaires à l’accès au réseau de l’opérateur historique et les investissements commerciaux, et donc pas seulement par les investissements de réseau en propre. Toutefois, la mise en œuvre, et notamment les engagements contractuels des parties, devront favoriser la stabilité des comportements des acteurs, qui est nécessaire pour assurer des perspectives de rentabilisation d'investissement en équipements très spécifiques. A terme, la technologie la mieux adaptée à la fourniture de services hauts débits devrait pouvoir être choisie par les opérateurs, en fonction de la demande, parmi l'ensemble des différentes possibilités envisageables. Il convient donc de veiller à ce que les choix de ces opérateurs ne soient pas biaisés par les mesures mises en œuvre, et n'empêchent pas par exemple l'essor des technologies alternatives qui pourraient se révéler à terme plus efficaces que les technologies xDSL sur paires de cuivre.
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©Autorité de régulation des télécommunications - Mars 1999
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