Réponse de l’Autorité de régulation des télécommunications sur le projet de recommandation de la Commission concernant le dégroupage de la boucle locale L’Autorité de régulation des télécommunications accueille favorablement l’initiative de la Commission concernant l’élaboration d’une recommandation sur le dégroupage de la boucle locale Elle souhaite présenter ses observations sur le document transmis par la Commission intitulé " working document : unbundled access to the local loop ". Introduction L'Autorité a lancé le 1er avril 1999 une consultation publique sur le développement de la concurrence sur le marché local qui a confirmé les éléments apportés par la Commission pour justifier une recommandation. Cette consultation a mis en évidence la faible ouverture du marché local et a conclu que certaines formes d'accès à la boucle locale étaient susceptibles d'accélérer la concurrence sur ce segment et de faciliter la fourniture de services à haut débit en particulier l'accès rapide à Internet. Les contributeurs ont insisté sur la mise en place d'options techniques semblables à celles décrites par la Commission à des échéances plus ou moins brèves suivant leur complexité. Dans ces conditions, l'Autorité estime qu'une recommandation de la Commission sur le sujet facilitera l'introduction de telles solutions sur le marché français. Elle tient à y contribuer en apportant l'éclairage propre à la situation française et aux analyses qu'elle a déjà menées. Même si la mise en œuvre de telles options nécessite la définition de règles précises qui doivent prendre en compte la spécificité de chacun des réseaux des opérateurs historiques et des situations de concurrence du marché local dans les différents Etats membres, l'effort d'harmonisation manifesté par le projet de recommandation de la Commission est tout à fait utile. I. Remarques générales 1.1. Les options Le document transmis par la Commission comporte la définition de trois solutions techniques d'accès à la boucle locale :
Il précise que la recommandation pourrait porter uniquement sur les deux premières. La Commission juge que le cadre juridique existant, et en particulier les principes de transparence et de non discrimination, définit les obligations relatives à la troisième solution pour les opérateurs puissants. L'Autorité tient à porter à la connaissance de la Commission que le Conseil de la Concurrence français s'est prononcé très récemment sur ce sujet après des débats qui ont montré combien cette question était au cœur de la problématique de l'accès à la boucle locale et du développement de l'accès à Internet à haut débit. L'Autorité considère ce point comme essentiel et souhaite que la Commission explicite comment le cadre actuel s'applique à la solution 3. Le document de la Commission insiste sur trois aspects relatifs aux différentes solutions :
Dans la consultation d’avril 1999, les opérateurs ont souligné que la première solution était celle qui leur permettait d’offrir les services les plus innovants parce qu’elle donne la complète maîtrise de l’accès à l’abonné. Toutefois sa mise en œuvre requiert la définition de modalités techniques et fonctionnelles complexes ; elle nécessitera des investissements importants de la part des opérateurs entrants pour leur déploiement jusqu’aux répartiteurs locaux de France Télécom. Il est vraisemblable que les opérateurs ne se raccorderont pas d’emblée à l’ensemble des répartiteurs (environ 10000 en France) et qu’il leur sera nécessaire de disposer dans les zones qu’ils n’auront pas couvertes de la solution 3 pour fournir leur service sur l’ensemble du territoire. La possibilité de disposer de la solution 3 leur permettra de proposer des services au niveau national tout en ayant un plan d’investissement progressif pour l’accès à la paire de cuivre. Cette prise en compte de la chronologie est en effet essentielle.
De même, des opérateurs pourraient choisir de fournir des services d’accès rapide à Internet ou des services à large bande sans pour autant souhaiter offrir le service téléphonique. Ils pourront alors soit utiliser la solution 1 lorsqu’une deuxième ligne est disponible soit la solution 2 lorsqu’il n’y a pas de ligne disponible. La solution 1, complétée par la solution 2, permet aux opérateurs de fournir leurs services au plus proche des abonnés indépendamment de la disponibilité des lignes. Au vu de ces éléments, l'Autorité estime que ces trois solutions sont bien complémentaires et non substituables. Elle souhaite que la Commission mette en exergue cet aspect dans sa recommandation.
La force de la recommandation de la Commission sera d'autant plus grande qu'elle éclairera le cadre juridique de chacune des solutions et expliquera pourquoi l'une ou l'autre des solutions ne trouve pas de traduction précise dans les notions d'accès et d'interconnexion définies dans les directives actuelles. Dans une première approche, l'Autorité considère que les prestations définies dans les solutions 1 et 2 sont couvertes par la notion d'accès. Elle souhaite que ce point soit repris dans la recommandation de la Commission. Enfin, en ce qui concerne la solution 3, dont il a été souligné ci-dessus qu'elle devait faire partie de la recommandation, les premières analyses de l'Autorité n'ont pas mis en évidence d'éléments de nature à justifier qu'elle soit exclue du champ de l'interconnexion au sens de la directive 97/33. Là encore, l'Autorité souhaite que la Commission prenne en compte cette approche dans la qualification juridique attendue.
La définition de solutions techniques de raccordement n’a de sens qu’accompagnée des principes guidant la tarification des offres qui en découlera. Comme l’énonce la Commission dans le point 1.4 de son document, ces principes doivent promouvoir une concurrence au bénéfice du consommateur sans décourager l’investissement dans des infrastructures locales alternatives. La Commission propose, dans son document, d'appliquer les principes de transparence, non discrimination et d'orientation vers les coûts pour la solution 1 et uniquement un principe de non-discrimination pour les autres solutions. L'Autorité ne comprend pas les raisons pour lesquelles la Commission ne retient pas des principes de tarification similaires pour des solutions qu'elle juge complémentaires et lui suggère d'expliquer plus précisément les raisons de ce choix. En outre, le document de la Commission fait référence à un ensemble de méthodes de tarification dont l'expérience montre qu'elles conduisent à des résultats largement contradictoires au risque de créer la confusion chez les acteurs du secteur. En particulier, l'Autorité s'étonne que soit citée la méthode dite "ECPR" (efficient component pricing rule), difficile à appliquer et contradictoire avec les principes d'orientation vers les coûts et de développement de la concurrence prônés par la Commission. L'Autorité rappelle son attachement aux principes d'efficacité et de loyauté de la concurrence, de pertinence des coûts ainsi qu'aux conditions d'acceptabilité de la méthode de tarification par le secteur. A ce sujet, elle relève que les coûts moyens comptables pertinents, auditables et opposables, utilisés en France pour la régulation vérifient largement ces principes tout en étant compatibles avec l'équilibre budgétaire de l'opérateur historique. Au delà, l'Autorité examine la mise en œuvre de CMILT (coûts moyens incrémentaux de long terme) dans la perspective d'une meilleure incitation à l'efficacité ; les modalités de mise en œuvre de tels coûts doivent être soigneusement définies pour répondre aux objectifs de crédibilité et d'auditabilité qui conditionnent leur acceptation. En conclusion, la référence aux coûts, largement utilisée, paraît à même d'assurer une tarification objective et neutre prenant en compte le risque supporté par l'opérateur historique ayant investi dans son réseau. L'application du principe d'orientation vers les coûts selon des modalités adaptées à chacune des trois solutions permettrait à la fois une tarification équilibrée, une juste rémunération de France Télécom et le développement d'une concurrence effective. 1.2. Les délais Le document de la Commission évoque le délai de fin 2000 pour la disponibilité du dégroupage de la boucle locale sous la forme de la solution 1. Cette proposition est compatible avec le souhait ambitieux déjà affirmé par l'Autorité et les acteurs du marché français. Concernant les deux autres solutions, le document semble indiquer que l'application du principe de non-discrimination impose à l'opérateur puissant de prévoir la fourniture d'un accès au moment où il fait une offre commerciale d'accès à Internet à haut débit fondées sur des technologies xDSL. L'Autorité souhaite que la Commission confirme cette interprétation en particulier en ce qui concerne la solution 3. Elle s'interroge par ailleurs sur la possibilité de mettre en œuvre à brève échéance la solution 2 du fait de sa complexité opérationnelle.
II. Remarques détaillées sur le contenu éventuel de la recommandation 2.1. Dégroupage total de la boucle locale Les exemples proposés de dégroupage portent sur la ligne principale de l'abonné ou sur une deuxième ligne. Il conviendrait que la recommandation précise que cette obligation couvre non seulement les lignes raccordées jusqu'aux installations d'abonnés mais également celles disponibles dans les câbles de transport ou de distribution du réseau local. 2.2. Le partage de ligne
Cette solution semble relativement complexe à mettre en œuvre. Les questions de propriété du filtre et de perturbations éventuelles du service téléphonique ont souvent été avancées pour en souligner la difficulté. La recommandation pourrait utilement examiner ces questions, ce qui faciliterait la mise en œuvre de cette solution. Par ailleurs, en cohérence avec les observations sur la complémentarité des solutions, la nécessité de disposer d'une telle solution pourrait être plus avérée dans les cas où une deuxième ligne n'a pas déjà été installée.
La solution du partage de lignes pose le problème spécifique du partage des coûts de la ligne, où l'incertitude peut être grande. L'Autorité souhaite que la Commission prenne position sur les règles de partage des coûts de la ligne entre les opérateurs. 2.3. L’accès au débit
Les débats qui ont eu lieu en France récemment ont montré l'importance de la définition précise d'une solution de ce type. En particulier, les opérateurs souhaitent que cette solution s'appuie sur la technologie ATM, ou prenne la forme d'une solution équivalente, qui leur permette de différencier leurs offres en terme de qualité de service et de débit et ainsi de favoriser le développement d'une concurrence effective tant par les prix que par la nature des prestations. Il serait utile que la Commission développe ce point dans sa recommandation. L'Autorité souligne en outre que cette solution sera d'autant plus complémentaire de la solution 1 que les points de livraison du trafic seront choisis de façon cohérente avec l'architecture et le déploiement des réseaux des opérateurs.
L'Autorité partage l'avis de la Commission sur le fait que l'opérateur historique ne doit pas coupler la fourniture de service d'accès rapide à Internet avec l'abonnement au service téléphonique. 2.4. La transparence des offres La Commission propose de spécifier dans sa recommandation les obligations de publication des offres de dégroupage de la boucle locale telles que décrites dans les trois solutions du document. L'Autorité est favorable à cette initiative qui donnera de la visibilité aux différents acteurs. |