Consultation publique sur la société de l'information : réponse de l’Autorité de régulation des télécommunications au document de consultation publié par le Gouvernement le 5 octobre 1999 2. Favoriser l’accès du plus grand nombre aux réseaux de la société de l’information 2.1. & 2.2. Favoriser l’accès à Internet et développer l’accès à Internet à haut débit L'accès à Internet constitue sans conteste un enjeu important, pour le développement du secteur des télécommunications, mais aussi et surtout pour le développement de l’usage d’Internet en France. Au cours de l'année 1999, les effort des pouvoirs publics ont porté, pour une bonne part, sur l'amélioration des conditions d'accès par le réseau téléphonique commuté. Les discussion engagées par l'Autorité ont abouti à la définition de formules forfaitaires, aujourd'hui proposées par plusieurs fournisseurs de services.
Au delà de la question des seules conditions d’utilisation des réseaux d’accès à Internet, qui constituent une dimension essentielle de son développement, l'Autorité note l'importance du coût d'un terminal (en général un micro-ordinateur) dans le coût global de l'accès à Internet, qui représente à ses yeux un frein au développement d'Internet pour le grand public en France.
Enfin, l’Autorité souhaite également souligner que, si Internet constitue un moyen privilégié d’accès à des contenus extrêmement riches, il repose sur une maîtrise préalable de l’écrit par l’utilisateur. A ce titre, au delà des questions économiques, il peut constituer un élément d’accentuation de la fracture sociale. La fourniture d’accès à Internet à haut débit, dont la demande va croissant, apparaît aujourd'hui comme un élément moteur du développement du marché de la boucle locale. Ce marché, entendu jusqu'alors comme la fourniture au client final d'un bouquet de services incluant la fourniture de l'accès et du trafic local, fait en effet une place croissante au trafic d’accès à Internet et à la fourniture de services haut débit. Sur ce marché, interviennent à l’heure actuelle des opérateurs accédant directement au client, sur des infrastructures propres ou louées à un tiers. Les modalités de raccordement des clients sont a priori nombreuses (boucle locale filaire, réseau câblé, réseau de téléphonie mobile, boucle locale radio, liens satellites, liaisons louées), même si toutes ne s’adressent ni à la même cible de clientèle, ni aux mêmes zones et si elles ne sont pas toutes au même niveau de développement. Deux constats peuvent être faits : Premier constat : aujourd'hui, le nombre d'acteurs présents sur la boucle locale demeure relativement limité, d'une part en raison de l’importance des investissements à consentir, d'autre part du fait de l’existence d’économies d’échelle importantes en fonction du nombre d’abonnés qui défavorise les nouveaux entrants. De plus, la concurrence s'est jusqu'à présent surtout concentrée sur des zones à forte activité qui procurent une plus haute rentabilité. En dépit des perspectives du câble et des technologies radio, cette situation ne semble devoir évoluer que lentement, ce qui pourrait aller à l'encontre de l'émergence rapide d'une offre consistante et diversifiée de services à haut débit. Ainsi, les offres de services à hauts débits sont encore peu nombreuses : le déploiement de boucles locales en fibres optiques concerne essentiellement de gros consommateurs professionnels, en général dans des zones à forte activité ; la plupart des câblo-opérateurs mettent leurs réseaux à niveau pour fournir des services de télécommunications. Les offres actuelles des opérateurs mobiles, outre qu'il s'agit d'offres de mobilité, ne portent que sur les bas débits. L'arrivée du GPRS courant 2000 devrait permettre l'émergence d’une offre d'accès à Internet par les mobiles, vraisemblablement orienté, dans un premier temps, vers une clientèle professionnelle. Quant à la troisième génération de mobiles, sa mise en œuvre ne devrait pas être effective avant 2002, conformément au calendrier européen. Par ailleurs, si l'introduction de la boucle locale radio en France contribuera au développement de la société de l'information, tout en stimulant la concurrence sur la boucle locale, les licences ne pourront être délivrées qu'à partir de l'été 2000. L’Autorité souligne enfin l’importance que peuvent représenter les technologies à satellites pour l’accès à haut débit en tous lieux, même si l’ouverture totale du marché des télécommunications n’a pas permis de constater un réel développement des réseaux et des services par satellites. Second constat : on assiste actuellement au développement rapide des technologies xDSL, qui permettent de transporter de fournir des services à haut débit sur le réseau de l'opérateur historique. En particulier , l’Autorité a rendu, le 7 juillet 1999, un avis sur une proposition tarifaire de France Télécom portant sur une offre d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL. Cette technique permet un accès Internet à haut débit, permanent et illimité en durée, pour un tarif forfaitaire. La proposition ADSL de France Télécom repose sur deux offres, à partir desquelles les fournisseurs de services Internet (ISP) pourront proposer leurs services :
La proposition de France Télécom concerne une ouverture de Netissimo sur des zones géographiques limitées en région parisienne. Souhaitant faire bénéficier sans tarder les consommateurs de ces offres, l’Autorité a rendu un avis favorable sur cette proposition à condition que soit assurée l’égalité entre les ISP, pour que le client puisse choisir en toute liberté son fournisseur de services Internet. Cependant, l’Autorité souhaite rappeler qu’elle avait mis certaines conditions pour que ces offres soient lancées par France Télécom, afin notamment de permettre aux ISP de proposer leurs offres dans les mêmes conditions et en même temps que le groupe France Télécom (accès aux informations techniques, information des clients de Netissimo sur les ISP accessibles, possibilité d’une commercialisation indirecte de Netissimo par les ISP). De plus, afin de diversifier les offres et de faire baisser les prix, il est apparu nécessaire à l’Autorité de permettre à d’autres opérateurs de faire des offres de même nature que Netissimo et Turbo IP, en étant maîtres des éléments techniques et commerciaux essentiels de ces services. L’Autorité avait donc demandé à France Télécom de proposer une offre permettant aux opérateurs tiers de fournir de tels services En effet, le développement rapide et à destination d’une large clientèle, des services liés aux technolgies xDSL suppose que les opérateurs tiers puissent offrir rapidement des services équivalents à ceux de France Télécom, sans quoi l’avance prise par l’opérateur historique dans la connaissance de la demande émergente pour ces nouveaux services risquerait d'exclure durablement ces opérateurs du marché. Or, l’intervention d’opérateurs variés sur les marchés des services, du transport et de l’accès à Internet, est le gage de la diversité, notamment tarifaire, de l’offre aux clients finals, condition du développement de ce marché.
Dans ce cadre, l’Autorité a rendu publique, le 29 octobre 1999, la synthèse des réponses à la consultation publique engagée au printemps sur cette question. Elle a permis de recueillir l'avis des acteurs quant aux différentes options possibles. D'une façon générale, les contributions des nouveaux entrants sont favorables à la mise en œuvre d’au moins une des trois premières options décrites dans le document de consultation. L’option la plus souvent préconisée est assurément l'accès à la paire de cuivre (option 1). Elle est en effet considérée comme la seule à même d’assurer une réelle indépendance du nouvel entrant dans la définition de ses services. L’accès à un circuit virtuel permanent (option 3) est en général perçu comme un complément souhaitable, voire indispensable à cette première option, soit pour permettre à un nouvel entrant d’offrir plus rapidement son service dans l’attente du dégroupage de la paire de cuivre plus long à mettre en œuvre, soit pour lui permettre d’accéder à certains types de lignes difficilement accessibles, voire de compléter géographiquement son offre. Concernant la régulation, la majorité des contributions estime indispensable que des dispositions spécifiques suffisamment précises soient adoptées afin que le dégroupage devienne effectif. Ce point paraît particulièrement crucial en ce qui concerne la communication des informations techniques sur le réseau de France Télécom. Concernant les principes tarifaires, l'ensemble des contributions est favorable à une orientation des tarifs vers les coûts. Le marché attend une approche rapide et pragmatique de la mise en œuvre du dégroupage et ne considère pas, dans le cas de l'option 1, la résolution des problèmes de mise en œuvre comme un préalable à un engagement de principe.
2. Les évolutions du service universel Le cadre actuel du service universel est fixé par plusieurs directives communautaires et par la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 ainsi que par les décrets pris pour son application. Ce cadre a permis de concilier obligations de service public et développement de la concurrence. Il apparaît donc devoir être pérennisé dans ses principes, au besoin en clarifiant ses modalités de mise en œuvre. Les progrès de la société de l’information conduisent aussi à s’interroger sur l’extension du contenu même du service universel au-delà de son périmètre actuel. Cependant, compte tenu du cadre européen dans lequel s’inscrit cette notion, la marge de manœuvre est étroite et aucune modification des prestations financées dans le cadre du service universel ne saurait être mise en œuvre au plan national, indépendamment du calendrier de la procédure de réexamen en cours à Bruxelles. A - Les obligations et le financement du service universel Les dispositions communautaires relatives aux obligations de service universel se trouvent définies dans la directive 98/10 relative à la téléphonie vocale, qui liste "un ensemble de services définis pouvant être financés dans le cadre du service universel" Il s'agit du raccordement au réseau téléphonique public fixe, de l’accès aux services téléphoniques publics fixes(11), et des offres de tarifs sociaux, services d’annuaires et service de renseignements et de la publiphonie. L’Autorité considère que ces dispositions sont satisfaisantes car elles permettent de garantir une égalité entre les abonnés à la téléphonie fixe, notamment dans des pays tels que la France, qui se caractérisent par une densité moyenne de population relativement faible, conjuguée à un habitat dispersé. S'agissant du financement, l’Autorité considère que le cadre communautaire, qui permet aux États membres de prévoir un mécanisme de partage des coûts, doit être préservé. Concernant le cadre français, elle rappelle qu’elle a indiqué à plusieurs reprises la nécessité de transposer la directive 97/33/CE du 30 juin 1997 qui prévoit la prise en compte, dans l'évaluation du coût net du service universel, des effets économiques induits et des avantages immatériels découlant de la fourniture du service universel. L'Autorité a conduit, pour l’évaluation prévisionnelle du coût du service universel pour 1999 et pour 2000, des travaux permettant d’évaluer ces effets. Le cadre réglementaire national devrait donc être modifié pour permettre de les prendre en compte. B - Le champ du service universel Malgré le caractère satisfaisant des dispositions actuelles, les progrès de la société de l’information conduisent aussi à s’interroger sur l’extension du contenu même du service universel au-delà de son périmètre actuel limité à la téléphonie vocale, et à des échanges de données dans les limites de capacités des réseaux fixes. L'évolution du contenu du service universel est prévue par les " considérant " des directives 97/33 et 98/10 CE. Cette évolution est également envisagée par l’article L.35-7 du code des postes et télécommunications, qui prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement sur cette question, au moins une fois tous les quatre ans à compter de la publication de la loi de réglementation des télécommunications de 1996, après consultation publique et avis de l’Autorité de régulation des télécommunications et de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications. Le premier de ces rapports devrait donc être établi au cours de l'année 2000. Dans son mémorandum adressé à la Commission en 1997, le Gouvernement français a formulé une proposition qui viserait à étendre le périmètre du service universel à l’accès à Internet pour les établissements d’enseignement et les bibliothèques, ainsi que pour les établissements sanitaires et sociaux, sur la base de tarifs préférentiels. Cette proposition, dont la mise en œuvre éventuelle devrait être compatible avec les règles de concurrence, pourrait utilement favoriser une large diffusion de l’accès à Internet pour accélérer le développement de la société de l’information. L’Autorité souhaite dès à présent faire part de l'état de ses réflexions, qui portent essentiellement sur deux questions :
L’émergence d’une offre commerciale d’accès rapide à Internet sur la base de nouveaux supports comme la technologie ADSL ou le câble pourrait accroître l’inégalité entre zones urbaines et zones rurales en ce qui concerne l’accès aux services de la société de l’information. .
L’extension des obligations de service universel à la téléphonie mobile est mentionnée à l'article L.35-7(12) du code des postes et télécommunications. L'article L. 35-3 du code des postes et télécommunications, l’article 23 de la loi de réglementation des télécommunications et les autorisations des opérateurs prévoient également des dispositions relatives à la couverture des réseaux mobiles. Il faut souligner que, sous l’effet de la concurrence, les trois opérateurs mobiles ont dépassé leurs obligations en termes de couverture. Le document de consultation pose la question de l’inclusion de la téléphonie mobile dans le champ du service universel. Il évoque par ailleurs la mise en place d’un mécanisme d’incitation financière ou de partage des zones non couvertes. Il indique enfin que, s’agissant de la montée prévisible en débit des réseaux mobiles, le Gouvernement étudiera les modalités de généralisation du GPRS dans les zones actuellement couvertes par les opérateurs. Or, le développement des réseaux mobiles pourrait avoir des implications d’une part en termes de couverture du territoire par les opérateurs mobiles et d’autre part en termes de fourniture du service universel. La couverture du territoire par les réseaux mobiles : la question pourrait se poser d'une couverture complète du territoire par ces réseaux et des moyens d'y parvenir. L’Autorité constate à ce stade que le jeu de la concurrence entre les trois opérateurs a été le principal moteur de l'extension des réseaux de téléphonie mobile. L'augmentation de la pénétration des services de téléphonie mobile est susceptible de rendre rentable la couverture de zones qui ne le seraient pas à un moindre niveau de développement du marché. Par ailleurs, la couverture proposée constitue un argument de vente décisif, de sorte que les opérateurs, du fait de la concurrence, sont d'ores et déjà amenés à couvrir des zones géographique non rentables. Ainsi, il apparaît encore prématuré de déterminer quelles zones resteraient durablement non couvertes par les réseaux de téléphonie mobile. Par ailleurs, les systèmes à satellites pourront, en fonction du développement de la concurrence entre les divers opérateurs, permettre d’assurer une couverture complète du territoire, grâce à des accords d'itinérance avec les opérateurs mobiles terrestres.
Le coût de la couverture des derniers pourcentages de la population se chiffrera à plusieurs milliards de francs, à l’heure où de nouveaux investissements vont devoir être engagés, pour adapter les réseaux GSM au GPRS, et pour commencer le déploiement des réseaux de troisième génération. Si la fixation de tels objectifs apparaissait, au terme de cette analyse, souhaitable pour la collectivité, la question des obligations contenues dans les licences serait posée, au même titre que celle des incitations financières, qui devra être analysée au regard du bilan incertain des dispositions de l'article L. 35-3(13), en raison notamment de la modestie des incitations financières prévues et de l'imprécision de la rédaction de la loi.
La fourniture du service universel : il existe aujourd'hui quatre réseaux nationaux fournissant des services de téléphonie vocale, celui de l'opérateur historique et ceux des trois opérateurs mobiles. Cela conduit à s'interroger sur les possibilités d'instaurer un mécanisme de "pay-or-play" dans lequel les opérateurs titulaires d’un de ces réseaux nationaux auraient le choix entre fournir le service universel ou contribuer à son financement ; la qualité des communications GSM, leurs tarifs ainsi que l'accès à Internet par le GPRS permettent d'envisager que le service universel puisse être fourni à moyen terme par un ou plusieurs opérateurs mobiles. Les modalités de ce "pay-or-play" devraient être étudiées avec soin. 11 - L'article 5 alinéa 2 prévoit que "le raccordement fourni doit être de nature à permettre à l'utilisateur de donner ou de recevoir des appels nationaux ou internationaux pour le transmission de messages vocaux, de documents par télécopie ou de données". 12 - Dans le cadre du rapport du gouvernement au Parlement évoqué plus haut. 13 - qui prévoit que les opérateurs mobiles sont exemptés de la composante de la charge de service universel correspondant au financement du déséquilibre de la structure courante des tarifs téléphoniques, dès lors qu'ils sont soumis à des obligations de couverture à l'échelle nationale. |