L’ADEME et l’ARCEP ont remis ce jour à Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, les résultats de leur étude prospective sur l’empreinte environnementale du numérique en France à l’horizon 2030 et 2050.
En effet, si le numérique contribue sous bien des aspects à la mise en œuvre de la transition écologique, son développement engendre également des impacts qu’il est important de mieux connaître.
L'étude montre que, sans action pour limiter la croissance de l’impact environnemental du numérique, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050. Elle identifie les leviers d’action à engager et amplifier dès aujourd’hui pour un développement des usages numériques plus sobre en carbone et en ressources.
En août 2020, les ministres ont confié à l’ADEME et l’ARCEP une mission visant à mesurer l’empreinte environnementale du numérique en France et à identifier des leviers d’actions et des bonnes pratiques pour la réduire. Après la publication en 2022 des deux premiers volets de leur étude évaluant l’impact actuel du numérique dans son ensemble[1], les deux organisations ont remis aujourd’hui le troisième et dernier volet portant sur l’évaluation prospective de l’impact environnemental du numérique en France, à horizon 2030 et 2050.
A horizon 2030, si rien n’est fait pour réduire l’empreinte environnementale du numérique et que les usages continuent de progresser au rythme actuel, le trafic de données serait multiplié par 6 et le nombre d’équipements serait supérieur de près de 65 % en 2030 par rapport à 2020, notamment du fait de l’essor des objets connectés. Il en résulterait des augmentations, entre 2020 et 2030 :
- de l’empreinte carbone du numérique en France : environ + 45% (pour atteindre 25 Mt CO2eq)
- de la consommation de ressources abiotiques (métaux et minéraux) : + 14 %
- de la consommation électrique finale en phase d’usage : + 5 % (pour atteindre 54 TWh par an).
A horizon 2050, si rien n’est fait, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler par rapport à 2020. Si ce développement du numérique permet en partie de réduire d’autres impacts environnementaux dans d’autres secteurs (mobilité par exemple), les consommations qu’il engendrerait en électricité et en ressources posent de toute façon la question de leur faisabilité (sera-t-il possible de produire autant d’électricité ou de consommer autant de matière première dans un monde où les tensions s’accroissent ?). Pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris en 2050, le numérique doit prendre la part qui lui incombe : un effort collectif impliquant toutes les parties prenantes (utilisateurs, fabricants de terminaux et d’équipements, fournisseurs de contenus et d’applications, opérateurs de réseaux et de centres de données) est donc nécessaire.
Pour réduire l’impact environnemental du numérique dès 2030, des leviers d’action sont identifiés.
L’étude met en évidence qu’un des enjeux environnementaux majeurs du numérique, outre son empreinte carbone, est la disponibilité des métaux stratégiques et autres ressources utilisées pour la fabrication des terminaux (principalement téléviseurs, ordinateurs, box internet et smartphones mais aussi objets connectés dont l’impact est grandissant).
Un des leviers d’action est de promouvoir la « sobriété numérique », qui commence par une interrogation sur l’ampleur du développement de nouveaux produits ou services numériques et une réduction ou stabilisation du nombre d'équipements. L’allongement de la durée de vie des terminaux, en développant davantage le reconditionnement et la réparation des équipements est un axe majeur de travail, tout comme la sensibilisation des consommateurs à ces enjeux.
De la même manière, afin d’améliorer notamment l’efficacité énergétique, l’écoconception doit être systématisée : pour les terminaux, mais aussi pour l’ensemble des équipements (infrastructures de réseaux et centres de données), ainsi que dans le cadre des modalités de déploiement des réseaux et services numériques.
La mise en œuvre de l’ensemble de ces leviers permettrait de réduire l’empreinte environnementale du numérique d’ici à 2030 : jusqu’à -16% pour l’empreinte carbone par rapport à 2020.
A horizon 2050 : des impacts très variables suivant les scénarios retenus
Quatre modèles de société ont été conçus par l’ADEME dans le cadre de l’exercice « Transition(s) 2050 »[2], pour aboutir à la neutralité carbone du pays.
Appliqué au secteur du numérique, le scénario « Pari réparateur », qui est celui qui contraint le moins la demande, conduirait à un quintuplementde l’empreinte carbone du numérique par rapport à 2020.
« Les modes de vie du début du XXIe siècle sont sauvegardés. Mais le foisonnement de biens consomme beaucoup d’énergie et de matières avec des impacts potentiellement forts sur l’environnement. La société place sa confiance dans la capacité à gérer voire à réparer les systèmes sociaux et écologiques avec plus de ressources matérielles et financières pour conserver un monde vivable. Cet appui exclusif sur les technologies est un pari dans la mesure où certaines d’entre elles ne sont pas matures. »
A l’inverse, le scénario « Génération frugale » conduirait pour sa part à diviser par deux l’empreinte carbone du numérique par rapport à 2020.
« Des transformations importantes dans les façons de se déplacer, de se chauffer, de s’alimenter, d'acheter et d'utiliser des équipements, permettent d'atteindre la neutralité carbone sans impliquer de technologies de captage et stockage de carbone, non éprouvées et incertaines à grande échelle De nouvelles attentes des consommateurs, mais surtout de nouvelles pratiques s’expriment rapidement dans les modes de consommation. La croissance de la demande énergétique qui épuise les ressources et dégrade l’environnement s’interrompt, grâce à des innovations comportementales, organisationnelles et technologiques. La transition est conduite principalement grâce à la frugalité par la contrainte et par la sobriété. »
L’ADEME publiera prochainement un nouveau feuilleton de Transition(s)2050 dédié au numérique.
Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires : « Le numérique est la révolution technologique de notre siècle, indispensable pour permettre l’accélération de la transition écologique, et en même temps, très impactant en termes d’empreinte environnementale. Quand on sait que l’empreinte carbone du numérique pourrait doubler d’ici 2030, voire tripler d’ici 2050, il nous faut agir collectivement pour que l’accélération de la transition écologique passe par une transition numérique décarbonée et écoresponsable. De nombreuses solutions existent : l’écoconception, l’allongement de la durée de vie des produits, la sobriété des usages, l’économie circulaire… Vivre au 21ème siècle, c’est réussir cette convergence entre nos modes de consommation et nos usages du quotidien avec la réalité d’une planète que nous devons mieux protéger. Avec le Haut Comité pour le Numérique éco-responsable, cette convergence est en marche ! Je tiens à saluer le remarquable travail prospectif de l’ARCEP et l’ADEME, qui nous donne les clés essentielles de cette trajectoire que nous dessinons pour une révolution numérique éco-responsable ».
Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique: « La décarbonation du secteur numérique est une priorité. Ce rapport nous donne des clés qu'il faut utiliser dès aujourd'hui. C'est ce que ferons dans le cadre de l’Acte 2 du plan de sobriété énergétique, au sein du groupe de travail que nous réunirons à nouveau avec Jean-Noël BARROT dans les prochaines semaines : il s’agit avant tout de faire connaître les solutions, piloter leur mise en œuvre, et développer une sobriété d’usage pour réduire collectivement notre consommation d’énergie. »
Jean-Noël BARROT, ministre de la Transition énergétique et des Télécommunications :
« Ce troisième volet de l’étude conduite par l’ADEME et l’ARCEP, chiffré et concret, doit nous interpeller fortement. Si nous ne changeons rien, si nous laissons les tendances actuelles se prolonger, l’impact environnemental pourrait très fortement augmenter : + 45 % d’ici à 2030. La puissance publique, européenne et nationale, fait pression pour exiger un changement radical en matière d’écoconception, de durée de garantie et de réparabilité de la part des fabricants et des distributeurs. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour préserver une planète vivable à nos enfants et petits-enfants. Nous n’avons ni le choix, ni le droit de l’inertie et de l’inaction, dans le numérique comme dans les autres secteurs. Notre société doit prendre deux tournants majeurs : la transition écologique et la transition numérique, il est impératif de les mener toutes les deux conjointement ».
[1]Communiqué de presse de l’ADEME et de l’Arcep « Empreinte environnementale du numérique en France : l’ADEME et l’Arcep remettent leurs premiers rapports au gouvernement » (19 janvier 2022)
Documents associés :
- Le dossier de presse et infographies « Empreinte environnementale du numérique : 2020, 2030 et 2050 – Etude Ademe-Arcep »
- La note de synthèse de l'Arcep au gouvernement sur la prospective 2030 – 2050
- « Empreinte environnementale du numérique : 2020, 2030 et 2050 – Etude Ademe-Arcep » - Synthèse mise en ligne par l’Ademe
- L’étude prospective 2030 - 2050
- La présentation [slides]
- Le communiqué du 19 janvier 2022 « Empreinte environnementale du numérique en France: l’ADEME et l’Arcep remettent leur premier rapport au gouvernement »
- L'intervention de Laure de La Raudière, présidente de l'Arcep lors de la conférence de presse du 6 mars 2023
A lire aussi
Téléchargez le dossier de presse
(pdf - 2.45Mo)
(PDF • 2 Mo)