Paris, le 15 Décembre 2017
Depuis sa signature en 2012, le contrat d'itinérance entre Free Mobile et Orange fait l'objet d'un intense débat dans le secteur des télécoms. Conçue pour permettre l'entrée sur le marché à un nouvel acteur, en lui donnant accès à une infrastructure existante, cette itinérance aurait pu risquer de réduire les incitations à l'investissement de l'opérateur accueilli si elle avait perduré excessivement.
A la suite d'une intervention proactive de l'Arcep, Free Mobile et Orange ont convenu, en juin 2016, d'une trajectoire d'extinction. Cette trajectoire a ensuite été validée par l'Arcep. Par une décision en date du 13 décembre 2017, le Conseil d'Etat, saisi par Bouygues Telecom et Free Mobile, est venu confirmer les analyses de l'Arcep.
Une remise en question du contrat d'itinérance consécutive aux lignes directrices de L'Arcep
La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a conféré un nouveau pouvoir à l'Arcep : celui de demander à des opérateurs la modification de leurs contrats de partage de réseaux mobiles, notamment lorsque cela est nécessaire à la réalisation de ses objectifs de régulation (1). A la suite de l'entrée en vigueur de la loi, l'Arcep a engagé des travaux sur le partage de réseaux mobiles : l'Autorité adoptait en mai 2016 des lignes directrices sur le partage de réseaux mobiles et invitait les opérateurs à lui transmettre les modifications apportées à leurs contrats. En juin 2016, Bouygues Telecom et SFR (2), d'une part, Orange et Free Mobile (3), d'autre part, lui ont transmis des avenants à leurs contrats de partage de réseaux mobiles. Après examen de ces contrats modifiés, l'Arcep en a conclu qu'il n'était pas nécessaire de faire usage de son nouveau pouvoir à l'égard de ces opérateurs.
Dans ce contexte, trois requêtes ont été introduites devant le Conseil d'Etat durant l'été 2016
D'une part, la société Bouygues Telecom a introduit un recours à l'encontre :
- des lignes directrices de l'Arcep publiées le 25 mai 2016,
- et de la décision de l'Arcep, révélée le 30 juin 2016, de ne pas demander la modification du contrat d'itinérance passé entre Free Mobile et Orange.
D'autre part, les lignes directrices du 25 mai 2016 étaient également contestées par la société Free Mobile.
Le Conseil d'Etat a rejeté l'ensemble des requêtes des sociétés Bouygues Telecom et Free Mobile, confortant l'action de l'Arcep
Concernant la décision de l'Arcep de ne pas demander la modification du contrat d'itinérance, ainsi amendé, entre Orange et Free Mobile (rendue publique dans son communiqué de presse du 30 juin 2016), le Conseil d'Etat valide l'analyse développée par l'Autorité. Il relève en particulier que " Free Mobile respecte ses obligations de déploiement de réseau, sous le contrôle de [l'Arcep] ; que les conditions techniques et économiques du contrat d'itinérance conclu entre la société Free Mobile et Orange dans sa version issue de l'avenant du 15 juin 2016, qui ne porte pas sur la 4G, représentent un coût conséquent pour la société Free Mobile, impliquent des différences de couverture et de qualité de service au détriment de cette société et sont de nature à inciter cette société à déployer son propre réseau ; que ce contrat prévoit une extinction de l'itinérance par limitation progressive des débits maxima montants et descendants atteignables par les clients de Free Mobile sur le réseau d'Orange à compter de janvier 2017 et jusqu'à fin 2020 ". Il en a conclu " que, dans ces conditions, […] il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du 30 juin 2016 […], la mise en œuvre du contrat d'itinérance […] aurait eu des effets anticoncurrentiels sur le marché de la téléphonie mobile, ni que la décision attaquée, en ce qu'elle autorise la prolongation de l'itinérance au moins jusqu'en 2020, procurerait à la société Free Mobile un avantage concurrentiel injustifié ".
Concernant les lignes directrices adoptées par l'Arcep en mai 2016, le Conseil d'Etat a jugé que celles-ci pouvaient faire l'objet d'un recours dès lors qu'elles ont pour objet " d'influer de manière significative sur le comportement des personnes [auxquelles elles] s'adressent ". Le Conseil d'Etat a ainsi appliqué sa jurisprudence relative au " droit souple ". Sur le fond, il a confirmé le bien-fondé de l'analyse de l'Arcep, et en particulier le principe selon lequel " l'itinérance ne p[eut] être pérenne que sur une portion limitée du territoire, correspondant aux zones les moins denses où les incitations à investir sont très limitées ".
L'Arcep se félicite de cette décision qui conforte la démarche et l'analyse qu'elle a menées sur la question du partage de réseaux mobiles.
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1) Article L. 34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques.
2) Bouygues Telecom et SFR ont conclu, en janvier 2014, un contrat prévoyant la mutualisation de leurs réseaux 2G/3G/4G sur une partie du territoire ainsi que la fourniture temporaire par Bouygues Telecom à SFR d'une prestation d'itinérance 4G.
3) Orange et Free mobile ont conclu, en mars 2011, un contrat d'itinérance 2G/3G sur le territoire métropolitain.
Les documents associés
• La décision du Conseil d'Etat
• Les lignes directrices de l'Arcep sur le partage de réseaux mobiles (pdf - 0.98Mo)
• Le communiqué de presse de l'Arcep du 30 juin 2016