Par sa décision du 21 avril 2023, le Conseil d’Etat décide de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il rejette également le recours de la société Orange contre la décision de l’Arcep, mettant en demeure Orange de respecter ses engagements de déploiement de la fibre dans des zones moyennement denses. L’Arcep se félicite de cette décision, qui conforte l’organisation de son collège ainsi que la démarche et l’analyse qu’elle a mené sur le contrôle des engagements d’Orange.
Rappel du recours d’Orange contre la décision de l’Arcep la mettant en demeure de respecter ses engagements en zones AMII
En 2018, Orange a pris des engagements juridiquement opposables, consistant à couvrir en fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) près de 3000 communes des zones moins denses d’initiative privée du territoire (dites zones AMII, pour appel à manifestation d’intention d’investissement).
À la suite d’une saisine du secrétaire d’Etat en charge du numérique et des communications électroniques et au terme d’une instruction menée sur le fondement de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), l’Autorité, dans sa formation en charge de la poursuite et de l’instruction (la formation dite RDPI), a constaté, par la décision n° 2022-0573-RDPI, que la société Orange avait manqué à la première échéance prévue par ses engagements (au 31 décembre 2020) et l'a mise en demeure « d’assurer, au plus tard le 30 septembre 2022, que 100% des logements ou locaux à usage professionnel des communes ou parties de communes concernées par ses engagements, pris au titre de l’article L. 33-13 du CPCE par courrier auprès du Gouvernement en date du 20 février 2018 et modifié par courrier en date du 31 mai 2018 et acceptés par l’arrêté du 26 juillet 2018 susvisé, sauf pour ceux de ces logements et locaux pour lesquels un refus aurait été opposé par les copropriétés ou propriétaires concernés, sont rendus raccordables ou raccordables sur demande, avec au plus 8% de ces logements et locaux raccordables sur demande ».
Orange a contesté cette décision devant le Conseil d’Etat, puis quelques mois plus tard, a introduit une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant le pouvoir de sanction de l’Arcep et l’article L33.13 du CPCE rendant juridiquement opposables les engagements pris par Orange en zone AMII.
Le Conseil d’Etat décide de ne pas renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Orange
Le Conseil d’Etat souligne que « l’attribution par la loi à une autorité administrative indépendante du pouvoir de fixer les règles dans un domaine déterminé et d’en assurer elle-même le respect, par l’exercice d’un pouvoir de contrôle des activités exercées et de sanction des manquements constatés, ne contrevient pas aux exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dès lors que ce pouvoir de sanction est aménagé de telle façon que soient assurés le respect des droits de la défense, le caractère contradictoire de la procédure et les principes d’indépendance et d’impartialité. ».
À cet égard, il juge notamment que la loi organise « une séparation fonctionnelle des fonctions de poursuite et de sanction » au sein de l’Arcep et que l’avis rendu par l’Autorité sur les propositions d’engagements formulées par les opérateurs sur le fondement de l’article L. 33-13 du CPCE ne conduisait pas les membres de son collège à préjuger d’un manquement de l’opérateur à ses engagements « dont il appartiendra, le cas échéant, à la formation RDPI (…) d’apprécier la suite à donner dans le cadre d’une procédure de contrôle du respect de ces engagements ». Il en conclut que « le grief tiré de la méconnaissance des principes d’indépendance et d’impartialité qui s’imposent aux autorités administratives indépendantes dans l’exercice de leurs compétences ne peut être regardé comme sérieux ».
Le Conseil d’Etat note également que les engagements pris au titre de l’article L. 33-13 du CPCE étant « librement souscrits par les opérateurs, qui se placent volontairement dans une situation différente de ceux qui ne se sont pas engagés, les griefs tirés d’une atteinte à la liberté d’entreprendre et au principe d’égalité ne peuvent qu’être écartés ».
Le Conseil d’Etat valide la décision de mise en demeure de l’Autorité
Confirmant l’objet et la portée des engagements de la société Orange, le Conseil d’Etat souligne en particulier que cette dernière s’est engagée « sur la couverture de l’ensemble des locaux existants au sein d’un périmètre donné, à l’échelle de chaque commune et pour des communes déterminées, dont elle a donné la liste ». De plus, il considère que, pour apprécier le respect des engagements, l’Autorité « n’était pas tenue d’utiliser les données produites par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et sur lesquelles la société Orange s’était appuyée à titre indicatif pour estimer le nombre de locaux raccordables », et était fondée à « faire usage des données issues du fichier d’échange comportant les « informations préalables enrichies » (IPE), émanant des opérateurs chargés du raccordement des immeubles à la fibre optique ».
En outre, rappelant que la société Orange devait, au plus tard le 31 décembre 2020, avoir rendu raccordables ou raccordables sur demande 100% des logements et locaux à usage professionnel du périmètre des communes concernées ses engagements[1], avec au plus 8% de ces logements ou locaux raccordables sur demande, et relevant que « la société Orange n’a pas respecté ses engagements dans un certain nombre de communes », le Conseil d’Etat confirme la décision de mise en demeure de l’Autorité.
Enfin, le Conseil d’Etat rappelle que les mises en demeure prononcées par la formation RDPI de l’Autorité n’ont pas le caractère d’une sanction.
[1] Sauf pour les logements et locaux pour lesquels un refus aurait été opposé par les propriétaires
Le fonctionnement du Collège de l’Arcep : trois formations distinctes pour exercer les différentes compétences de l’Arcep
• La formation plénière rassemble les sept membres du collège ;
• La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction (dite « RDPI ») composée de quatre des sept membres du collège (dont le président) a la responsabilité de se prononcer sur les règlements de différends, d’ouvrir une procédure d’instruction préalable, mettre en demeure et notifier les griefs ;
• La formation restreinte (dite « de sanction »), composée des trois autres membres du collège, est chargée de prononcer (ou non) une sanction.