Paris, le 20 septembre 2012
Le Parlement, par la loi du 22 mars 2011, a demandé à l'ARCEP de faire le point sur la neutralité de l'internet. L'ARCEP remet aujourd'hui, au Parlement et au Gouvernement, son rapport sur cette question.
L'Autorité y procède à une analyse des enjeux techniques et économiques, décrit les compétences dont elle dispose et précise les travaux qu'elle met en œuvre pour veiller au respect de la neutralité de l'internet. L'action de l'ARCEP est également mise en perspective avec les travaux européens de l'ORECE, auxquels l'Autorité prend une part importante.
Internet est un bien collectif auquel les citoyens, les acteurs économiques et les acteurs publics sont très attachés. L'accroissement continu de ses usages et le financement des investissements accompagnant l'augmentation des capacités et le déploiement progressif de nouveaux réseaux à très haut débit fixe et mobile, soulèvent des problématiques d'ordre technique et économique. C'est dans ce contexte que le débat sur la neutralité de l'internet s'est développé : comment concilier les principes fondamentaux (ouverture, liberté) de l'internet avec sa croissance et la préservation de la qualité de l'accès aux services qu'il propose ?
Dès septembre 2010, l'Autorité a publié dix propositions visant à définir un équilibre pérenne, neutre et de qualité pour le fonctionnement de l'internet, assorti d'outils destinés à veiller au respect de cet équilibre et à le garantir si nécessaire.
L'Autorité avait ainsi indiqué, en 2010, que ses propositions ouvraient un cycle de travaux et de suivi des pratiques des acteurs de l'internet qui se déroulerait de façon ouverte et concertée, en y associant l'ensemble des parties prenantes. Les chantiers lancés, et sur lesquels le Parlement a interrogé l'ARCEP, concernent la transparence, la qualité de service, la gestion de trafic et l'interconnexion.
Il convient d'abord de rappeler qu'un marché dynamique et concurrentiel, à même de discipliner les FAI, est une condition nécessaire pour qu'existent des offres d'accès à l'internet de qualité, respectueuses du principe de neutralité. La transparence sur les offres proposées, c'est à dire la fourniture au consommateur d'une information claire, pertinente et compréhensible sur les services offerts, leur qualité et leurs limitations, doit encore s'améliorer. L'ARCEP co-anime, avec les administrations chargées des communications électroniques et de la consommation, un groupe de travail réunissant les acteurs du secteur, dont les travaux devraient se conclure début 2013.
La concurrence et la transparence ne sont toutefois pas toujours suffisantes. Afin de veiller au bon fonctionnement de l'écosystème et du respect des principes énoncés en 2010, d'autres travaux ont été engagés par l'ARCEP.
En premier lieu, afin de mettre en place un observatoire de la qualité du service d'accès à l'internet, l'ARCEP va adopter, avant la fin 2012, une décision fixant précisément les indicateurs qui devront être mesurés et publiés pour les réseaux fixes, en complément des mesures déjà réalisées sur les réseaux mobiles. Un tel observatoire permettra de comparer les performances des réseaux, de renforcer l'émulation entre opérateurs et, dans une démarche préventive, de s'assurer que la qualité de service ne se dégrade pas. L'Autorité dispose désormais également de la possibilité de fixer des exigences minimales de qualité de service, si cela s'avère nécessaire.
En deuxième lieu, l'ARCEP a recensé les pratiques de gestion de trafic (ralentissement, blocage ou priorisation de flux). Sous l'effet notamment de la concurrence, l'ARCEP observe une diminution régulière de l'intensité de ces pratiques, en particulier sur les réseaux mobiles. Mais certaines pratiques sont encore contraires au cadre établi en 2010 qui comportait cinq critères d'appréciation. L'ARCEP appelle notamment à la disparition progressive des blocages sur les réseaux mobiles (voix sur IP, peer-to-peer). Si l'évolution du marché n'est pas satisfaisante, le législateur a doté l'ARCEP de compétences qui lui permettront d'intervenir.
Enfin, le modèle économique de l'interconnexion, c'est-à-dire des relations entre acteurs de l'internet, évolue progressivement, donnant parfois lieu à des tensions, et doit être mieux cerné. A ce stade, l'analyse de l'ARCEP la conduit à estimer que le fonctionnement du marché n'appelle pas de renforcement du cadre réglementaire. La collecte régulière d'information, prévue par la décision de l'Autorité du 29 mars 2012, a produit ses premiers résultats cet été, et permet à l'Autorité de suivre précisément ces tendances, de les analyser et d'en tirer des conséquences pour son action.
Parallèlement, l'ARCEP est attentive au rôle particulier que jouent les fournisseurs de contenus et les fabricants de terminaux dans la préservation du principe de neutralité. Ces aspects ne relevant généralement pas de ses compétences, l'Autorité se borne à faire des recommandations.
La démarche de l'ARCEP se veut ainsi progressive : tout d'abord par le recours à des actions immédiates et préventives en faveur de la concurrence et de la transparence et l'explicitation de la grille d'analyse de l'Autorité ; ensuite par la possibilité pour les acteurs de l'internet, opérateurs ou fournisseurs de contenus et d'applications, de saisir l'Autorité d'un différend, en particulier en matière de gestion de trafic et d'interconnexion ; enfin par la capacité à prendre des décisions prescriptives dans le cas où une dégradation générale ou discriminatoire de la qualité de service serait constatée.
Il appartient désormais au Parlement et au Gouvernement de déterminer les suites qu'ils souhaitent donner à ce rapport.
Ce rapport a été établi à la suite de nombreuses auditions et d'une consultation publique qui s'est tenue en mai et juin 2012. Le rapport, en français et en anglais, peut être téléchargé sur le site de l'Autorité.