Paris, le 26 octobre 2017
Le Sénat saisit pour avis l’Arcep dans un contexte de questionnement fort des ambitions de connectivité pour la France et des moyens de les atteindre.
Le Sénat, par la voix de son Président M. Gérard Larcher, et de celles de MM. Jean-Claude Lenoir et Patrick Chaize, a saisi l’Autorité en août dernier pour connaître son appréciation sur les conditions de modernisation des infrastructures de communications électroniques et de couverture numérique des territoires. Plus spécifiquement, le Sénat a interrogé l’Arcep sur les questions suivantes :
- les conditions de l’atteinte des objectifs annoncés par le Président de la République (et notamment l’utilisation de solutions technologiques complémentaires à la fibre) ;
- la faisabilité, le coût et les conséquences des propositions de SFR de « fibrer la France » sur les orientations retenues jusqu’alors pour le déploiement des réseaux (notamment ceux déployés à l’initiative des collectivités territoriales) ;
- les effets sur la concurrence entre opérateurs de ces différentes évolutions.
La demande d’avis du Sénat arrive dans un moment particulièrement fort, marqué par le double contexte, d’une part, de questionnement du bien-fondé du cadre de déploiement des réseaux FttH par certains acteurs et, d’autre part de volonté des pouvoirs publics d’accélérer la couverture numérique en haut débit et très haut débit de l’ensemble du territoire.
L’Arcep partage pleinement l’impérieuse nécessité d’accélérer la couverture numérique des territoires, tant dans un objectif de cohésion que de compétitivité. Elle encourage à penser les politiques publiques d’aménagement numérique du territoire en s’appuyant sur la convergence des réseaux fixes et mobiles.
Bien qu’interrogée en premier lieu par le Sénat sur la problématique de couverture du territoire en réseaux fixes, l’Arcep souhaite souligner l’importance de la couverture mobile. Les réseaux mobiles sont en effet devenus le mode d’accès principal des Français pour communiquer et accéder à internet. L’enjeu de la couverture mobile doit donc être considéré en tant que tel. L’Arcep a proposé d’utiliser l’échéance de réattribution des fréquences pour opérer un changement d’échelle dans son renforcement.
S’agissant de l’objectif de « bon haut débit » pour tous d’ici 2020, l’Autorité invite à s’appuyer sur les choix technologiques qui permettront des réponses rapides sans conduire à éloigner l’arrivée de solutions pérennes, et à privilégier dans ce cadre les synergies pouvant être trouvées avec le déploiement des réseaux mobiles à travers des offres de 4G fixe.
S’agissant de l’objectif de très haut débit, l’Arcep pointe la nécessité d’une forte accélération des déploiements de fibre optique en zone « AMII » pour qu’il puisse être tenu. Pragmatique, l’Autorité suggère un repartage rapide de cette zone.
Les simulations de l’Arcep montrent en effet que le rythme actuel des déploiements d’Orange et de SFR ne permet pas d’envisager la couverture intégrale de la zone « AMII » en 2020, comme ces opérateurs s’y étaient engagés en 2011. Pour y parvenir, Orange doit accélérer son rythme de déploiement trimestriel de plus de 60 %, SFR de plus de 70 %.
Un repartage de la zone AMII entre les opérateurs privés souhaitant investir et assorti d’engagements juridiquement opposables permettrait d’accélérer les déploiements de fibre optique et l’atteinte de de l’objectif de 2020.
L’annonce récente de SFR de fibrer l’intégralité du territoire français –sans subvention publique et, le cas échéant, en redondance avec des déploiements ou projets existants - a retenu toute l’attention de l’Arcep.
Suite à l’appel à manifestations d’intentions d’investissement (AMII) en 2011, une répartition des rôles entre les opérateurs privés et les initiatives des collectivités territoriales s’est mise en place. Des projets ont été montés, mobilisant des financements publics pour compléter l’ambition des opérateurs privés. Le plan France Très Haut Débit est venu confirmer la pertinence de cette articulation public-privé. Pour l’Arcep, la remise en cause de cet équilibre serait préjudiciable à la fois à la dynamique des déploiements, à la prévisibilité et la confiance nécessaire pour libérer l’investissement. Elle serait contraire à une gestion efficace des deniers publics.
A l’inverse, l’Arcep accueille favorablement l’hypothèse d’un territoire qui souhaiterait s’appuyer sur SFR plutôt que de subventionner un projet public, à la double condition que l’opérateur prenne des engagements solides et opposables et que l’opération se fasse en plein accord avec les autorités en charge le cas échéant de projets publics préexistants au titre du plan France Très Haut Débit.
L’Arcep réaffirme la pertinence de la mutualisation des réseaux en fibre optique et du cadre du plan France Très Haut Débit, et fait deux propositions pour renforcer ce modèle et dissuader les duplications inefficaces.
Le cadre réglementaire en vigueur dans les réseaux en fibre (FttH), en incitant à un investissement efficace grâce à la mutualisation, demeure le compromis concurrentiel le plus pertinent entre les opérateurs au bénéfice des consommateurs finals et de la satisfaction des besoins économiques et sociaux de long terme. Pour que ce cadre soit plus incitatif, l’Arcep formule deux propositions dans son avis :
- Encadrer davantage les rythmes de déploiement et la complétude de la couverture, devant répondre aux critères essentiels d’aménagement numérique du territoire ; l’Arcep mettra en consultation publique un projet en ce sens d’ici la fin de l’année ;
- Introduire le statut de « réseau d’aménagement numérique », qui garantirait l’accès à des ressources rares à un opérateur engagé juridiquement à réaliser la complétude sur un territoire étendu.
En tout état de cause, l’Autorité restera très attentive au respect de l’esprit et des principes du cadre réglementaire sur le déploiement de la fibre optique et ne se résoudra pas à voir apparaitre des déploiements non vertueux qui vont à l’encontre de tout bon sens économique et ce au détriment des territoires et des utilisateurs finals.
L’Arcep invite enfin à veiller à la robustesse technique et économique des réseaux déployés sous maitrise d’ouvrage publique sur lesquels reposera l’utilisation du numérique pour les prochaines décennies.
En outre, l’Arcep insiste sur la question essentielle de l’appétence des co-investisseurs à venir sur ces réseaux, ce qui suppose des conditions d’accès avec de la prévisibilité de long terme.
Les documents associés
→ Avis n° 2017-1293 de l’Arcep en date du 23 octobre 2017 rendu à la demande du Sénat et portant sur la couverture numérique des territoires
(pdf - 1.40Mo) → Audition par la Commission des affaires économiques et la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de Sébastien Soriano, président de l'Arcep et de Pierre-Jean Benghozi, membre du collège de l'Arcep, sur la couverture numérique du territoire (25 octobre 2017) / L'audition