Paris, le 7 octobre 2015
La saisine gouvernementale de l’ARCEP
La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques promulguée le 6 août dernier a modifié en profondeur l'article L 32-1 du code des postes et des communications électroniques, et a introduit la possibilité pour les ministres chargés des communications électroniques et des postes de saisir l'ARCEP sur toute question relevant de sa compétence. Si les commissions parlementaires pouvaient déjà consulter l’avis de l'ARCEP sur toute question relevant de sa compétence, le Gouvernement ne pouvait auparavant consulter l'ARCEP qu'en saisissant l'Autorité sur un projet de texte législatif ou réglementaire. Emmanuel Macron, ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, a ainsi sollicité l'avis de l'ARCEP sur la structure actuelle de l’usage de la bande passante des réseaux d’accès à internet sur le territoire français, ainsi que sur les modalités de mesure de cette dernière (avis rendu le 7 juillet, objet du présent communiqué). Cette première saisine a été effectuée en anticipation du nouveau cadre précité, que la loi est venue confirmer. D'autres demandes d'avis sont intervenues depuis lors.
Dans l'ensemble, ces analyses et expertises indépendantes ont vocation à être rendues publiques, le cas échéant expurgées des éléments couverts par le secret des affaires. Pour autant, ces avis peuvent porter sur des points techniques précis permettant d'éclairer des travaux gouvernementaux en cours, et le collège de l'Autorité a souhaité laisser un délai de trois mois aux commanditaires (sauf avis contraire de leur part) pour s'approprier ses conclusions avant publication.
L’avis de l’ARCEP sur la structure de l’usage de la bande passante des réseaux d’accès à internet sur le territoire français
Dans le cadre précité, l’ARCEP rend aujourd’hui public son avis du 7 juillet 2015 portant sur la structure de l’usage de la bande passante des réseaux d’accès à internet sur le territoire français ainsi que sur la possibilité et les moyens de recueillir un ensemble d’informations permettant une connaissance précise de la nature et de l’origine de ces flux. Cette contribution aux réflexions du Gouvernement ne porte pas sur l’utilisation ultérieure qui pourrait être faite des résultats de mesure.
Les conclusions de l'avis sont les suivantes :
Mesurer le trafic sur internet est une tâche rendue complexe par la diversité des modalités d’acheminement de ce trafic. Pour parvenir jusqu’à l’utilisateur final, les paquets IP peuvent en effet emprunter plusieurs routes différentes, plus ou moins directes, au cours d’un même échange. Ces routes traversent de multiples réseaux et peuvent reposer sur des serveurs cache (où une version du contenu sollicité est stockée) plus ou moins proches de l’utilisateur final.
Il n’existe par ailleurs pas de méthode univoque, infaillible ou exhaustive permettant d’associer un trafic à un service. La nature du trafic est en effet multiple – vidéo (linéaire ou à la demande), téléphonie, fichiers, sites internet, etc. – et l’internet est caractérisé par une décorrélation forte entre les contenus, services et applications, d’une part, et les réseaux qui en assurent la diffusion de manière majoritairement indifférenciée, d’autre part. L’identification du type de service transporté nécessite donc une analyse en profondeur des flux, qui peut, en plus de soulever des questions en matière de protection des données personnelles, être rendue inopérante par le chiffrement des données émises.
Ces limites sont intrinsèques au fonctionnement d’internet, mais elles représentent aussi sa force puisqu’elles assurent à la fois sa résilience et son caractère ouvert.
C’est dans ce contexte que l’Autorité a évalué différentes options de mesures de la bande passante sur internet. Ces options ont été évaluées au regard des critères suivants : faisabilité technique, coût et complexité raisonnable de mise en œuvre, fiabilité, complétude, caractère certifiable des résultats obtenus et ce, dans le respect des principes de neutralité de l’internet et de secret des correspondances.
En termes de niveau d’analyse, l’Autorité estime que la relève du volume de données écoulées sur un lien donné grâce au protocole SNMP permet d’obtenir des résultats fiables et certifiables, avec une relative simplicité́ de mise en œuvre, en comparaison des analyses de type Netflow/IPFix et Deep packet inspection (DPI).
En termes de point de mesure dans le réseau, l’Autorité considère qu’appliquer cette méthode (relève du volume grâce au protocole SNMP) au niveau des interconnexions serait raisonnable sur un plan technique et économique pour les fournisseurs d’accès à l’internet (FAI).
Ce type de mesure présenterait néanmoins deux limites :
· - d’une part, s’agissant d’un simple comptage des paquets écoulés, le flux est identifié comme provenant du partenaire d’interconnexion. Il s’agit donc dans le cas général d’un intermédiaire technique (transitaire, Content delivery network, etc.) et non d’un éditeur de service ;
- d’autre part, la mesure étant effectuée aux points d’interconnexion, elle ne permet pas de tenir compte des volumes de trafic acheminé dans des conditions particulières telles que la diffusion multicast, l’échange pair-à-pair entre deux abonnés d’un même FAI et la transmission depuis un centre d’hébergement en propre ou un serveur interne au réseau du FAI.
Il ressort de ce qui précède qu’il existe un risque que la mise en place éventuelle d’un dispositif de mesure incite certains acteurs à mettre en œuvre des techniques de contournement. Hormis pour le trafic pair-à-pair, qui ne saurait être associé à un service.
Les documents associés
L'avis de l'ARCEP (pdf - 859Ko)
La version anglaise de l'avis de l'ARCEP (pdf - 730Ko)