Paris, le 11 octobre 2012
Le Premier ministre a demandé, le 21 août 2012, aux ministres chargés des communications électroniques et de l'audiovisuel de conduire une réflexion sur l'évolution, à l'ère d'internet, de la régulation dans ces deux secteurs, en s'appuyant sur les positions de l'ARCEP et du CSA. Le collège de l'ARCEP a indiqué, fin août, qu'il participerait activement à cette réflexion.
Après avoir entendu de nombreux acteurs des secteurs des communications électroniques, de l'audiovisuel et de l'internet, le collège de l'ARCEP a établi, à l'unanimité, le mardi 2 octobre, la position qu'il retient à ce stade de la réflexion et l'a transmise au Gouvernement. En accord avec le Premier ministre, l'ARCEP rend publique aujourd'hui cette position.
Suivant l'esprit de la démarche à laquelle invitait le Premier ministre pour mener à bien cette réflexion, l'Autorité estime qu'il convient de s'interroger, en premier lieu, sur les transformations à l'œuvre dans les secteurs de l'audiovisuel et des communications électroniques, afin d'en déduire, dans un second temps, les modifications à apporter aux objectifs de la régulation des secteurs concernés et enfin de définir les éventuelles réformes institutionnelles permettant d'y répondre efficacement.
La principale question est assurément celle de la nécessaire adaptation de la régulation de l'audiovisuel, telle qu'elle a été conçue en 1986 et qui était fondée sur une triple "exception audiovisuelle" caractérisée par des réseaux hertziens spécifiquement consacrés à la diffusion audiovisuelle, par la notion de programmes audiovisuels et par la spécialisation des terminaux (les téléviseurs).
La numérisation de l'ensemble des contenus audiovisuels, permettant leur diffusion sur l'ensemble des réseaux de communications électroniques, de moins en moins par voie hertzienne terrestre et de plus en plus via internet, la délinéarisation croissante des programmes et la multiplication des terminaux (ordinateurs, tablettes, smartphones, téléviseurs connectés ou pas...) remettent en cause les trois fondements de la régulation actuelle. Cela modifie, en outre, le partage de la valeur, au bénéfice de nouveaux acteurs, fournisseurs de contenus et d'applications et fabricants de terminaux, intervenant aux deux extrémités de ces réseaux.
Face à ce constat, il appartient au Gouvernement et au Parlement de définir les contours d'une nouvelle régulation de l'audiovisuel. Trois principales hypothèses semblent envisageables :
- soit conserver une forte régulation des contenus audiovisuels, dans l'esprit de l'exception culturelle, mais assise sur de nouveaux fondements prenant en compte les bouleversements liés à internet ;
- soit promouvoir une régulation modernisée des contenus audiovisuels tout en renforçant sa dimension économique ;
- soit, enfin, privilégier une régulation principalement économique des acteurs de l'audiovisuel.
Dans le premier cas, les missions et les métiers du régulateur de l'audiovisuel et ceux du régulateur des communications électroniques demeureront très différents et le rapprochement des deux autorités ne trouve pas de réelle justification. En revanche, il pourrait y avoir intérêt à ce que la loi crée une instance commune aux deux régulateurs, composée de tout ou partie des membres des deux collèges, afin de traiter des sujets d'intérêt commun et disposant d'un pouvoir décisionnel.
Dans le deuxième cas, une spécialisation accrue des deux autorités pourrait constituer une réponse adaptée : l'ARCEP assurerait la régulation technico-économique des deux secteurs et le CSA la régulation des contenus audiovisuels, conformément à la préconisation faite en 2008 par la commission sur la libération de la croissance, présidée par Jacques Attali.
Dans le troisième et dernier cas, les missions et les métiers des régulateurs de l'audiovisuel et des communications électroniques deviendraient assez similaires et leur fusion pourrait avoir un sens. Il serait de plus souhaitable que l'autorité ainsi créée puisse disposer, dans son domaine d'action, des moyens du droit de la concurrence et intègre tout ou partie des missions de gestion du spectre hertzien aujourd'hui confiées à l'Agence nationale des fréquences. On se rapprocherait ainsi du modèle britannique, l'OFCOM.
Dans les trois cas de figure, la composante de la régulation de l'audiovisuel relevant de l'exception culturelle dépendrait notamment des conclusions de la mission confiée à Pierre Lescure et des conclusions que le Gouvernement et le Parlement décideront d'en tirer.
Quel que soit le choix retenu par le Gouvernement et le Parlement, il devra s'attacher à promouvoir la liberté de communication sur les réseaux, dans l'esprit même de la loi de 1986 et de la loi de 1989 instituant le CSA, et à respecter le principe de neutralité de l'internet qui en est l'un des fondements et qui est au cœur de l'action de l'ARCEP.
Telle est l'analyse faite, à ce stade, par le collège de l'ARCEP et transmise au Gouvernement.