En 2016, l’Arcep a établi une feuille de route stratégique, annonçant un nouveau mode de régulation « par la donnée ». Au cœur de ce nouveau mode de régulation, une conviction : pour exercer sa mission à « l'âge de la multitude », l’Arcep doit être à l'écoute des utilisateurs, associations, acteurs de terrain et leur donner, par une information pointue et sur mesure, les moyens de peser sur le secteur.
A l’occasion de nouvelles mises à jour de Mon réseau mobile, avec l’enquête annuelle de qualité de service mobile et la publication des premières cartes de couverture intégrant l’exigence de fiabilité à 98% (contre 95% précédemment), l’Arcep a souhaité revenir sur cinq années de régulation par la donnée.
Mon réseau mobile, Carte fibre, Ma connexion internet : armer les consommateurs dans leurs choix
Les chantiers de régulation par la donnée se sont dirigés prioritairement sur les questions de couverture et de qualité des réseaux télécoms, sur lesquels l’Arcep a constaté un manque d’information des utilisateurs lors d’une étude réalisée en 2016. Il est dès lors apparu nécessaire de donner les moyens aux utilisateurs de pouvoir juger de la qualité des réseaux afin que ceux-ci puissent prendre ce critère en considération dans les choix qu’ils opèrent. Cette action contribue ainsi à renforcer le cycle de monétisation de l'investissement, qui stimule la concurrence, pour que celle-ci ne se concentre pas uniquement sur les prix.
Ainsi, les sites cartographiques « Mon réseau mobile », « Carte fibre » et « Ma connexion internet » sont venus compléter les outils traditionnels du régulateur et mettre à disposition des utilisateurs, des associations de consommateurs et de la société civile des informations qui répondent à leurs besoins.
La mise en ligne des outils cartographiques ont permis de répondre au besoin d’un nombre toujours croissant d’utilisateurs : le site Carte fibre, référence nationale sur le déploiement de la fibre optique par tous les acteurs, a été consulté par 4 100 000 visiteurs en trois ans, Mon réseau mobile a lui été visité par 2 000 000 de visiteurs, Ma connexion internet a reçu 150 000 visiteurs dans les 4 premiers jours après son lancement en avril 2020.
Attentive aux interpellations des utilisateurs, l’Autorité a cherché à interagir avec eux pour faire évoluer ces outils et les adapter à leurs besoins. A la poursuite de cet objectif, peuvent notamment être citées les actions suivantes :
- Multiplication des mesures : l’Arcep a mis en place une enquête de qualité de service mobile renforcée et ainsi réalisé chaque année plus d’un million de mesures dans des conditions d’usages représentatifs (axes de transports, ruralité, lieux touristiques, téléchargement de page web, streaming vidéo, etc.).
- Démarche de co-construction : pour améliorer la version bêta de Ma connexion internet et a bénéficié du retour d’expérience de plus d’une centaine d’utilisateurs : collectivités locales, préfectures, opérateurs, entreprises (aide au déménagement, connectivité en télétravail).
- Ouverture à des données tierces : pour compléter les données collectées par le régulateur, l’Arcep a ouvert Mon réseau mobile aux données produites par des collectivités et par SNCF.
Cette appropriation des outils par les collectivités, les utilisateurs, les associations mais aussi les acteurs du secteur des télécoms a démontré l'utilité de poursuivre la démarche et d'enrichir régulièrement ces outils. L’Arcep se félicite en particulier de l’émergence d’outils de mesure tiers, parfois à l’initiative de collectivités, permises à la fois par la mise à disposition de ses données en open-data, et par la publication du « kit du régulateur ».
Donner la parole aux utilisateurs pour les rendre acteurs de la régulation
Dans ce contexte de fortes attentes des Français en matière de connectivité, l’Arcep a souhaité être en prise directe avec le terrain et a évolué d'une logique de simple recueil de plaintes de consommateurs à une démarche visant à rendre les utilisateurs acteurs de la régulation. Cette démarche a pu prendre plusieurs formes :
- La logique d'acte citoyen par le signalement, dans un objectif de détection des signaux faibles, pour penser des réponses systémiques améliorant le fonctionnement du secteur. C’est le but de la plateforme « J’alerte l’Arcep » qui permet à tout un chacun de l'alerter des dysfonctionnements rencontrés dans ses relations avec les opérateurs. La plateforme a permis de recevoir plus de 90 000 signalements en trois ans.
- La coopération avec les associations de consommateurs pour faire de la satisfaction du consommateur, qui a poursuivi son amélioration au cours des dernières années[1], un nouvel aiguillon de l’action du régulateur.
- La coopération avec un projet universitaire en défense de la neutralité du net : l’Autorité a soutenu le développement de Wehe, une application en crowdsourcing qui permet de détecter d’éventuels bridages de flux internet, pour sensibiliser les consommateurs à la neutralité du net, et leur permettre d’alerter le régulateur sur les éventuels bridages.
Accompagner un large écosystème de la mesure de qualité de service internet
La mesure et la publication d’indicateurs de qualité du service d’accès à internet sont l’un des défis de nombreux régulateurs dans le monde. Là où d’autres ont lancé leur propre outil de crowdsourcing, en France, l’Arcep a conduit une démarche innovante de co-construction sur les sujets de qualité de service internet. Elle a ainsi fédéré des outils de mesure, des fournisseurs d’accès à internet et des acteurs académiques afin de permettre aux outils de répondre au mieux aux besoins des consommateurs en termes d’information sur la qualité d’internet. En s'appuyant sur cet écosystème, l’Arcep a publié en octobre dernier une décision visant à mettre en place d’une API implémentée par les opérateurs permettant de caractériser l’environnement de la mesure effectuée par l’utilisateur sur les réseaux fixes. Elle sera accessible aux outils de mesure qui respectent le Code de conduite de la qualité de service internet publié par l’Arcep.
Nourrir un dialogue plus concret avec les élus locaux
Les collectivités jouent un rôle majeur pour améliorer la connectivité. Elles sont « moteur » dans le déploiement du très haut débit fixe (RIP et zones AMII/AMEL). Elles sont également étroitement associées aux programmes gouvernementaux (New Deal Mobile et 4G fixe) d’amélioration de la couverture par le mobile. L'Arcep s'est attachée à outiller ces acteurs dans une logique d'empowerment et de soutien à la dynamique de déploiement des réseaux. La régulation par la donnée met en place des outils qui permettent un diagnostic plus aisé des zones du territoire pour lesquelles la couverture est limitée. Ils peuvent donc également contribuer à l’élaboration de politiques publiques pour combler la fracture numérique.
L’autorité a mis à disposition un « kit du régulateur », pour permettre à des tiers d’organiser des mesures similaires en complément de celles de l’Arcep afin de les intégrer à Mon réseau mobile. D’ores et déjà, les données issues de campagne de mesures menées par quatre collectivités ainsi que de la SNCF, sont intégrées au site.
Une forte progression de la couverture 4G et du déploiement de la fibre
Les outils de régulation par la donnée permettent aujourd’hui de quantifier les répercussions de la régulation pro-investissement de l’Arcep et de la mobilisation inédite du secteur, pour équiper le pays en réseaux performants. Sur le marché mobile, la couverture 4G par les quatre opérateurs est passée de 45% du territoire en janvier 2018 à 76% mi-2020. Sur le marché fixe, la couverture en fibre optique est passée de 4 à 22 millions de lignes portée par des déploiements partout sur le territoire.
L’expertise cartographique de l’Autorité a aussi permis de conduire un groupe de travail avec les associations de consommateur, les opérateurs et les outils de crowdsourcing afin d’encadrer les publications des premières cartes de couverture 5G via un ensemble de recommandations techniques.
Porter une ambition nouvelle en France, en Europe et à l'international
Le développement de la régulation par la donnée engendre, de nouveaux besoins notamment en compétence technique (analyse de données, stockage et gestion de gros volumes de données). Pour relever ce défi, l’Arcep a créé une unité spécifiquement en charge de cette problématique. Celle-ci appuie les équipes métiers par son expertise technique précise et résiliente, et elle est l’interface des interlocuteurs de l’Arcep sur le sujet (DINUM, acteurs de la mesure, autres régulateurs).
Au niveau national, l’Arcep a participé à la consolidation d’une vision commune de la régulation par la donnée à travers la publication d’une note commune de huit autorités de régulation de tous horizons. En Europe, l’Autorité a également travaillé à une vision commune pour exploiter le plein potentiel offert par les données (outil de mesure du BEREC, indicateurs technique de qualité de service, etc.). A l’international, la régulation par la donnée est également reconnue comme un mode d’intervention adapté à l’évolution rapide des technologies. Le réseau francophone des régulateurs, FRATEL, a récemment mis en ligne un site internet sur la mesure de la performance des réseaux mobiles et étudie la faisabilité d’un outil ouvert à ses membres pour représenter les données recueillies en 2020. En outre, l’OCDE a indiqué l’intérêt de la régulation par la donnée dans son dernier rapport sur les perspectives de l’économie numérique (nov 2020) et étudie ses effets sur la régulation des « technologies émergentes ».
[1] Source Médiamétrie, www.arcep.fr/actualites/les-communiques-de-presse/detail/n/regulation-par-la-data-031120.html