A la veille du lancement, mardi, des enchères pour l’attribution des fréquences 5G organisées par l’Arcep, son président, Sébastien Soriano, revient sur les débats parfois emportés que suscite l’arrivée de cette nouvelle technologie. Il estime que la mission de régulateur du secteur exercée par le gendarme des opérateurs doit maintenant s’étendre aux enjeux environnementaux et sociétaux.
Le numérique doit devenir un débat politique, répétez-vous… Avec les empoignades actuelles sur la 5G, vous voilà servi, non ?
On y est, même si la tournure qu’il prend nous bouscule, en démontrant que les arguments techniques et économiques traditionnels s’usent. Mais je trouve ce débat très sain. Avec des technologies qui façonnent nos vies de manière de plus en plus prégnante, il me semble légitime et utile qu’il ait lieu.
Pourquoi s’est-il cristallisé sur la 5G ?
Si l’on peut difficilement arrêter l’intelligence artificielle, on peut très bien en revanche ne pas déployer des antennes 5G. Les réseaux de télécommunications, c’est quelque chose de bien réel, d’ancré sur le territoire, et on voit mieux par quels moyens s’y opposer. La 5G est apparue comme une technologie critique, avec des enjeux économiques et géopolitiques impliquant de grands acteurs privés et étatiques. Le rôle de la Chine et de son géant du secteur Huawei, très avancé dans la 5G, la riposte de Donald Trump et toutes les interrogations autour de la surveillance et de la souveraineté numérique… tout cela a contribué à nourrir une réaction citoyenne sur le mode «Et nous dans tout ça ?». L’époque où ces questions étaient confisquées par les forces du marché et les Etats est terminée. Il y a une exigence démocratique d’interroger ces choix technologiques au-delà de la régulation classique des marchés et de remettre en cause les modes de décision.
Comment l’Arcep se situe-t-elle dans ce cadre ?
L’Arcep n’est plus sur la ligne techno-enthousiaste dans laquelle, pour des raisons historiques, elle a été l’accompagnateur, voire l’émulateur du déploiement de ces réseaux. Plus de technologie n’est pas toujours synonyme de progrès, et notre rôle est désormais d’accompagner cette discussion.
Propos recueillis par Christophe Alix et Jérôme Lefilliâtre
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