"Avant de vous laisser la parole pour des échanges, je voudrais dire quelques mots en conclusion, d’abord pour remercier les équipes de l’Arcep pour leur présentation mais aussi pour leur travail, pour leur engagement, devrais-je dire, tout au long de l’année, pour contrôler l’Etat de l’Internet en France, en tous cas pour contrôler les parties qui sont du ressort de l’Arcep, afin que les réseaux continuent de se développer comme un bien commun.
Vous le savez : les réseaux comme bien commun, c’est au cœur du manifeste de l’Arcep, et c’est incarné par le travail quotidien des équipes pour veiller à cet objectif. Je les en remercie.
Dans la présentation qui vient d’être faite, je veux mettre en lumière la multiplication des chantiers ouverts sur la prise en compte des impacts environnementaux du numérique comme nouvel axe de régulation : c’est une volonté de l’Arcep, du collège, des équipes et aussi du Parlement qui nous a confié de nouvelles compétences, notamment celle de collecter des données environnementales au-delà des seuls opérateurs. D’ici fin 2023, nous publierons une nouvelle édition de l’enquête annuelle « pour un numérique soutenable », avec une collecte de données élargie aux fabricants de terminaux et aux centres de données.
Cet enjeu montre bien qu’Internet, ce ne sont pas que les réseaux…
L’Arcep a alerté depuis plusieurs années maintenant, sur la nécessité de réguler au-delà des acteurs des réseaux, afin de garantir véritablement un Internet ouvert, afin de garantir le libre choix du consommateur dans les applications qu’ils souhaitent utiliser, et afin de garantir aussi des conditions équitables, loyales et transparentes aux entreprises voulant offrir des services sur Internet. L’Arcep avait notamment publié un rapport dès 2018 montrant comment des géants de l’Internet faisaient du terminal mobile un maillon faible de l’Internet ouvert.
Aussi l’Arcep accueille donc avec beaucoup d’intérêt, l’ensemble des nouveaux textes européens en matière de régulation économique du numérique, et s’implique fortement au sein du Berec, pour contribuer à la réflexion sur ces sujets.
Que ce soit le Digital Markets Act, le Data Governance Act ou le Data Act, tous ces règlements européens visent à déverrouiller et à ouvrir les écosystèmes du numérique, afin de permettre plus d’innovations, plus de liberté de choix des consommateurs et aussi faciliter l’émergence de nouveaux acteurs. C’est une culture de régulation que nous connaissons bien à l’Arcep, puisque c’est celle qui motivait l’ouverture du marché à la concurrence du secteur des télécommunications en 1997.
Dans ce nouveau cadre, l’Arcep entend pleinement jouer son rôle de régulateur technico-économique du numérique.
Après le Digital Markets Act, qui a vocation à rétablir un jeu équitable pour lutter contre certaines pratiques potentiellement anti-concurrentielles des grandes plateformes numériques (par exemple les moteurs de recherche, les magasins d’applications de smartphone, les places de marché en ligne), la Commission européenne a l’ambition de déverrouiller les écosystèmes de la donnée, avec l’adoption du Data Governance Act, en 2022 et la proposition du Data Act, qui vient de faire l’objet d’un accord politique et devrait être prochainement adoptée, formellement.
Ces textes sont essentiels, car les données numériques, qu’elles soient celles des citoyens ou des entreprises européens structurent aujourd’hui tous les écosystèmes numériques : elles permettent la personnalisation de tous les services en ligne que nous utilisons, la suggestion ciblée de nouveaux services, l’aide au diagnostic médical, l’adaptation de l’apprentissage aux profils des apprenants… mais aussi une compréhension plus fine des processus industriels et économiques permettant d’améliorer la productivité des entreprises ou l’optimisation des ressources, une automatisation de certaines tâches ou le développement de solutions innovantes pour prendre en compte les enjeux environnementaux. Les données sont en quelque sorte le carburant de l’innovation numérique. Et il existe aujourd’hui des déséquilibres très importants dans l’accès aux données.
Afin que la donnée œuvre pleinement au bénéfice de tous, qu’elle contribue au plein potentiel d’innovation et de dynamisme économique, il est aussi indispensable de la « libérer », de faciliter son partage dans des conditions de confiance pour nos concitoyens et nos entreprises.
Le projet de loi « Sécuriser et réguler l’espace numérique », en cours de discussion au Sénat prévoit de confier à l’Arcep la régulation des prestataires de services d’intermédiation de données, au titre de la transposition du Data Governance Act, ainsi que l’édiction des normes d’interopérabilité et de portabilité des services cloud, et le contrôle de leur mise en œuvre par les acteurs, en anticipation de la déclinaison du Data Act.
Nous accueillons ce choix très favorablement, et nous sommes motivés à progressivement devenir le régulateur économique du numérique. Notre culture de régulation en faveur de l’ouverture d’écosystèmes numériques nous permettra d’accompagner de nouvelles dynamiques de marché et de soutenir l’innovation, tout en veillant au respect par les acteurs concernés des obligations de ces textes.
Nous aurons à cœur d’associer toutes les parties prenantes, et notamment les acteurs régulés, dans la construction du nouveau cadre réglementaire découlant de ces textes, de la même façon que nous le faisons sur chacun des secteurs économiques que nous régulons.
Je vous remercie"
Laure de Raudière, présidente de l'Arcep
Pour aller plus loin
• Voir l'intervention de la présidente en vidéo (début à partir de la 33ème minute)