Mesdames, Messieurs,
Je vais commencer mes propos par des remerciements : d’abord à l’ensemble des intervenants aux tables-rondes. Elus, représentants de l’Etat, opérateurs, représentants de la filière, vous avez été nombreux ce matin à montrer votre implication dans l’aménagement numérique des territoires.
Merci aussi aux membres du collège pour l’animation des différentes parties de cette matinée. Et permettez-moi aussi de remercier les équipes qui ont préparé avec un grand professionnalisme l’évènement d’aujourd’hui tant sur le fond que sur l’organisation logistique. Merci beaucoup !
Cette conférence annuelle est un moment fort pour nous, d’échanges et de rencontres autour de l’enjeu majeur de disposer d’un accès à Internet, de qualité, par tout et pour tous. C’est devenu une exigence des utilisateurs. La crise sanitaire a rendu cette évidence encore plus prégnante, tant la transition numérique s’est accélérée du fait des confinements, de la limitation des transports et des réunions physiques. Cet enjeu se trouve au cœur des objectifs de régulation portés par l’Arcep.
Alors où en est-on ?
Quels sont les challenges encore devant nous ?
Et quels sont les nouveaux chantiers qui s’invitent au sein de l’Arcep ?
J’ai l’impression après avoir écoutés les interventions ce matin, et en comparaison à la situation d’il y a quelques années, que les effets bénéfiques du plan France Très Haut Débit et du New Deal se ressentent, et particulièrement dans les territoires les plus ruraux, et que même s’il reste encore des zones mal couvertes, la couverture numérique à Très Haut Débit s’améliore.
Cela se traduit aussi dans les chiffres, puisque la fibre a été déployé pour 75% des locaux en France, que la 4G est disponible sur presque la totalité des sites Mobiles, et que 1575 nouveaux sites quasiment tous quadri opérateurs ont été mis en service au titre du dispositif de couverture ciblée. Ce sont des progrès indéniables en quelques années… Et si le New Deal est aujourd’hui considéré par la grande majorité des acteurs comme une réussite, c’est sans conteste parce que les élus ont été associés dans le choix des zones à couvrir par les obligations des opérateurs. Ce changement de paradigme dans le déploiement de la couverture mobile, voulu par l’Etat et l’Arcep en 2018, accepté par les opérateurs porte aujourd’hui ses fruits.
Ce n’est pas uniquement une question d’attractivité, et je fais référence aux propos très juste de la sénatrice d’Ille-et-Vilaine, Françoise Gatel. J’avais l’habitude depuis très longtemps, que si l’on je s’attaquait pas à ce sujet de la fracture numérique, alors nous vivrions un nouvel exode rural… Heureusement, ce n’est pas le cas, et l’on voit sur tous les territoires une planification du déploiement du Très Haut débit, de la fibre.
Ce sont des investissements très importants réalisés par les opérateurs, avec un nouveau record de près de 15 Milliards d’euros dans les réseaux en 2021, et je tiens à saluer cet effort dont une grande partie concourt effectivement aux objectifs d’aménagement numérique du territoire.
Ce sont aussi des investissements très importants faits par la puissance publique Etat et collectivités.
Je voudrais aujourd’hui reconnaître cet engagement et cette mobilisation de tous pour apporter ce service essentiel qu’est l’accès Internet à Très Haut Débit, aux Français.
Concernant le mobile, nous veillons au respect par les opérateurs des obligations souscrites au moment du New Deal ou de l’attribution des fréquences 5G. Et suite aux échanges avec les élus, nous avons décidé d’enrichir les cartes de couverture, pour qu’elle représente le mieux possible l’expérience de l’utilisateur final. Cette nouvelle édition sera mise en ligne prochainement.
Concernant le déploiement de la fibre, nous faisons face aujourd’hui à deux challenges principaux, si l’on s’intéresse à la satisfaction des utilisateurs :
- Le premier challenge, c’est d’assurer la fin des déploiements, qu’il s’agisse des zones d’initiative privée – où nous constatons un fort ralentissement des déploiements pour les zones AMII par exemple – ou des zones d’initiative publique – où la progression est la plus forte actuellement. L’Arcep est et restera vigilante sur les respects des obligations de complétude par les opérateurs d’infrastructure. C’est d’autant plus important dans la perspective de la fermeture du réseau cuivre, qui ne peut avoir lieu que lorsque les déploiements sont complets.
- Le deuxième, c’est d’assurer la qualité de service de la nouvelle infrastructure. Je me suis déjà exprimée plusieurs fois sur ce sujet, tant les alertes que l’Arcep reçoit de la part d’élus ou directement de citoyens, relatent des situations inacceptables de débranchements sauvages, de dégradations des infrastructures ou de jeu de « ping-pong » entre l’opérateur d’infrastructure et l’opérateur commercial pour savoir qui est responsable pour dépanner un client privé d’Internet parfois pendant des semaines.
Le réseau FttH est devenu la nouvelle infrastructure de référence. Plus de la moitié des raccordements fixes à Internet sont réalisés aujourd’hui sur cette technologie. Avec la fermeture commerciale à l’adresse du réseau cuivre, fin septembre, ce sont 19 millions de locaux où seuls des abonnements à la fibre sont commercialisés… La qualité du réseau FttH est donc indispensable / incontournable. C’est un chantier prioritaire pour l’Arcep, chantier que nous animons depuis plus de 2 ans, toutes les six semaines, au sein du groupe de travail « exploitation ».
Les différents opérateurs et acteurs de la filière se sont engagés à mettre en œuvre un plan d’action « Qualité », à la suite de la demande conjointe du gouvernement et de l’Arcep. Tous les élus présents sont impatients de voir une déclinaison concrète de ce plan d’action sur leur territoire.
Si le déploiement des différents outils de contrôle des interventions est maintenant bien planifié chez l’ensemble des opérateurs, il convient que les opérateurs finalisent leur plan concernant la formation et la certification des techniciens d’intervention. Si l’Arcep comprend bien l’intérêt d’avoir recours à l’auto-certification qui permet d’avancer rapidement, il nous parait nécessaire de s’inscrire dès à présent dans une perspective de certification par un tiers, en fixant une échéance pour sa mise en œuvre.
Au-delà de ces actions qui concernent l’ensemble des opérateurs et l’ensemble des réseaux, la collecte d’indicateurs de qualité de service mise en place depuis un peu plus d’un an nous a aussi permis d’identifier certains réseaux qui concentrent les difficultés, les alertes des utilisateurs et des élus. L’Arcep a demandé aux opérateurs d’infrastructure concernés un plan de reprise de ces réseaux. Ces actions de reprise devraient permettre d’améliorer sensiblement la qualité, et par conséquence, la satisfaction des utilisateurs de la fibre sur les territoires.
Soyez assurés de mon engagement, et de l’engagement de l’Arcep, pour que l’objectif de disposer d’un accès Internet de qualité, partout et pour tous, soit une réalité pour chacun.
Petite incise pour préciser un point sur le pouvoir de sanction de l’Arcep. L’Arcep peut sanctionner en tant que gendarme des Télécoms et nous avons, je vous rassure toujours ce pouvoir, et s’il faut le faire, nous n’hésiterons pas à le faire ; soyez en assuré. Mais quand on sanctionne c’est que le problème n’est pas résolu, donc c’est presque un échec du point de vue de la régulation. C’est parce que nous avons un dialogue permanent avec l’ensemble des acteurs, que nous les accompagnons pour les amener à résoudre les difficultés que nous n’avons généralement pas besoin de sanctionner. Je dirais, la preuve ce sont les plans d’action de la filière qui sont en cours pour assurer la qualité sur la fibre. Nous n’avons pas du tout le même niveau de dialogue, le même niveau d’engagement et le même niveau de planification de leurs actions ne serait-ce qu’il y a un an, en novembre dernier quand j’annonçais le plan de qualité souhaitée par l’Arcep lors du Trip AVICCA de novembre. On voit que la filière s’est saisie des enjeux et qu’il y a maintenant des engagements et une planification de la part des opérateurs. Soyez certains que nous n’hésiterons pas à sanctionner si nous estimons qu’il faut le faire.
Alors, quels sont les nouveaux chantiers pour l’Arcep et pour le secteur ?
Le premier, c’est bien évidemment le projet de fermeture du réseau cuivre d’Orange. C’est un projet structurant pour le secteur, car il est important de ne pas garder deux réseaux en parallèle à la fois d’un point de vue économique mais aussi d’un point de vue environnemental.
C’est un projet qui va impliquer tous les acteurs, tous les opérateurs, mais aussi les collectivités et l’Etat. Nous mesurons bien à l’Arcep, l’impact pour les Français de ce projet, les réticences que certains pourraient avoir, notamment pour ceux qui n’ont pas encore la fibre, pour ceux qui ne voient pas l’intérêt de passer à la fibre... Nous serons vigilants afin que la qualité du réseau cuivre soit conservée jusqu’à la fermeture du réseau cuivre, notamment dans les territoires non encore fibrés complètement. Nous mesurons bien aussi l’impact pour le secteur, la nécessité d’une bonne concertation/coordination entre Orange, propriétaire du réseau cuivre et l’opérateur d’infrastructure et les opérateurs commerciaux, mais aussi avec les collectivités locales, et certainement un rôle tout particulier de l’Etat. La gouvernance générale du projet est un élément clef du succès de ce plan. Nous appelons Orange à profiter des phases d’expérimentation actuelles pour caler dès maintenant le mode de gouvernance associant l’ensemble des parties prenantes, tant au niveau local qu’au niveau national.
Le deuxième chantier dont je veux vous parler ce matin est la prise en compte des enjeux environnementaux dans nos priorités de régulation.
La situation d’urgence climatique que nous connaissons nous oblige à repenser individuellement, et collectivement, notre façon de nous déplacer, de consommer, d’évaluer, de choisir.
C’est d’autant plus complexe qu’il y a véritablement deux effets opposés du numérique sur l’environnement. D’un côté, le numérique peut permettre de réduire l’empreinte environnementale d’autres secteurs : la visioconférence peut limiter les déplacements ; la réduction de la consommation d’intrants en agriculture s’opère grâce à des capteurs connectés ; des économies de papier sont possibles avec le stockage de documents dématérialisés, etc.
De l’autre, l’empreinte carbone du secteur sera très probablement amenée à croître de façon importante dans les années à venir avec le développement des usages. Le secteur représente aujourd’hui 2,5% de l’empreinte totale de la France et elle pourrait atteindre 7%, avec une croissance de 60% d’ici 2040, notamment en raison de l’explosion des objets connectés.
Consciente de ce défi, l’Arcep a entamé depuis 2019 une démarche constructive autour de ces sujets afin d’éclairer les choix des acteurs, des pouvoirs publics et des utilisateurs.
Après la publication du rapport « Pour un numérique soutenable » en 2020, cette réflexion s’est poursuivie et approfondie à travers divers ateliers et travaux, et en tant que nouvelle présidente de l’Arcep, j’ai réaffirmé en 2021 l’ambition de l’Arcep de conjuguer développement des usages et réduction de l’empreinte environnementale.
En 2022, grâce aux données collectées en 2020 et 2021 auprès des opérateurs, l’Arcep a publié la première édition de son enquête annuelle « Pour un numérique soutenable ». Les travaux d’analyse de ces données ont permis de restituer des premières informations : les réseaux mobiles sont deux fois plus énergivores que les réseaux fixes, et le réseau fibre est quatre fois plus sobre énergétiquement que celui du cuivre, par abonné.
La loi du 23 décembre 2021 visant à renforcer la régulation environnementale du numérique a étendu le pouvoir de collecte de l’Arcep aux autres acteurs du numérique (centres de données, fabricants de terminaux, etc.), (merci Monsieur le Sénateur) ce qui nous permettra d’enrichir notre enquête annuelle dans le futur. C’est un lourd travail que d’harmoniser, fiabiliser, comparer les données recueillies pour en tirer des enseignements solides, non contestables et qui permettront d’engendrer des actions à impact positif pour l’environnement.
Nous espérons que cette démarche apportera de nouvelles connaissances pour permettre les choix politiques nécessaires, mais aussi les décisions des acteurs eux-mêmes, pour réduire l’empreinte environnementale du numérique.
L’Arcep aussi joué un rôle moteur au sein de l’organe rassemblant les régulateurs télécoms européens, le BEREC, sur les sujets environnementaux, en assurant la co-présidence du groupe « Sustainability ». Grâce à cette action, le BEREC a présenté le 16 mars son premier rapport sur l’empreinte environnementale du numérique.
Voilà quelques éléments concernant ce nouveau chantier de l’Arcep. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je vous remercie vivement de votre participation ce matin !