Prise de parole - Discours

Discours de Laure de La Raudière lors du 52ème Congrès Culture Presse le 5 mars 2025

A cette occasion, la présidente de l’Autorité a rappelé que l’Arcep invite les acteurs de la filière à engager des négociations commerciales en vue de la revalorisation du taux de commission de base de certains points de vente.

Monsieur le président de Culture presse,

Monsieur le président des MLP,

Monsieur le directeur général de France Messagerie,

Monsieur le président du SNDP,

Mesdames et Messieurs les élus de Culture Presse,

Mesdames et Messieurs les représentants des éditeurs,

Mesdames et Messieurs.

Merci de votre invitation et de votre accueil.

C’est une occasion privilégiée de présenter notre action sur la distribution de la presse, mais c’est aussi pour moi, un moment d’écoute de la filière à l’occasion de la traditionnelle table-ronde de la distribution de la presse. Les acteurs de la filière, marchands de presse, dépositaires, distributeurs et éditeurs sont des partenaires de l’Arcep, indispensables de notre régulation, et plus nous avons d’échanges avec vous, plus vous contribuez lors de nos consultations publiques, plus nous pourrons comprendre finement la réalité du terrain, les difficultés rencontrées, les écueils à inviter pour que nous puissions mettre en place une régulation juste, neutre et adaptée.

Bien sûr pour conduire nos actions de régulation, nous avons comme première boussole, les termes de la loi Bichet révisée de 2019 et les objectifs ambitieux fixés pour la régulation.

Ainsi l’Arcep doit veiller à la continuité territoriale et temporelle, à la neutralité et à l'efficacité économique de la distribution groupée de la presse ainsi qu'à une couverture large et équilibrée du réseau des points de vente. De plus, son action doit concourir à la modernisation de la distribution de la presse et au respect du pluralisme de la presse. De façon plus générale, l’Autorité est chargée de faire respecter les principes énoncés par la loi.

Un autre objectif de la révision de la loi Bichet est de renforcer le rôle du marchand de presse au sein de la filière. C’est essentiel, car le marchand constitue le maillon le plus proche du client-lecteur.

Vos commerces présentent la diversité de l’offre, c’est en quelque sorte la vitrine du pluralisme de la presse. Sans vous, comment le lecteur découvrirait-il la richesse de l’offre de presse que nous avons en France ?

C’est pour cette raison que l’Arcep considère que la diminution du nombre de points de vente, d’environ 3 % chaque année, met en péril l’accès de proximité du citoyen-lecteur à la presse.

À cela s’ajoute, la concurrence d’autres produits que la presse, plus rentables à la vente, contribue à une baisse significative des surfaces d’exposition de la presse dans vos commerces.

La contraction du réseau, en nombre de points de vente et en taille de linéaire, représente une menace pour la couverture large et équilibrée du territoire et pour le pluralisme de la presse, qui font partie de nos missions de régulation en application de la loi Bichet. Il présente aussi une menace pour l’équilibre économique de l’ensemble de la filière, tant le résultat provenant des ventes au numéro de la presse est encore structurant pour la plupart des éditeurs.

Ces constats ont conduit l’Arcep à identifier l’attractivité du métier de marchand de presse comme un enjeu crucial.

À cet égard, la valorisation de la place du marchand de presse constitue l’un des neufs objectifs stratégiques que l’Autorité s’est fixés dans le cadre l’ambition que nous portons pour 2030.

C’est dans ce cadre et pour remplir cet objectif stratégique que les travaux en cours relatifs à la revalorisation de la rémunération des marchands de presse se déroulent.

Où en sommes-nous ?

Pour rappel,

Fin juillet 2023, l’Arcep a pris une décision pour réduire de 6% les seuils applicables à la détermination du taux de majoration en fonction du chiffre d’affaires des marchands de presse. Ces 6% correspondaient à l’évolution annuelle moyenne des ventes en montants forts de la distribution groupée de la presse entre 2017 et 2021, permettant ainsi à certains marchands de conserver le bénéfice de la majoration au Chiffre d’Affaires.

Le 16 octobre 2024, lors du comité de concertation de la distribution de la presse réunissant les représentants de la filière, l’Autorité a rappelé son analyse de la situation, comme je viens de le faire précédemment, et a invité les acteurs de la filière à engager des négociations commerciales en vue de la revalorisation du taux de commission de base de certains points de vente.

Dans notre orientation, nous avons indiqué que cette proposition devra inclure a minima une augmentation de 2 à 4 points du taux minimal de rémunération que perçoivent les points de vente de types « spécialiste » et « kiosque », ces deux segments étant ceux qui contribuent le plus aux objectifs de couverture large et équilibrée du réseau des points de vente et de pluralisme de la presse.

Mais nous avons aussi écrit que les acteurs étaient libres de proposer toute évolution consensuelle des règles de rémunération à condition qu’elle permette de renforcer l’attractivité du métier de marchand de presse et de favoriser la diversité de l’offre de presse présentée.

Nous avons bien conscience de l’effort qu’une telle évolution représente pour les éditeurs, mais nous la considérons néanmoins nécessaire pour améliorer la viabilité du réseau de marchands de presse, indispensable pour assurer la vente des titres des éditeurs.

Où en sont les négociations au sein de la filière ? Des réunions de travail ont lieu, régulières, et c’est une excellente chose.

Je remercie d’ailleurs la filière pour son engagement dans ces négociations et, en particulier, la Commission du réseau de la diffusion de la presse (« CRDP ») qui en assure le pilotage : merci à Marc Lemius, son président et à Bertrand Houlé, son secrétaire général.

Par deux fois déjà, une réunion de suivi a aussi eu lieu sous l’égide de l’Arcep, comme nous nous y étions engagés lors d’un Comité de concertation de la Distribution de la Presse, le « Cocodip ».

Mon sentiment actuel est que les discussions sont restées très techniques et que l’on n’est pas encore rentré dans le vif du sujet. Il est maintenant urgent de le faire, et au bon niveau.

L’Arcep préfèrerait bien sûr que la filière s’entende sur les modalités de révision de la rémunération des marchands mais si les négociations ne convergent pas rapidement vers un tel accord, l’Autorité prendra ses responsabilités, comme je l’ai toujours dit et pourra mettre en consultation publique sa propre proposition d’évolution répondant aux objectifs de renforcement de l’attractivité du métier de marchand presse dans le but de favoriser la diversité de l’offre de presse présentée. La loi nous en a clairement confié la possibilité.

Par ailleurs, en matière de rémunération des marchands de presse, l’Arcep devrait statuer prochainement sur deux mesures plus techniques que nous avons mis en consultation publique de mi- décembre 2024 à fin janvier 2025. Ces mesures assez consensuelles représentent néanmoins un effort pour les éditeurs. La première mesure n’est autre que la pérennisation dans le temps de la mesure ponctuelle pris mi-2023, c’est-à-dire l’indexation systématique des paliers de majoration au chiffre d’affaires, selon l’évolution du marché. La deuxième mesure consiste à aligner le calendrier de paiement de certaines majorations sur celui de la rémunération de base, pour une plus grande lisibilité et réactivité de la rémunération des marchands de presse. Le collège de l’Arcep devrait examiner les réponses de la filière à la consultation publique et prendre une décision d’ici la fin du mois.

J’ai été longue sur ce point, mais c’était important que je partage avec vous ce matin, l’état d’avancement de ces travaux si importants pour vous. Je vais aller plus vite sur les autres points que je souhaitais aborder.

La révision de loi Bichet prévoit d’autres dispositions pour renforcer l’attractivité des marchands de presse, notamment sur le plan commercial, en leur donnant plus de souplesse dans le choix des titres et des quantités d’exemplaires qu’ils proposent à la vente.

L’Arcep vient de rendre, le 20 février dernier, son avis sur le nouvel avenant de la filière relatif à la détermination des quantités d’exemplaires servies, communément appelée « plafonnement ». Nous prenons acte des modifications apportées par les signataires de ce texte, pour répondre aux remarques qu’avaient émises l’Autorité et aussi pour apporter plus de souplesse sur le plafonnement notamment du fait des saisonnalités ou autres évènements spécifiques.

Tout comme pour l’assortiment, il importe maintenant que ces nouvelles règles de plafonnement des quantités soient appliquées à tous les marchands de presse dans les meilleurs délais.

D’après les discussions que l’Arcep peut avoir avec les marchands de presse ou certains dépositaires, les règles d’assortiment pour les titres CPPAP ou la liberté accordé aux marchands pour les titres non CPPAP ne sont pas utilisés de façon généralisée. L’information auprès des marchands est-elle suffisante ?

L’Arcep a conscience que les modalités opérationnelles et l’ergonomie des outils ne permettent pas facilement aux marchands, voir des dépositaires, de se saisir pleinement des possibilités offertes par l’assortiment. Or sans outil informatique réellement adapté, les bénéfices des dispositions voulues par le législateur ne seront que très marginaux, et l’ensemble du travail réalisé par tous sera déceptif.

Il est donc crucial que l’utilisation de ces outils soit la plus fluide possible. L’Arcep considère qu’il est dans l’intérêt de la filière de pouvoir échanger sur ces difficultés en vue d’y remédier.

Avant de terminer, j’aimerai revenir sur la présentation de l’Ambition 2030 de l’Arcep présentée en janvier dernier.

Notre objectif stratégique pour la presse est de favoriser la modernisation de la distribution de la presse et de valoriser la place du marchand. Dans ce cadre, nous avons prévu de réaliser une cartographie de l’implantation des points de vente et suivre son évolution dans le temps, afin de mettre à disposition de la filière, mais aussi des pouvoirs publics nationaux et locaux un outil représentant cette couverture. Cela permettrait de mettre en lumière les zones de fragilité au regard de l’objectif de continuité territoriale de la distribution de la presse.

J’aurai encore beaucoup de choses à dire, mais je pense que ces thèmes importants aussi seront évoqués lors de la table-ronde, que ce soit les conclusions de la mission conduite par Sébastien Soriano sur les évolutions de la filière ou la situation difficile des dépositaires et la répartition du montant du drop. Je ne répondrai aux questions sur ces sujets.

Je souhaite conclure en vous remerciant pour l’engagement de toute la filière (marchands de presse, dépositaires, distributeurs de presse ou éditeurs) dans la défense de valeurs qui nous sont chères en France : le pluralisme pour la vie de notre démocratie et la continuité territoriale pour que chaque Français où qu’il habite puisse avoir accès à la presse.

Et puis, vous marchands de presse, vous êtes directement au contact des lecteurs, votre rôle est important, la révision de la loi Bichet renforce votre place au sein de la filière : c’est pour cela que l’Arcep, en tant que régulateur est attaché à ce que toutes les dispositions de la loi permettant de renforcer l’attractivité de votre métier soient mises en œuvre de façon efficace.

Vous pouvez compter sur notre attention à ce sujet.

Je vous remercie.