Le Figaro Economie : Il y a an les opérateurs historiques européens paraissaient invincibles. Ils sont aujourd’hui en proie à d’importantes difficultés. Comment expliquez-vous un retournement aussi brutal ?
Il est évident qu’entre la période euphorique d’il y a tout juste un an et la situation actuelle, on constate un certain malaise dans le secteur des télécommunications, en particulier sur les marchés financiers.
Mais au-delà des évolutions boursières défavorables, il ne faut pas oublier quand même que les opérateurs historiques de télécommunications ont encore des taux de croissance particulièrement élevés tant en volume qu’en valeur et bien sûr des résultats largement bénéficiaires.
Pourquoi alors ce retournement et ce pessimisme ?
Il y a bien sûr des causes liées à la situation économique mondiale du moment sans aucun doute moins porteuse qu’il y a quelques mois. Mais il faut ajouter à cet élément environnemental les incertitudes que fait peser sur l’ensemble du secteur, la question de l’UMTS.
En effet, il apparaît clairement d’une part, que les prélèvements publics sur l’UMTS ont été manifestement trop élevés dans certains pays européens, et d’autre part, que les délais nécessaires pour mettre au point la technologie de cette nouvelle norme de communication ont été sous estimés, ce qui suscite des interrogations sur la possibilité de développer rapidement et au rythme prévu ce nouveau segment de marché.
L’Europe a-t-elle commis une erreur stratégique avec l’UMTS qui risque de profiter en définitive aux industriels japonais et américains ?
La Commission européenne a certainement une part de responsabilité dans cette situation, tout d’abord en obligeant les pays et les régulateurs à forcer la cadence pour qu’ils attribuent les licences UMTS avant 2002 alors que par exemple les Etats-Unis n’envisagent pas pour l’instant de se lancer dans cette nouvelle technologie du fait des incertitudes qui pèsent sur elle, ensuite l’Europe n’a donné aucune ligne directrice pour que le coût des fréquences soit homogène dans l’Union et c’est pourquoi nous constatons actuellement des écarts considérables entre les pays, puisqu’une licence UMTS coûte plus de 600 euros par habitant en Allemagne, et quasiment 0 dans certains pays comme la Suède ou l’Espagne.
Les anciens opérateurs historiques sont-ils condamnés ou est-il encore temps de les sauver ?
Là n’est pas la question. Les opérateurs historiques européens en dépit des turbulences actuelles restent des puissances économiques et techniques très importantes. Certes, ils doivent faire face à de sérieux problèmes et vont sans doute devoir reconsidérer certaines de leurs stratégies. Néanmoins, ce sont toujours des entreprises avec lesquelles il faut compter. En fait le secteur des télécoms est en train d’évoluer, après trois ans d’ouverture à la concurrence, il est en passe de devenir un secteur comme les autres, où des regroupements, des fusions, des recentrages sont nécessaires pour assurer son avenir.
Les opérateurs devraient pouvoir retrouver leur dynamisme et leur bonne santé à la condition de poursuivre leurs efforts d’adaptation dans un contexte de stimulation concurrentielle, où leur énergie et surtout leurs moyens soient essentiellement consacrés à l’amélioration et à la diversification des services pour le plus grand nombre de consommateurs comme cela a été le cas pour les mobiles de la 2ème génération.
Propos recueillis par Marie-Cécile Renault