Mesdames, Messieurs,
Je ferai preuve de modestie sur la question de la " Net neutrality ". Mes deux collègues à cette table ronde sont certainement plus qualifiés que moi sur ce thème essentiellement Nord Américain. J’essaierai, en revanche d’examiner dans quelle mesure le cadre règlementaire communautaire actuel a rempli ses objectifs et comment il doit s’adapter pour répondre à l’enjeu du déploiement des réseaux très haut débit. Je souhaite que celui-ci constitue une nouvelle étape dans le développement d’un marché des communications électroniques innovant et concurrentiel, au bénéfice du consommateur.
La mise en œuvre du nouveau cadre communautaire : premier bilan.
La loi du 9 juillet 2004 a profondément modifié le cadre juridique applicable au secteur français des communications électroniques. Elle marque le point final d’un point de vue législatif des transpositions en droit français de six directives communautaires adoptées au cours de l'année 2002 et communément regroupées sous l’appellation "Paquet télécoms". Elle a été complétée par de nombreux décrets d’application ; le processus de transposition s’est achevé à la mi 2005.
Outre les améliorations apportées aux compétences de l’Autorité en termes de procédure de règlement de différend ou de sanction, les modifications principales sont les suivantes :
- Premier principe : la liberté d’établissement de réseaux et de fourniture de services de communications électroniques :
Passage d’un régime d’autorisation individuelle des opérateurs à un régime de déclaration dans le cadre d’autorisations générales.
- Deuxième principe : la neutralité technologique, ou mise en place d’un régime juridique identique pour tous les réseaux de communications électroniques :
En conséquence de ce principe, le législateur a clairement séparé les fonctions de régulation économique et concurrentielle de l’ensemble des réseaux (y compris les réseaux câblés ou de radiodiffusion) confiées à l’ARCEP, de la régulation " protectrice des libertés publiques " des services de contenus audiovisuels, confiée au CSA.
- Troisième principe : la convergence avec le droit de la concurrence ;
Je serai plus long sur ce point car c’est celui qui a les effets les plus profonds sur l’activité de régulation. Dans l’ancien cadre, la régulation des opérateurs puissants avait une dimension quelque peu automatique ou systématique. Ainsi, la liste des marchés à analyser par le régulateur était strictement et limitativement définie par la loi : tout opérateur disposant de 25% de parts de marché sur un de ces marchés était considéré comme opérateur puissant et se voyait à ce titre imposer plusieurs obligations également définies par la loi.
Désormais, grâce à la loi du 9 juillet 2004, les méthodes et concepts à appliquer par le régulateur sont explicitement ceux du droit commun de la concurrence. Il appartient ainsi au régulateur, de délimiter un marché et de vérifier s’il est pertinent pour une régulation sectorielle, de repérer le ou les acteurs puissants sur ce marché et de le démontrer. Pour ce faire l’ARCEP procède à une analyse détaillée du marché qui comprend successivement une consultation publique, le recueil de l’avis du Conseil de la Concurrence, puis une notification à la Commission européenne. Celle-ci dispose d’un pouvoir de veto sur la définition du marché, s’il n’appartient pas à la liste qu’elle a prédéfinie, ainsi que sur la désignation des opérateurs puissants, notamment à fin d’harmonisation européenne. En outre le régulateur doit, dans le cadre de son analyse de marché, spécifier les remèdes, c’est à dire les obligations imposées aux acteurs puissants, qu’il envisage d’appliquer. Pour ce faire il doit choisir parmi la liste fixée dans la Loi les obligations qui sont les plus appropriées aux problèmes de concurrence constatés sur le marché analysé et veiller à ce qu’elles soient proportionnées aux objectifs de régulation.
Cette logique entraîne un recentrage de la régulation sur les marchés de gros. D’une part, l’Autorité de régulation dispose de pouvoirs lui permettant de développer de nouveaux outils de régulation sur les marchés de gros. D’autre part, une fois ces outils en place, s’il s’avère qu’ils fonctionnent correctement, la régulation des marchés de détail devient moins justifiée et s’allège, voire disparaît. Ainsi la régulation évolue : si la concurrence s’accroît la liste des remèdes s’allège. Si le marché devient pleinement concurrentiel, la régulation sectorielle disparaît et passe le relais au droit commun de la concurrence dont l’application relève du Conseil de la concurrence. Il est donc normal que la régulation imposée à un marché particulier varie dans le temps et l’espace selon l’appréciation des autorités de régulation nationales.
Le cadre mis en place en 2004 est ainsi indéniablement plus flexible et permet au régulateur d’adapter la régulation aux conditions effectives de concurrence sur un marché donné, et le cas échéant de la lever. Ce mode de régulation est sans aucun doute bénéfique à l’ensemble des acteurs et in fine au consommateur.
Pour se rendre compte des avantages indiscutables du nouveau cadre, il suffit de s’attarder quelques instants sur la régulation des marchés du haut débit.
Si dans l’ancien cadre l’Autorité n’avait pas toutes les compétences pour agir, le nouveau cadre lui a donné la possibilité d’affiner et de rendre sa régulation du haut débit plus efficace et incitative. L’Autorité a ainsi concentré son action sur les marchés de gros, le marché de détail n’étant pas régulé, en adoptant plusieurs décisions en mai 2005 qui concluent à la pertinence des marchés du dégroupage et des offres d’accès larges bandes livrées au niveau régional, et à la puissance de France Télécom sur ces marchés. De plus, l’Autorité a défini en juillet 2005, et à titre transitoire pour un an, le marché pertinent de gros des offres d’accès large bande livrées au niveau national, France Télécom étant également puissante sur ce marché.
En fonction du déploiement de son propre réseau, un opérateur alternatif fera le choix entre l’une ou l’autre de ces différentes offres. Ainsi, un opérateur bénéficiant d’un réseau très capillaire pourra se connecter au réseau de France Télécom au plus près de l’abonné, bénéficiant alors de l’offre de dégroupage de la boucle locale. La où son réseau est moins déployé, il pourra se connecter au réseau de France Télécom au niveau régional.
L'Autorité considère que le développement du dégroupage doit être privilégié. Il constitue en effet la forme d’offres de gros permettant le développement de la concurrence la plus pérenne et maximise l’indépendance technique et économique de l’opérateur client par rapport à France Télécom. Dans le temps, le développement de la concurrence par le dégroupage permet une baisse des prix durable et une dynamique d’innovation bénéficiant aux consommateurs.
En termes d’obligations incombant à France Télécom, cet objectif se traduit par une régulation plus appuyée en amont de la chaîne de valeur des marchés du haut débit (autrement dit sur le marché du dégroupage) et de plus en plus allégée dès lors qu’on s’approche du marché de détail qui, en tant que tel, n’est pas régulé.
Plusieurs obligations ont été imposées à France Télécom sur les marchés du dégroupage et des offres régionales : obligations d’accès, de transparence, de publication d’une offre de référence, de non discrimination, de séparation comptable et comptabilisation des coûts et des obligations tarifaires. Sur ce dernier point, l’Autorité a notamment pu imposer une obligation d’orientation vers les coûts des tarifs du dégroupage ainsi que des tarifs des offres régionales dans la mesure où ces derniers n’étaient pas squeezants pour le dégroupage. Cette obligation vise un double objectif : que les offres régionales soient un complément géographique au dégroupage sans pour autant lui faire concurrence sur les zones où ce dernier a un sens économique. Plus précisément, les tarifs des offres régionales doivent être :
- suffisamment attractifs pour constituer une offre de gros pertinente dans les zones non dégroupées, permettant aux opérateurs de construire un service de détail à l’échelle nationale ;
- incitatifs au déploiement des réseaux des opérateurs alternatifs.
La mise en place de cette régulation adaptée, ainsi que l’attitude constructive de l’opérateur régulé France Télécom et le dynamisme de l’ensemble des acteurs, concourent au succès remarquable du haut débit en France et au caractère très dynamique et innovant du marché de détail. Le nombre d’abonnements à un accès haut débit à Internet continue de croître rapidement (+40,5% sur un an) pour atteindre 11,1 millions à la fin du deuxième trimestre 2006. La technologie DSL qui représente 10,5 millions d’accès est à l’origine de la plus grande partie de cette croissance.
J’en viens maintenant à la question du très haut débit, question que l’étude commandée à l’IDATE par le Gouvernement a contribué à mieux cerner.
Le très haut débit est l’un des nouveaux défis du secteur.
Véritable rupture technologique, l’avènement du très haut débit et le déploiement de réseaux en fibre optique jusqu’à l’abonné constituent un enjeu majeur pour la France et l’Europe sur le plan de la compétitivité et du développement de l’économie de la connaissance. Le développement des offres triple play (Internet, voix sur IP, vidéo) a révélé l’appétence des ménages pour les contenus multimédia. L’augmentation continue des besoins d’échanges de fichiers, le développement de la haute définition, les modes de consommation asynchrones (téléchargement, vidéo à la demande) rendent le développement de réseaux en fibre inéluctable à moyen et long terme.
A ce jour, la France n’accuse aucun retard et des initiatives d’opérateurs sont à prévoir à court ou moyen terme, en zones d’activité et en zones résidentielles de forte densité. Un acteur a déjà annoncé qu’il lancerait ses premières offres dans le courant du premier semestre 2007. Toutefois, à l’exception de certains cas particuliers, comme la ville de Paris dont le réseau d'égouts visitables diminue significativement le coût de déploiement des réseaux très haut débit, l’équation économique paraît difficile : d’une part, les investissements pour développer un nouveau réseau de très haut débit sont conséquents et, d’autre part, se pose la question des revenus additionnels pour rentabiliser ces réseaux.
Une action des pouvoirs publics et notamment des collectivités territoriales visant à baisser ces barrières à l’entrée pour tous les acteurs paraît indispensable pour faciliter le franchissement de la rupture technologique vers la fibre. Elle devra chercher à favoriser les investissements pertinents en fonction des situations, et notamment en examinant si les seules forces du marché sont suffisantes ou non en termes de couverture ou de niveau de concurrence.
Les enjeux en termes de coûts de déploiement : comment diminuer les barrières à l’entrée ?
Pour favoriser une concurrence loyale et pérenne, seule une concurrence par les infrastructures est à même de réellement assurer sur le long terme les bénéfices attendus de la concurrence en termes de baisse des prix et d’innovation. Or, le très haut débit, contrairement au haut débit, offre sur ce point une opportunité inédite à tous les acteurs de se positionner sur l’ensemble de la chaîne de valeur.
Toutefois, le déploiement d’une nouvelle boucle locale fibre au niveau national constituerait un investissement particulièrement lourd de plusieurs dizaines de milliards d’euros, étalé sur plus de 10 ans. Les premières évaluations du coût de déploiement d’un réseau FTTH mettent en évidence le poids prépondérant des infrastructures passives (70 à 80% du coût), et particulièrement du génie civil.
Par conséquent, pour permettre aux différents acteurs d’entrer sur ce marché et éviter que les investissements précités ne constituent une barrière insurmontable à ce déploiement, la mutualisation des infrastructures de génie civil et de câblage des immeubles est amenée à jouer un rôle crucial. Les Pouvoirs publics, et en particulier les collectivités territoriales, ainsi que l’ARCEP seront donc conduits à inciter et accompagner un déploiement mutualisé dans les meilleures conditions.
Les collectivités ont un rôle central à jouer pour encourager les opérateurs à mutualiser leurs réseaux lors des demandes d’occupation de leur domaine public. En pratique cette compétence est difficile à mettre en œuvre, car les opérateurs sont souvent réticents à communiquer l’emplacement et l’état d’occupation de leurs réseaux.
Les coûts de génie civil (pose des tranchées et des fourreaux dans le sol jusqu’à la pénétration dans les immeubles) représentent le premier poste de coût de déploiement d’un réseau fibre. A titre d’exemple avec une densité de 20.000 hab/km2, c’est-à-dire la densité de Paris, le coût de reconstruction du génie civil serait de l’ordre de 1000€ par ménage abonné, avec une hypothèse de part de marché de 25% des ménages. En gros, ce coût est inversement proportionnel à la racine carré de la densité.
Afin de permettre aux collectivités territoriales d’adopter une politique de gestion patrimoniale ambitieuse de leur sous-sol, une révision du cadre réglementaire pertinent visant à renforcer leurs pouvoirs en matière de gestion du domaine public est souhaitable. Ce renforcement porterait notamment sur les obligations afférentes des opérateurs telles que :
- la fourniture de cartes d’occupation du domaine par les opérateurs ;
- l’information sur la disponibilité des fourreaux ;
- l’obligation de pose de capacités de réserve ;
- la capacité à obliger les opérateurs à partager leurs ressources.
Le deuxième poste de coût de déploiement de réseaux FTTH est constitué par les câblages internes aux immeubles et aux logements (entre 300€ et 500 € par abonné). Il est peu probable que les propriétaires acceptent le passage de plusieurs opérateurs. Dès lors, une structure de micro-monopole local pourrait émerger (un opérateur par immeuble), comme cela est partiellement le cas au Japon
Un groupe de travail a été créé par le ministre délégué à l’Industrie et par le ministre du logement, avec des représentants des opérateurs et des bailleurs. L’ARCEP participe à ces travaux et s’inscrit dans la démarche, incitative à ce stade, visant à favoriser le pré-équipement des logements neufs.
La mutualisation du câblage interne nous semble indispensable et l’Autorité va engager avant la fin de l’année, avec les opérateurs qui le souhaitent, une discussion sur les modalités de partage des réseaux internes.
Comme vous l’avez compris, nous souhaitons que se crée un contexte favorable au développement des réseaux à très haut débit en favorisant la mutualisation du génie civil et notamment la réutilisation, si elle s’avère possible, des fourreaux existants dans la boucle locale. Si ces mesures s’avèrent efficaces, elles éviteront, dans une large mesure, la recréation d’un monopole sur la boucle locale fibre de même nature que la boucle locale cuivre. Nous entrerons alors dans la phase ultime de la régulation sectorielle, avec le développement d’infrastructures de boucle locale fixes alternatives.
La question du déploiement du très haut débit va néanmoins de pair avec celle des revenus : sans usages et revenus nouveaux, il n’y aura pas d’incitation à l’investissement.
Les enjeux en termes de revenus : quels usages et quels revenus pour favoriser le déploiement du très haut débit ?
La plupart des études sur le déploiement des réseaux d’accès fibre pour la clientèle résidentielle soulignent les incertitudes qui pèsent sur les usages propres au très haut débit, susceptibles de générer des revenus supplémentaires.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors d’un colloque récent, le déploiement de réseaux très haut débit ne se justifie que pour supporter des nouveaux usages, des nouvelles offres de services, un nouvel accès aux contenus. Les services axés sur la mise à disposition de contenus (télévision haute définition, vidéo à la demande) et les revenus liés à l’image représentent, à ce stade, la source la plus crédible de revenus et de ce fait un des relais de croissance face à l’érosion des revenus traditionnels liés à la voix et plus généralement aux communications interpersonnelles. Economiquement, les services liés aux contenus constitueront l’une des principales incitations à déployer des réseaux fibre à grande échelle. Inversement le déploiement de ces réseaux constitue un nouveau moyen de diffusion et une chance supplémentaire pour les créateurs et titulaires de droit de mieux valoriser leur production. Il leur offre aussi la possibilité de développer de nouveaux services et en particulier les services non linéaires. Il constitue de la sorte un facteur de croissance du marché et un élargissement de la base de financement de la création française.
La demande potentielle des ménages est de plus en plus importante. Avec près d’1,5 millions d’abonnés, la télévision par ADSL est aujourd’hui le principal vecteur de croissance de la télévision payante. La fibre offre des perspectives nouvelles : programmes en haute définition, diffusion simultanée de plusieurs canaux, téléchargement de vidéo à la demande quasi instantané.
A ce jour, cependant, les relations entre opérateurs, distributeurs et détenteurs de droits ne sont pas à la hauteur des enjeux :
- l’ARPU lié au contenu représente moins de 3 € par abonné et par mois pour les opérateurs DSL alors que la dépense totale des ménages en service de télévision payante, vidéo, musique, cinéma est dix fois supérieure ;
- leurs catalogues de titres de vidéo à la demande sont limités à quelques centaines de titres, souvent proposés à des tarifs supérieurs à la location d’un DVD sur support physique.
Une refonte des modèles actuels de relations entre éditeurs de contenus et opérateurs de réseaux sera nécessaire pour favoriser le développement du très haut débit, en faire une réussite pour les différents acteurs et au final pour le consommateur.
Quelle régulation pour le très haut débit ?
J’en viens pour conclure à la question des nouveaux revenus, nécessaires à l’équation économique du très haut débit, qui me semble être, sous une formulation plus directe peut-être, le sujet de la " Net neutrality ".
Je crois que les principes généraux posés par la FCC en termes de " net neutrality " et " net freedom " sont largement partagés en Europe : droit des utilisateurs d’accéder au contenu, de distribuer des contenus, d’utiliser des logiciels et de connecter des équipements de leur choix. Les bienfaits produits par le caractère ouvert du réseau Internet sont certains. Ils ont largement contribué au développement du marché du haut débit. Je reprendrais donc sans difficulté à mon compte la position exprimée par la Commission, que je cite :
" Un souci majeur concernant le futur proche sera de garantir que l’Internet reste ouvert : ouvert du point de vue des fournisseurs de service, qui désirent fournir des services nouveaux et innovants, et ouvert du point de vue des consommateurs, qui veulent pouvoir avoir accès et aussi créer et distribuer des services de leur choix. "
La question du partage de la valeur entre fournisseurs de services et opérateurs d’accès haut débit a été relativement peu débattue dans le cadre du développement des réseaux haut débit. L’essentiel des efforts a porté sur le développement d’un marché concurrentiel de l’accès haut débit, dans un contexte " culturel " de gratuité ou quasi gratuité des services Internet. Ce modèle, qui sépare totalement, les revenus des opérateurs et des fournisseurs de contenus s’est avéré viable, car il s’appuie sur le partage, au travers du dégroupage, de l’actif existant de très bonne qualité que constitue la boucle locale cuivre de l’opérateur historique. En l’espèce, l’accès ouvert à un univers de contenus et de services a été certainement la raison principale de l’appétence des consommateurs pour le haut débit. L’avènement du très haut débit me semble toutefois susceptible de remettre en question le principe de séparation des revenus
En premier lieu, les enjeux et les risques liés à l’investissement dans le très haut débit, qui nécessite la recréation d’une nouvelle boucle locale et donc un effort d’investissement considérable dans les infrastructures très haut débit, paraît devoir justifier économiquement qu’une part des revenus perçus par les fournisseurs de services revienne aux opérateurs d’accès.
En second lieu, puisque les contenus valorisent les réseaux en motivant la demande des consommateurs pour l’accès, il serait équitable que les opérateurs de communications électroniques rémunèrent cet avantage en participant au financement de la création de contenus, notamment audiovisuels.
Je pense, par ailleurs, que la meilleure garantie pour le consommateur de sa liberté de choix est qu’une concurrence vigoureuse s’exerce, comme c’est actuellement le cas, sur le marché aval de l’accès haut débit et très haut débit, mais aussi que cette concurrence existe sur le marché amont du contenu et des services, en particulier pour les services audiovisuels. L‘analyse économique nous apprend qu’un monopole sur un marché amont favorise la constitution d’un monopole sur les marchés aval.
Ainsi la question de la " net neutrality " se résoudra, à mon sens, par le maintien d’une saine concurrence sur les marchés de l’accès et des contenus. A ce stade, et peut-être suis-je exagérément optimiste, il me semble que le cadre communautaire dote les régulateurs sectoriels des outils appropriés et que les autorités de concurrence disposent des compétences nécessaires, notamment en cas de fusion.
Je rejoindrai donc sans peine la position modérée affichée par la Commission Européenne dans ses propositions de révision du cadre réglementaire européen qui ne considère pas souhaitable une modification du cadre sur ce point. Pour deux raisons :
- L’ouverture d’Internet, et sa déclinaison précitée en quatre principes de " liberté " par la FCC, sont considérées comme des principes généraux, qui constituent des lignes directrices à l’usage des régulateurs, mais qu’il ne serait pas approprié de retranscrire sur un mode impératif.
- Le cadre de régulation actuel devrait suffire, grâce aux conditions concurrentielles qu’il permet de créer et grâce aux outils qu’il met à la disposition des régulateurs, pour garantir un environnement acceptable, en termes d’ouverture, aussi bien pour les utilisateurs que pour les fournisseurs de service.
En conclusion, il apparaît de façon évidente que la France connaît une situation favorable au déploiement du très haut débit grâce à des secteurs de l’audiovisuel et du haut débit très dynamiques. Toutefois, ce contexte ne sera pas suffisant pour que le développement du très haut débit soit une réussite. Il est en effet indispensable qu’une réelle coopération des différents acteurs des mondes du contenu, notamment audiovisuel et télécoms s’établisse, afin de développer les nouveaux modèles économiques ainsi que les nouveaux usages et services innovants pour ce mode de diffusion. Si tel est le cas alors l’adhésion des consommateurs et donc le succès du très haut débit au bénéfice de tous seront au rendez-vous.
Je vous remercie.