"Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de la Fédération Française des Télécoms, cher Laurent,
Monsieur le Président de l’ARCOM, cher Roch-Olivier,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et messieurs les maires,
Mesdames et messieurs les représentants d’associations d’élus,
Mesdames et messieurs,
Merci de votre invitation aux vœux de la FFT, c’est toujours un plaisir d’y venir.
Les cérémonies de vœux sont un moment que j’apprécie particulièrement, car c’est un moment de retrouvailles et d’échange, souvent informel, toujours sympathique. C’est aussi l’occasion de tirer les enseignements de l’année qui vient de s’écouler, de se projeter sur l’année prochaine, mais rassurez-vous dans des discours brefs car ce doit d’abord rester ce moment de convivialité pour lequel nous sommes tous venus ce soir.
L’année 2024 fût une année riche en émotions en France. Je ne veux pas citer l’actualité politique, Monsieur le Ministre, au risque de plomber l’ambiance. Je pense aussi bien évidemment à la situation de Mayotte aujourd’hui, qui nous bouleverse tous, je pense à nos compatriotes, à vos équipes sur place, et à votre mobilisation dans des conditions extrêmes pour rétablir le fonctionnement si essentiel des réseaux. Mais j’ai choisi d’évoquer deux évènements de l’année 2024 qui ont fait rêver les Français, qui sont positifs et qui donnent de l’espoir.
D’abord, les jeux olympiques et leur réussite, qui a généré enthousiasme, joie et fierté des Français et qui a montré au monde entier la capacité de la France d’organiser avec rigueur, créativité et professionnalisme un tel évènement. Ce fut une réussite aussi grâce aux opérateurs qui ont prouvé leur savoir-faire et leur compétence technologique, grâce à l’engagement de tous ceux et celles qui sont intervenus pour concevoir, orchestrer, exploiter, surveiller les services et réseaux permettant au monde entier de suivre les épreuves des Jeux Olympiques à distance et aux milliers de touristes et fan de sport de communiquer tout au long de ces 15 jours de folie.
Ensuite, Notre-Dame de Paris et sa renaissance incarnent l’intelligence humaine au service d’un projet ambitieux.
Ce bâtiment quasi millénaire est un symbole de résistance au temps, à la folie des hommes et aux aléas divers et variés. Il a été conçu et entretenu par des milliers de personnes, qui ont su au fil des ans, coordonner leurs savoir-faire, échanger entre eux, travailler avec application, entretenir, restaurer. C’est grâce à une chaîne de compétences, toutes interdépendantes, où chacun ne peut réussir sans l’autre, que cette œuvre a été conçue et a pu traverser les siècles. Sa restauration est éblouissante, elle est enthousiasmante et elle démontre notre capacité collective à réaliser des prouesses extraordinaires.
Pourquoi ces deux exemples ? Parce qu’ils sont inspirants pour nous et pour la filière de télécommunications. Ensemble, chacun engagé dans un projet collectif, chacun dans son rôle, nous savons nous dépasser et faire une très belle réussite, enthousiasmante pour les Français.
Cela résume bien notre ambition commune en matière d’amélioration continue de cette facilité essentielle qu’est l’accès à Internet pour les Français, pour notre économie, pour notre société.
Qui aurait parié lors du lancement du Plan France Très Haut Débit, il y a un peu plus de dix ans que nous en serions là aujourd’hui ?
Grâce à la mobilisation de tous ainsi qu’à l’appétence des français, la fibre optique atteint aujourd’hui 90% des locaux. Et 70% des accès à Internet sont des abonnements fibre.
Cette situation, exemplaire en Europe, nous la devons à l’ensemble de vos équipes et à celle de vos sous-traitants – ingénieurs et techniciens d’intervention -, nous la devons aussi à l’engagement financier de vos entreprises, aux investissements consentis, nous la devons aussi aux collectivités et à l’Etat qui ont eu l’ambition que la fibre devait être aussi disponible dans les territoires où l’investissement privé seul ne suffirait pas, nous la devons aussi à un cadre de régulation favorisant les investissements efficaces, récemment souligné par l’étude comparative de JPMorgan.
Nous avons maintenant un cap collectif : finir les déploiements. C’est une condition de la réussite du plan France Très Haut Débit.
Chacun, ici, sait quels sont ses engagements et ses responsabilités. Je ne vais pas m’y attarder. Les obligations de complétude doivent impérativement être respectés, l’Arcep en est le garant.
Nous avons aussi un autre cap collectif – un peu mon obsession depuis que je suis présidente de l’Arcep, c’est la qualité des réseaux et la qualité de l’exploitation. Le cap est simple. Ce que vous avez construit collectivement, auquel l’argent public a aussi beaucoup contribué, ne doit pas être à refaire dans dix ans. Notre ambition commune est que dans 30 ans, ces réseaux fibre puissent être regardés par ceux qui nous succéderont, comme un exemple d’ouvrage réalisé dans les règles de l’art.
Aussi je suis heureuse des signes d’amélioration constatés dans la 4ème édition de l’Observatoire de la QS fibre, publiée par l’Arcep mi-novembre.
Durant cette année, d’une part, la reprise des réseaux accidentogènes par XpFibre et Altitude Infra a permis de baisser significativement les taux de panne, là où la situation était la plus critique. Et d’autre part, les engagements pris par l’ensemble de la filière pour industrialiser le processus de raccordement et améliorer les contrôles ont bien avancé. Je salue cet effort, et remercie aussi la FFT pour son engagement.
Des progrès sont possibles, même nécessaires. J’aimerai en particulier que les Opérateurs commerciaux s’impliquent encore davantage, c’est essentiel. Je pense notamment à la reprise des malfaçons au fil de l’eau, aux réalignements du SI avec le terrain ou encore à l’expérimentation du mode OI pour les churns. Vous savez, je pense qu’il est toujours préférable que les solutions soient trouvées par les acteurs eux-mêmes, plutôt que de subir de nouvelles règles.
La pérennité des réseaux fibre n’est pas qu’un enjeu de qualité, c’est aussi un enjeu d’équilibre financier sur le moyen et long terme, sujet de préoccupation de beaucoup de collectivités. L’Arcep a reçu cette année quelques premiers éléments de coûts, encore trop peu nombreux pour nous permettre d’objectiver la situation. C’est un chantier important de grande ampleur, qui va aussi nous occuper collectivement l’année prochaine.
Enfin, la finalisation des déploiements de la fibre va de pair avec la fermeture du réseau cuivre. C’est un chantier structurant pour la filière, sensible pour les utilisateurs particuliers ou entreprises. Les critères pour la fermeture ont vocation à être appliqués, ce qui signifie que toutes les exceptions (refus, gels, rad) devront être documentées et justifiées. Des reports sont d’ores et déjà actés, et d’autres sont sans doute à prévoir. La transparence est le maître mot ; et une bonne communication entre toutes les parties prenantes une nécessité.
L’année 2024 a été aussi l’année du point d’étape du New Deal publié en février qui montre l’amélioration significative de la couverture et de la qualité de service mobiles dans les zones rurales. L’année 2025 verra l’attribution de bandes de fréquences en outre-mer, je sais qu’un certain nombre d’entre vous êtes présents par des filiales et que vous venez d’accueillir certains opérateurs d’outre-mer au sein de la FFT. C’est important, et l’Arcep est attentive à ce que les ultra-marins bénéficient de la même qualité de connectivité que les métropolitains.
En 2024, les déploiements 5G ont également bien progressé. Aujourd’hui les opérateurs exploitent au total, peu ou prou 30.000 sites en Métropole. C’est environ 5.000 de plus qu’au moment du lancement de la 5G et cela montre votre engagement collectif à apporter une connectivité mobile de qualité aux Français. Je suis néanmoins soucieuse de constater de plus en plus de résistance de la population à l’édification de nouveaux pylônes, et j’invite les opérateurs, mais aussi leurs partenaires que sont les Towerco à bien associer les élus dans les démarches de recherche de terrain – et pas uniquement dans le cadre du New Deal.
Vous voyez, la filière continue à investir de façon importante au bénéfice des utilisateurs. Elle le fait dans un contexte de croissance stable, de marché toujours aussi concurrentiel et d’augmentation de trafic sur les réseaux. Je sais que cette situation n’est pas simple pour la filière, et je comprends bien les demandes faites par certains de modifications du cadre européen de la régulation.
Je serai très heureuse d’en discuter avec vous tous, notamment en vue des échanges que l’Arcep aura avec la commission européenne ou au sein du Berec pour préparer le futur Digital Network Act ou la révision du code en 2025. Nous avons déjà mis en place en France un cadre plus souple avec la régulation symétrique ; nous venons de déréguler le marché 3b ; nous sommes donc à l’écoute des pour construire le futur cadre.
C’est important car nous avons un cadre spécifique en France, et qui donne des résultats, avec des opérateurs puissants et un niveau de connectivité parmi les meilleurs en Europe. Une révision, une plus grande équité entre les acteurs sur le marché numérique, oui, l’Arcep y est favorable mais « il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain ».
Enfin, je terminerai en évoquant la question de l’empreinte environnementale du numérique. Vous savez que c’est un sujet qui nous tient à cœur à l’Arcep, et que nous le poussons au niveau européen – qui nous semble être le bon niveau d’intervention. Nous avons pour objectif que la Commission européenne comprenne bien que l’ensemble des briques composant le numérique sont impliqués. Certes, les services numériques semblent immatériels aux yeux du grand public, mais vous savez que la croissance des usages du numérique entrainent nécessairement le renouvellement des terminaux, la construction de nouveaux data centers et la mise en place de nouveaux équipements réseaux, qui eux sont bien physiques, et ont une empreinte croissante. Il nous semble dès lors indispensable que des objectifs soient fixés aux fournisseurs de services numériques en matière d’éco-conception. Ce sujet est passionnant : rendons sobre le phénomène à la source ! Que ce soit par un meilleur codage des vidéos, par la fin du scrolling infini, de l’autoplay ou des mises à jour logiciel qui finissent par vous obliger à changer de terminaux... Ce sont des exemples d’actions à mener, qui ne changeront pas fondamentalement l’expérience utilisateur, qui le protégeront des phénomènes d’addiction et qui permettront aussi à leur porte-monnaie de moins souffrir.
L’Arcep est heureuse de voir la FFT et les opérateurs français s’engager dans cette voie, nous sommes précurseurs en Europe, et nous pouvons donc peser ensemble pour que la nouvelle mandature de la commission européenne prenne en considération et mette en œuvre ses orientations.
Je conclus, car j’ai été longue et rassurez-vous, je ne redirai pas la même chose lors de vœux de l’Arcep en janvier. Ils seront consacrés à l’avenir avec une présentation de notre Ambition pour 2030 et les objectifs stratégiques associés. Au bilan de cette année écoulée, je voudrais vous témoigner ma reconnaissance pour l’ensemble des échanges que nous avons régulièrement, vos nombreuses participations aux travaux de l’Arcep, aux groupes de travail, aux réflexions sur les réseaux du futur, et l’ambition qui est la vôtre, et que nous avons en partage, d’améliorer quotidiennement les services de télécommunications, si essentiels pour nos concitoyens.
Je termine en vous souhaitant une bonne année 2025, une santé de fer pour vous, vos proches et pour la filière, et beaucoup de bonheur et de projets professionnels et personnels."
Laure de La Raudière, présidente de l'Arcep