En quoi la montée en débit est-elle nécessaire ?
Tout le monde constate que la situation du haut débit en France est satisfaisante. Mais il y a de très grandes disparités territoriales. Dans une vingtaine de départements ruraux, comme la Manche, ou montagneux, comme les Pyrénées-Atlantiques, grâce à des réseaux d'initiative publique, la quasi-totalité du territoire a un très bon service avec plusieurs offres grâce au dégroupage. Dans d'autres, bien souvent, seule la principale ville est dégroupée, le reste du territoire disposant au mieux d’un service de base avec une seule offre. Cela pénalise non seulement les familles mais aussi les entreprises en milieu rural qui voudraient la même chose qu'en ville, la téléphonie sur IP, la télévision sur Adsl, les offres triple-play, auxquels elles ne sont pas éligibles faute d'un débit suffisant. Il y a une forte demande de la part des élus pour cette montée en débit car cela répond à des besoins immédiats.
Concrètement, comment s’opère-t-elle ?
Si l’on utilise une image, l’idée est d’amener la fibre jusqu’aux mairies partout en France. En pratique, on tire la fibre jusqu'à un sous-répartiteur regroupant 50 à 300 lignes, donc plus près des maisons, des hameaux et des fermes. On raccourcit donc la portion en cuivre du réseau téléphonique, ce qui augmente les performances de l'Adsl. On réaménage également le sous répartiteur pour accueillir les équipements haut débit de plusieurs opérateurs. L’ARCEP s’est assuré que France Télécom, aujourd’hui propriétaire de la boucle locale cuivre, soit responsable de cette opération de réaménagement. Ainsi, sa prestation sera régulée par l’ARCEP et orientée vers les coûts. Nous allons suivre cela de très près.
Le sujet fait polémique…
Par incompréhension et par surinterprétation de l’avis de l'Autorité de la Concurrence. Quant au rôle donné à France Télécom, il est limité à une prestation régulée. L’ARCEP a trois objectifs : apporter une réponse aux besoins des élus et des collectivités d'améliorer rapidement les débits dans les zones rurales, tout en préparant la fibre jusqu'à l'abonné, et en garantissant la possibilité de la concurrence.
Qui va payer cette montée en débit ?
Les demandeurs, ce sont les collectivités, les élus de terrain, et l'Etat, qui est prêt à accompagner cette montée en débit. Dans le volet numérique du Grand emprunt, une partie des 2 milliards d’euros alloués au très haut débit a déjà été « fléchée » pour la montée en débit, puisqu’il s’agit en partie de fibre optique.
Combien cela coûte-t-il ?
Plusieurs éléments entrent dans le coût : l‘aménagement du sous-répartiteur coûtera entre 30.000 et 50.000 euros en fonction du nombre de lignes. Le principal coût viendra du déploiement de la fibre jusqu’au sous-répartiteur, mais le tarif d’accès au génie civil de France Télécom est régulé et calculé pour faciliter les déploiements en milieu rural. Il serait souhaitable que ces investissements s'opèrent dans le cadre des schémas directeurs numériques départementaux, pour que l'argent public soit optimisé. A mon sens, cela devrait même être une condition d'éligibilité aux aides du Grand emprunt.
Ne vaut-il pas mieux passer directement à la fibre ?
La montée en débit est une étape vers le très haut débit puisque cela permet de rapprocher la fibre des abonnés. Il est possible que certains départements passent à la fibre à l’abonné directement. Plusieurs y réfléchissent sérieusement, comme la Savoie ou l’Ain, après un simple calcul d’opportunité. Il y a d’ailleurs un paradoxe : en ville, où les opérateurs déploient massivement, les utilisateurs ne sont pas très enclins à s'abonner à la fibre, parce qu’ils ont un très bon Adsl, alors qu'en zone rurale, où de nombreux services physiques ne sont pas accessibles, les gens sont prêts à souscrire tout de suite. L’équation économique pour les investissements tant privés que publics est donc meilleure qu’il n’y paraît dans les zones moins denses. Le basculement rapide dans l’ère de la fibre est une stratégie gagnante à tous égards.
Propos recueillis par Delphine Cuny