Comment le groupe des régulateurs postaux européens est-il organisé ?
Le GRE postal a été créé par une décision de la Commission européenne d’août 2010. Sa première réunion plénière a eu lieu le 1er décembre 2010, réunion au cours de laquelle ont été élus le président et les vice-présidents – les régulateurs suédois et britanniques – et ont été définies les grandes lignes du programme de travail. Le secrétariat est assuré par la Commission.
En 2011/2012, nous allons travailler sur cinq sujets.
• L’allocation des coûts de l’opérateur postal ;
• Le coût du service universel et, plus particulièrement, la question des différences de taux de TVA, qui pourraient avantager les opérateurs qui ont la charge du service universel ;
• La satisfaction des consommateurs et la surveillance du fonctionnement des marchés postaux ;
• les tarifs transfrontaliers : la Commission souhaite comprendre si les niveaux de prix du colis sont justifiés ;
• l’accès au réseau postal pour les nouveaux entrants, les routeurs et les consolidateurs.
Commençons par les tarifs transfrontaliers. Pourquoi le prix d’un envoi est-il différent de Paris à Albi ou de Paris à Riga, alors que nous vivons tous dans l’Union européenne ?
Il n’y a aucune raison que les tarifs soient les mêmes, sauf à imaginer un monopole postal sur l’ensemble de l’Europe qui gérerait les péréquations. Il n’est pas sûr que le consommateur y gagnerait!
Pourtant, dans les télécoms, la Commission européenne a imposé des tarifs de roaming uniformes dans toute l’Union…
Les opérateurs postaux se facturent entre eux les prestations qu’ils réalisent les uns pour les autres. Il y a 50 ans, ils se facturaient entre eux des « frais terminaux », très bas - plus bas que leurs coûts -, et les opérateurs télécoms des « taxes de répartition » très élevées. L’ouverture des marchés et la recherche d’une meilleure efficacité a conduit à l’augmentation des premiers et à la baisse des seconds.
Encore aujourd’hui, le ratio tarifs intra-européens sur tarifs nationaux est sensiblement plus bas pour le courrier que pour la téléphonie mobile. La situation en matière de tarifs de colis transeuropéens est différente de celle du courrier.
En première analyse, ils apparaissent trop élevés. Pour la Commission européenne, au regard de l’objectif de mise en place d’un marché unique du e-commerce, c’est un problème. Le GRE postal va, dans la limite de ses pouvoirs
- peu importants sur ces sujets-là
- aider la Commission à comprendre pourquoi ces tarifs sont élevés, en clair s’ils correspondent à une rationalité économique ou s’il s’agit d’abus.
Mais sur ce sujet, le leadership appartient très clairement à la Commission.
Sur la question de l’allocation des coûts, le GRE a-t-il des pouvoirs plus affirmés ?
Nous sommes en effet dans le coeur de nos compétences et de nos missions. Les textes disent que les tarifs doivent être « orientés vers les coûts ». L’opérateur postal étant par essence un opérateur multiproduits, l’on voit bien en quoi la compréhension des coûts est centrale. Il s’agit de réfléchir tous ensemble pour mieux comprendre les règles d’allocations dans une logique d’inducteur de coûts économiques.
Vous avez aussi mentionné le service universel et les différences de TVA…
La question du coût du service universel est, elle aussi, centrale, en particulier pour les pays - environ une dizaine - où il y a eu libéralisation totale au 1er janvier 2011. Il s’agit d’évaluer les surcoûts de l’opérateur de service universel au regard de ses contraintes, sachant par ailleurs que, dans un certain nombre de pays, les régimes de TVA induisent des distorsions de concurrence au profit des opérateurs de service universel. Aujourd’hui, nous n’avons pas de méthode pour, le cas échéant, mettre sur le même plan ces deux éléments. Cela fait partie de nos travaux.
Ne serait-il pas plus simple que chaque Etat membre uniformise la TVA entre l’opérateur postal historique et les entrants ?
La TVA est un sujet fiscal. Il y a plusieurs années, la Commission a présenté un projet de directive sur l’uniformisation de la TVA, mais l’unanimité nécessaire pour ce genre de décision n’a pas été obtenue. Depuis, une jurisprudence de la CJCE a précisé les raisonnements à tenir pour justifier une exonération de TVA.
Maintenant, nous allons essayer de voir, dans un certain nombre de pays, pas forcément dans tous, dans quelle mesure il est possible d’évaluer l’avantage que procurent aux opérateurs postaux en charge du service universel, les différences de TVA. Cela suppose de faire un progrès méthodologique.
Revenons à la satisfaction des consommateurs, qu’allez-vous faire ?
L’idée est de voir si les différents indicateurs actuels de qualité de service sont calculés de la même façon, avec les mêmes méthodes et s’ils sont comparables. Quant à la surveillance du bon fonctionnement du marché, il s’agit en premier lieu d’améliorer le niveau de connaissance des marchés postaux dans les différents pays à travers des grilles d’analyses communes et des outils statistiques qui portent sur les mêmes objets.
Et l’accès au réseau ?
Cette question recouvre deux types de sujets.
D’un côté, l’accès aux informations essentielles (les changements d’adresses, les codes postaux, les boîtes postales, etc) du réseau des opérateurs historiques par leurs concurrents. De l’autre, l’accès des routeurs et des consolidateurs aux services de l’opérateur historique au regard des services auxquels les grands émetteurs – qui sont susceptibles de passer par ces intermédiaires - ont eux-mêmes directement accès. Les routeurs et les consolidateurs sont-ils défavorisés ou favorisés par rapport aux grands émetteurs ?
A travers l’Europe, les obligations nationales ne sont pas les mêmes. Il faut donc développer une compréhension commune de ce sujet.
On a le sentiment que le travail principal du GRE va être la création d’outils communs d’analyse !
Il s’agit en effet de développer et de partager des outils méthodologiques communs, d’harmoniser les méthodes d’analyses. Bref, de parler la même langue quand on évoque un sujet, pour ensuite, chacun dans nos pays respectifs, réguler en utilisant au mieux ces mêmes outils appliqués à des situations et des cadres réglementaires éventuellement différents.
En conclusion, peut-on être un régulateur postal sans être économiste ?
Pour ma part, je suis une économiste, je parle comme donc une économiste ! Mais le sujet postal est, dans tous les pays, éminemment passionnel. On ne peut donc ni espérer ni souhaiter qu’il devienne un sujet purement économique. Par contre, l’économie permet d’objectiver un certain nombre de choses et, à ce titre, je pense que le fait que les régulateurs initient et mettent en place des mécanismes d’analyse économique améliorera la qualité du débat politique.