Interrogé par Le Quotidien, le président de l’Arcep, le gendarme des télécommunications, révèle qu’un quatrième opérateur mobile pourra faire son entrée sur le marché réunionnais à l’occasion du lancement de la 4G en décembre 2016. Une mesure destinée à stimuler la concurrence. L’appel d’offres a été conçu en fonction.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a récemment annoncé qu'un appel d'offres allait permettre d'attribuer en 2016 les fréquences 4G à La Réunion. Son président, Sébastien Soriano, a accepté de répondre aux questions du Quotidien. Il est franchement incrédule sur le calendrier de suppression des coûts d'itinérance entre La Réunion et la métropole voté dans la loi.
Après plusieurs années d'attente, la 4G sera accessible au 1er décembre à La Réunion, pourquoi avoir autant attendu ?
" Le marché réunionnais est victime de son succès ! Pour la première fois, nous avons rencontré à La Réunion une situation inédite de rareté des fréquences, où les opérateurs se bousculent au portillon. Nous avons donc dû organiser un appel d'offres. Il faut noter que tous les lots ne sont pas absolument identiques : il y a trois lots premiums, avec des fréquences basses, et un lot un peu plus light. Ce choix est celui de la qualité du service plutôt que de l'éparpillement, pour favoriser une vraie dynamique concurrentielle. Les opérateurs ont jusqu'au 10 mai 2016 pour candidater. "
La fusion de SFR et de Numéricable, les questions relatives à la concurrence ont également retardé la mise en place de cette technologie à La Réunion ?
" Nous avons eu un tempo spécifique à La Réunion et à Mayotte en raison du rachat de SFR par Numericable et de la recomposition du paysage qui s'en est suivie, en particulier de la cession de la partie mobile d'Outremer Télécom au groupe Hiridjee, pour éviter la constitution d'un duopole. Car cette situation est la pire en termes de concurrence. Il a fallu du temps pour que cette vente se réalise et il en faudra encore pour que Outremer Télécom devienne pleinement indépendant de SRR. Nous surveillerons maintenant de près l'application du protocole de cession. "
Le choix du 1er décembre est-il lié au fait que les opérateurs ont besoin de proposer des offres 4G avant les fêtes de fin d'année ?
" Oui, il faut être pragmatique. Au début, nous avions prévu de le faire pour le 1er janvier 2017 mais en discutant avec les acteurs, nous avons pris en compte cette nécessité. Nous sommes conscients que notre calendrier entraine un décalage de quelques mois par rapport aux Antilles. Mais nous pensons que le jeu en vaut largement la chandelle pour les consommateurs réunionnais. C'est aussi pour cela que nous n'organisons pas d'enchère comme en métropole mais ce que nous appelons un " concours de beauté " entre opérateurs. C'est-à-dire que les attributaires ne seront pas choisis sur des critères financiers mais selon leur projet en faveur du consommateur et de l'investissement. "
Quel est le prix d'une fréquence 4G pour un opérateur réunionnais ?
" Il est sans commune mesure avec l'équivalent en métropole. Alors qu'une licence coûte plusieurs centaines de millions d'euros en métropole elle ne sera que de quelques centaines de milliers d'euros à La Réunion. Le gouvernement a fait ce choix pour éviter que le prix des abonnements - déjà trop élevé dans l'outre-mer - n'augmente encore. Si les fréquences sont à un prix aussi bas, c'est pour donner une chance à la concurrence, la seule option pérenne pour obtenir des prix satisfaisants pour le consommateur. Le jeu doit être ouvert et un quatrième opérateur peut même faire son entrée sur le marché. "
Le gouvernement - en faisant voter en octobre dernier la loi de modernisation du droit outre-mer - a annoncé la fin du roaming, ces coûts d'itinérance parfois prohibitifs entre La Réunion et la métropole. Qu'en pensez-vous ?
" Nous partageons pleinement l'ambition du Parlement mais le calendrier doit être adapté. Le modèle économique permettant de supprimer les coûts d'itinérance reste à construire. Sans cela, on pourrait souscrire un abonnement peu cher en métropole et l'utiliser sans restrictions à La Réunion, ce qui ferait une concurrence déloyale insupportable pour les opérateurs locaux. Il n'y a pas de baguette magique et il faut aller vers cette suppression par des étapes intermédiaires. Il faut mettre en place le règlement européen récemment adopté, qui prévoit déjà une baisse importante des tarifs dès le 30 avril 2016. Il faut le rappeler, cela va être un vrai gain de pouvoir d'achat pour les ménages et les entreprises. Puis il faudra attendre mi 2017 pour que les travaux techniques européens, encore en cours, définissent les modalités de suppression du roaming à l'intérieur d'un " usage raisonnable ". Autrement dit, il faut d'abord construire la tuyauterie avant d'ouvrir les robinets ! "
Propos recueillis par Julien Sartre