Le régulateur français des télécoms ambitionne d'accélérer la couverture du pays en très haut débit mobile en renforçant les obligations des opérateurs dans le cadre d'un examen anticipé du renouvellement de leurs précieuses fréquences, a déclaré mercredi à Reuters son président.
L'Arcep discute avec le gouvernement pour lancer dès à présent les discussions en vue du renouvellement des autorisations pour les bandes de fréquences mobiles 900 mégahertz, 1.800 mégahertz et 2.100 mégahertz dont l'échéance arrivera pour les premières à horizon 2021, a expliqué Sébastien Soriano.
S'il reconnaît l'effort d'investissement des opérateurs télécoms qui ont déboursé un montant record de près de 9 milliards d'euros dans leurs réseaux l'an dernier, le président de l'Arcep estime que la couverture mobile souffre encore d'insuffisances, en particulier dans les zones faiblement habitées.
"On rencontre une exaspération dans les zones vraiment rurales sur cette question de la couverture. Le mobile est devenu l'accès de référence pour la voix et pour la data, la demande sociale est là", explique Sébastien Soriano dans un entretien.
"C'est la raison pour laquelle nous avons ouvert un dialogue sur un enrichissement très significatif des obligations des opérateurs dans les zones rurales."
Le programme "zones blanches-centres-bourgs" engagé depuis plusieurs années a permis de résorber une partie des déficits de couverture. Au 30 juin, les opérateurs ont notamment tenu leur engagement d'apporter la 3G aux 4.000 centre-bourgs concernés à l'exception de trois communes, a indiqué l'Arcep dans un bilan diffusé mercredi.
Engagés dans une compétition à couteaux tirés, les opérateurs ont également mis les bouchées doubles pour déployer la 4G, y compris dans les zones peu denses où ils ont atteint les objectifs fixés dans leurs licences avec plusieurs années d'avance.
D'après leurs déclarations, SFR SFRGR.PA, Bouygues Telecom (Bouygues BOUY.PA), Orange ORAN.PA et Free Mobile (Iliad ILD.PA) couvraient respectivement en 4G 74%, 70%, 69% et 47% de la population dans ces zones, précise l'Arcep.
Mais c'est encore trop long aux yeux de nombreux élus locaux confrontés aux pressions de leurs administrés.
L'actuel gouvernement a fait de l'amélioration de la couverture fixe et mobile un enjeu prioritaire afin de lutter contre le sentiment d'abandon de certains territoire.
LES OPÉRATEURS PRIÉS DE RENDRE LEUR COPIE
Lors de la conférence nationale des territoires mi-juillet, le président Emmanuel Macron a fixé un nouvel objectif en 2020 pour garantir une couverture fixe en haut et très haut débit à l'ensemble du territoire.
Le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard a quant lui déclaré mardi devant une commission au Sénat qu'il souhaitait que la 4G puisse être accessible partout en 2020, ce qui nécessiterait selon lui la construction de 10.000 "poteaux" supplémentaires.
Des réunions ont eu lieu avec les opérateurs télécoms, qui ont été priés de présenter leur feuille de route d'ici la fin de ce mois afin que le gouvernement fixe les objectifs courant septembre.
S'il s'est dit prêt à accompagner la volonté d'accélération du gouvernement dans la fibre optique, le président de l'Arcep juge pour sa part essentiel d'améliorer la couverture en 4G.
Ressources rares et convoitées, les fréquences pourraient constituer un argument massue pour les pouvoirs publics dans leurs discussions avec des opérateurs qui peuvent, eux, faire valoir qu'ils respectent l'essentiel de leurs obligations actuelles dans le mobile.
"Le dialogue que nous ouvrons avec le gouvernement et que nous allons donc couvrir avec les opérateurs aussi, ce serait d'avoir maintenant un examen du renouvellement de ces fréquences et que, dans ce cadre, on puisse renforcer les obligations de ces fréquences en échange de leur renouvellement", a expliqué le président de l'Arcep, en précisant que ces discussions seraient d'application immédiate.
Ce renouvellement anticipé pourra donner davantage de visibilité aux opérateurs sur leurs investissements, plaide le président de l'Arcep.
Les opérateurs pourraient aussi utiliser cette négociation pour faire valoir leurs demandes en matière fiscale, notamment sur un plafonnement de la taxe sur les antennes (Ifer), ou pour obtenir un assouplissement de la réglementation en matière d'urbanisme afin de faciliter le déploiement d'antenne, explique une source du secteur.
Propos recueillis par Gwénaëlle Barzic