Paris, 24 juin 2015,
Numérisation de l'économie, internet des objets, neutralité du net: face à ces nouveaux enjeux, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a lancé une réflexion de fond sur ses priorités, explique à l'AFP son président, Sébastien Soriano.
L'Union européenne comme le gouvernement français veulent renforcer les garanties sur la neutralité du net, quel rôle l'ARCEP va-t-elle jouer sur ce plan ?
Internet est un espace d'expression et de création qui est devenu indispensable au fonctionnement même de la société, il est donc nécessaire de s'assurer que cet espace n'est pas accaparé par des intérêts privés.
L'ARCEP est aujourd'hui le garant de la neutralité du net. Avec le texte en discussion à Bruxelles concernant le Marché Unique des Télécoms, nous serons amenés à avoir potentiellement de nouvelles compétences pour nous permettre de garantir pleinement cette neutralité.
Pour l'heure, nos outils sont limités car le pari fait avec la directive de 2009 était celui d'une forme autorégulation. Ce qui est en train de se décider actuellement, c'est d'ajouter un second niveau en disant qu'il faut non seulement de l'autorégulation mais également une vraie régulation, en imposant des règles sur la gestion du trafic. On passerait d'un cadre dans lequel, si les acteurs se mettent d'accord, il n'y a pas de problème, à un cadre où des obligations s'imposent aux opérateurs et pour lesquelles nous auront la capacité d'en vérifier le respect.
En la matière, l'Europe peut adopter un texte au moins aussi ambitieux que celui adopté aux Etats-Unis et ce sans entraver la capacité des opérateurs.
Vous souhaitez également renforcer la régulation du marché des services de télécommunications pour les entreprises, il reste beaucoup de progrès à faire dans ce domaine ?
Avec la numérisation de l'économie, la régulation des réseaux numériques pour les entreprises prend une acuité nouvelle. Aujourd'hui, tous les secteurs de l'économie sont transformés par le numérique, toutes les entreprises seront +impactées+ demain avec une évolution de leurs usages et de leurs stratégies.
Nous souhaitons donc disposer d'une instance de dialogue avec les entreprises pour nous aider à mieux comprendre les problématiques et leurs besoin et, si nécessaire, adapter notre régulation.
Ce que l'on pressent, c'est que les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaire, ndlr) n'ont pas forcément la même qualité d'accès au réseaux que les TPE (très petites entreprises, ndlr) ou les grands groupes, pour différentes raisons, c'est ce milieu de marché auquel on souhaite s'intéresser pour nous assurer qu'il est bien desservi.
Autre domaine en plein essor, l'internet des objets, suscite-t-il une attention particulière de la part de l'ARCEP ?
L'internet des objets, c'est le nouvel horizon des réseaux, le grand défi de la régulation de demain. Aujourd'hui, une majorité d'Humains sont connectés, en 2020 on estime qu'il y aura 40 fois plus d'objets connectés que d'Humains, et ce n'est qu'un début. Il y aura une vraie révolution pour les particuliers mais aussi parce que tous les secteurs de l'économie seront bouleversés.
Nous, en tant que régulateurs des réseaux, on se doit être en avance face à ces innovations, d'abord de les comprendre. Il ne s'agit pas de réglementer par principe mais de mieux accompagner son développement.
Nous devons également nous pencher sur les modèles économiques des entreprises afin de mieux voir celles qui entrent dans notre domaine de régulation ou non.
Propos recueillis par Erwan LUCAS