En quoi les terminaux nuisent-ils à la neutralité d'Internet ?
L'enjeu se situe surtout au niveau des smartphones. Dans le monde de l'Internet fixe, à la maison, l'utilisateur a une grande maîtrise des équipements informatiques et logiciels. Mais, dans celui des mobiles, tout est plus compact et contrôlé par le fabricant ou exploitant du système d'exploitation (iOS, Android...).
Il est normal qu'avec un doigt et un écran on fasse moins de choses qu'avec une souris, mais, avec le smartphone, l'utilisateur a perdu de la marge de manoeuvre et le contrôle d'accès au contenu ou applicatif. Cela pose question au moment où le mobile devient l'accès Internet de référence et où l'intelligence artificielle va rendre les terminaux de plus en plus intelligents.
Concrètement, quels sont les risques ?
Par exemple, demain, quand vous entrerez dans votre voiture et que vous demanderez à votre assistant vocal de jouer tel ou tel morceau de musique, c'est lui qui va choisir s'il vous dirige vers Spotify, Qobuz ou Deezer. On va évoluer de plus en plus dans un monde où les terminaux vont faire les choix à notre place. On aura de moins en moins de contrôle. C'est vrai pour le consommateur et aussi pour les entreprises. Heetch affirme ne pas pouvoir maintenir un accès universel sur iPhone à cause des mises à jour trop complexes à faire sur l'ensemble des versions iOS. Ceux qui ont des iPhone trop anciens n'ont plus accès à ses services. Spotify ne peut pas avoir accès aux données de ses clients du fait de contraintes qu'Apple impose dans l'Apple Store...
Faut-il donc réguler les terminaux ?
Je pense que la réponse n'est pas dans la réglementation, car celle-ci s'appliquerait aux petits comme aux grands et cela serait néfaste. La question, c'est comment on fait pression pour changer certaines pratiques. Je suis un grand promoteur de la régulation par la data, par exemple par la notation, comme proposé par le Conseil national du numérique. Plutôt que de réglementer ces acteurs, notons-les pour donner au consommateur la possibilité de choisir. C'est la première étape qui nous paraît la plus souhaitable.
Vous allez au-delà de votre rôle en vous posant la question de la question de la neutralité des terminaux...
J'assume pleinement : l'Arcep est plus dans l'interpellation que dans la régulation sur ce sujet des terminaux et de leurs systèmes d'exploitation. Je rappelle toutefois que nous avons un pouvoir de régulation de la neutralité du Net. Nous protégeons Internet comme un bien commun, et c'est à ce titre qu'on s'est intéressé aux terminaux. Il aurait fallu être borgne pour ne se limiter qu'au seul sujet des réseaux. Si, aujourd'hui, on lance un pavé dans la mare, c'est surtout pour sonner l'alarme sur des sujets qui nous préoccupent.
Propos recueillis par Fabienne Schmitt
→ L'article du journal Les Echos