Prise de parole - Discours

"Notre approche de régulateur est celle d’un dialogue nourri et constructif avec les prestataires de services d’intermédiation de données, afin de mettre en œuvre une régulation pragmatique et réactive, au plus proche des réalités du terrain."

Discours d'ouverture de la matinale de l’intermédiation de données de Laure de La Raudière, présidente de l'Arcep, évènement organisé par l’AID (Association pour l’intermédiation de données) le 19 novembre 2024.

Madame la Directrice Générale Adjointe de la Caisse des dépôts et consignations,

Monsieur le Président de l’AID,

Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureuse d’être avec vous ce matin pour cet évènement organisé par l’AID (association pour l'intermédiation de données), et je veux tout d’abord à la fois féliciter la Caisse des Dépôts et Consignations pour son engagement à accompagner le développement des intermédiaires de données et aussi remercier l’association et son président, Sébastien Picardat, pour le travail et la mobilisation qu’ils effectuent, afin d’animer l’écosystème de l’intermédiation de données en France. Ce sont des interlocuteurs précieux pour l’Arcep.

Depuis la promulgation de la loi "Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique" (SREN) en mai dernier, l’Arcep s’est vu confier de nouvelles missions, celle de réguler les services cloud et les prestataires de services de données. Ces missions rejoignent notre engagement de longue date à l’ouverture des écosystèmes numériques et aussi à favoriser l’innovation et la concurrence et dans ce secteur, notamment grâce aux échanges de données.

Depuis plus de dix ans maintenant, on parle d’économie de la donnée. Ce concept est désormais dépassé, tant l’usage de la donnée irrigue déjà l’ensemble de notre économie.

Désormais je pense que l’on peut parler d’une économie par la donnée. C’est dans ce contexte plus nouveau, que s’inscrivent pleinement les ambitions de l’Association pour l’Intermédiation de données et ses adhérents, et aussi les règles issues du Data Gouvernance Act qui viennent donner un cadre à cette nouvelle économie.

C’est aussi ce que croit la Commission Européenne dans sa stratégie européenne pour la donnée de 2020. Les intermédiaires de données dans le développement joueront selon elle un rôle crucial dans le développement de cette économie.

Pourquoi ? Parce que les intermédiaires de données sont neutres et que leur statut et en particulier le label apportent les éléments de sécurité tant juridiques que techniques aux échanges de données.

Nous sommes très enthousiastes à l'idée d'accompagner le développement de ce nouveau secteur, qui va apporter des innovations dans des secteurs très variés.

Nous avions même anticipé l’adoption de la loi : elle a mis un peu de temps comme vous le savez… Et dès le vote au Sénat nous avons commencé à travailler. Léo Quentin, qui va intervenir dans la prochaine table ronde, travaille sur cette nouvelle mission depuis fin 2023, et a beaucoup échangé avec les acteurs membres de l’AID pour comprendre les attentes, les craintes aussi, vis-à-vis du régulateur dans la mise en place du DGA en France. Il y avait de l’impatience de l’écosystème à ce que le régulateur soit prêt…

Et en pratique, nous avons ouvert la plateforme pour permettre aux prestataires de services d’intermédiation de données de se notifier en France, pour toute l’Europe, et de demander leur labellisation le jour de la promulgation de la loi « Sécuriser et réguler l’espace numérique ».

Notre approche de régulateur est celle d’un dialogue nourri et constructif avec les prestataires de services d’intermédiation de données, afin de mettre en œuvre une régulation pragmatique et réactive, au plus proche des réalités du terrain.

Mais nous sommes aussi très attachés à la robustesse de nos procédures dans le but de garantir la confiance dans la labellisation : nous ne prenons pas les critères à la légère, bien évidemment, et notamment en ce qui concerne la neutralité des intermédiaires ou la sécurité des données.

Sur un sujet tel que celui du partage de données, mais c’est globalement vrai pour les autres sujets numériques, nous coordonnons nos travaux avec les autres régulateurs français : bien évidemment avec la CNIL, comme c’est prévu dans la loi pour l’articulation avec le RGPD lorsqu’il y a partage de données personnelles, mais également des régulateurs sectoriels comme l’ANSSI ou l’ACPR.

L’Arcep s’implique aussi fortement au niveau européen, en particulier au sein du Comité européen d’innovation en matière de données (le European Data Innovation Board), nous y jouons un rôle moteur, partageons les meilleurs pratiques et défendons aussi nos positions. Ces travaux sont en effet cruciaux pour assurer une mise en œuvre homogène du DGA (Data Governance Act).

C’est essentiel pour éviter une concurrence réglementaire entre Etats membres, mais c’est aussi essentiel pour les prestataires de service d’intermédiation de données, dont l’activité repose sur la confiance des clients, comme je l’ai dit. Si le label ne vaut rien dans un pays, c’est tout le développement de ce statut et de cette nouvelle économie qui sera entravé. Je me réjouis donc que des positions communes ont déjà pu être adoptées au sein de l’EDIB sur les critères de labellisation ou encore de qualification en tant que prestataire de services d’intermédiation de données.

Quelle est notre feuille de route en 2025 ?

L’année 2025 doit aussi permettre de dépasser ce premier cercle, et de renforcer l’effort l’évangélisation du marché. L’Arcep souhaite y prendre sa part, notamment pour tendre vers une application équitable du DGA et une saine concurrence sur le marché de l’intermédiation de données.

Nous allons aussi poursuivre des travaux sur les modèles économiques des intermédiaires de données et de l’économie de la donnée en général. Et je dois dire que c’est difficile de ne pas penser à la situation d’AgDataHub. C’est toujours très compliqué d’être pionnier sur un marché, mais la mise en liquidation d’Agdatahub soulève des interrogations. Je regrette d’autant plus cette situation qu’AgDataHub, par ses travaux et son rôle dans la création de l’AID, a ouvert la voie à bon nombre d’intermédiaires de données.

Au cœur de la mise en œuvre de la stratégie européenne pour la donnée, que l’Arcep soutient, cette question du modèle économique des prestataires d’intermédiations de données est un sujet de préoccupation collective. Les travaux menés par l’université Paris-Dauphine et le rapport dirigé par Laura Letourneau sur les infrastructures publiques de partage de données pourront constituer les fondements de nos réflexions en 2025, et je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’échanger à ce sujet dans les mois qui viennent.

En 2025, nous allons aussi continuer la mise en œuvre du DGA, et en premier lieu la mission de recueil des notifications et de traitement des demandes de labellisation. J’espère vraiment que le France sera le fer de lance du développement de ce modèle d’économie par la donnée. J’espère que nous verrons en 2025 des intermédiaires labellisés innovants se développer au bénéfice de notre économie.

Je ne voudrais pas conclure sans évoquer aussi un autre texte important pour l’économie par la donnée qui va entrer en vigueur en 2025, le règlement européen sur les données (Data Act). Ce texte constitue une nouvelle pièce centrale de la stratégie européenne pour la donnée, et l’Arcep est susceptible de jouer un rôle central dans sa mise en œuvre. En tous cas, je le souhaite.

Ce texte va permettre, en particulier, aux utilisateurs d’objets connectés d’accéder aux données qu’ils génèrent. Cela devrait contribuer à un contrôle accru des utilisateurs sur leurs données et de permettre ainsi une économie de la donnée plus concurrentielle pour faciliter l’émergence de nouveaux acteurs d’émerger, d’apporter de nouveaux services au bénéfice de l’ensemble de l’économie Dans ce cadre, les prestataires de services d’intermédiation de données pourraient ainsi voir leur rôle se renforcer.

Je l’espère car la France est aujourd’hui en avance.

Des 11 prestataires de services d’intermédiation de données notifiés en Europe, 7 l’ont été en France. Et le traitement est en cours pour les deux premiers dossiers de labellisation. Il s’agit d’un frémissement, je veux y voir une dynamique qui s’amorce. En tous cas, pour l’écosystème français, c’est prometteur.

Vous, membres de l’association pour l’intermédiations de données, êtes des pionniers d’une nouvelle économie, et déjà des secteurs très variés, présents dans l’association, se sont emparés de ce nouveau cadre : agriculture, logistique, emploi et formation, santé, immobilier… Cela donne une première perspective des marchés susceptibles de se développer, et les modèles d’affaires que vous allez développer seront, je l’espère, des vitrines, des exemples, pour d’autres secteurs.

Je souhaite conclure en remerciant à nouveau l’association pour l’intermédiation de données, l’AID, pour le rôle important qu’elle joue dans la dynamique française. Je veux vous remercier aussi pour le le dialogue constructif établi avec l’Arcep, pour votre aide dans la compréhension de ce nouveau marché.

Je vous souhaite à tous une bonne matinée d’échanges. Je vous remercie.