Messieurs les ministres, Mesdames, Messieurs,
Cela a été rappelé : l’empreinte « carbone » du numérique représente environ 2,5% de l’empreinte carbone totale en France en 2020. Cela peut paraitre peu, mais l’analyse prospective effectuée dans le cadre du 3ème volet de l’étude ADEME ARCEP présenté aujourd’hui montre que sa croissance est exponentielle. C’est le fait de la multiplication des terminaux connectés et des usages du numérique.
Il nous parait dès lors essentiel que le secteur du Numérique, qui peut, par des services innovants, contribuer à apporter des solutions face aux enjeux climatiques, ne s’exonère pas pour autant des efforts à faire pour réduire lui-même son impact environnemental.
C’est pour cela que l’Arcep a ouvert depuis plusieurs années, un nouveau chapitre de la régulation avec la prise en compte des enjeux environnementaux du numérique.
En complément des études et actions menées en collaboration avec l’ADEME, et avec l’ARCOM aussi, que Boris Ravignon a rappelées, quels sont nos principaux axes de travail sur ce sujet ?
- Le premier est celui de la mesure de l’impact environnemental, afin de pouvoir pour poser un diagnostic fiable et évaluer les leviers d’action pertinents.
En effet, quand nous avons commencé à travailler sur les enjeux environnementaux du numérique, il nous est apparu qu’il y avait encore peu de données disponibles sur ce sujet.
Un de nos premiers objectifs est donc de disposer de données fiables et de méthodologies robustes pour mesure l’impact environnemental du numérique. Cela nous semble en effet nécessaire de mieux évaluer les différentes sources d’impact afin d’identifier les leviers d’actions les plus pertinents.
Grâce à la loi REEN2, votée en décembre 2021, notre pouvoir de collecte de données environnementales est élargi à l’ensemble des acteurs du numérique.
Cette année, nous avons commencé à élargir notre collecte de données environnementales aux fabricants de terminaux et opérateurs de centres de données en plus des opérateurs de communications électroniques. D’autres secteurs viendront progressivement enrichir la collecte.
La publication qui sera associée à cette collecte, l’enquête annuelle « pour un numérique soutenable », contribue à l’objectif de mesure de l’impact environnemental que nous nous sommes fixés.
Cette publication annuelle vise en effet à assurer l’information de l’ensemble des acteurs du secteur et des pouvoirs publics et ainsi de permettre la mise en œuvre de politiques adaptées par les pouvoirs publics ; d’inciter les acteurs économiques à des comportements plus vertueux ; mais aussi de sensibiliser les consommateurs sur l’empreinte environnementale de leurs équipements et de leurs usages numériques
La première édition de l’enquête annuelle à partir des données collectées auprès des opérateurs nous a permis de montrer que les abonnés au réseau fibre consomment 4 fois moins d’énergie que les abonnés au réseau cuivre par exemple. L’enjeu de la fermeture du réseau cuivre est donc non seulement économique mais aussi environnemental : le réseau fibre est plus sobre que le réseau cuivre. Cela donne du crédit à la démarche de fermeture du réseau cuivre que l’Arcep accompagne.
Par ailleurs, l’Arcep suit de près le sujet du reconditionnement des équipements terminaux, sur lequel peu de données existent. A cet égard, elle interroge déjà les opérateurs de communications électroniques pour suivre à la fois la collecte de téléphones dans un but de reconditionnement et les ventes de téléphones reconditionnés. En effet, l’étude réalisée conjointement avec l’ADEME, a évalué que les terminaux représentent entre 65% et 80% de l’empreinte environnemental total du numérique, notamment du fait de la phase de fabrication qui pèse pour les ¾ de l’empreinte des terminaux. Toute action visant à accroitre la durée de vie des terminaux est donc à favoriser.
Avec la collecte de données sur le reconditionnement, l’Arcep examine, chaque année, la progression du reconditionné. Le but est d’identifier les éventuels obstacles rencontrés par cette filière pour faire des recommandations de politiques publiques.
- Le deuxième axe de travail est bien sûr celui de la prise en compte des enjeux environnementaux dans la pratique de régulation de l’Arcep
Comment nos choix de régulation peuvent-ils favoriser une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux, tout en assurant aussi les autres objectifs de la régulation ?
Je vais vous donner un premier exemple de choix simple que nous avons effectué cette année.
Chaque année, nous faisons effectuer par un prestataire des campagnes de mesure sur la qualité des services mobiles, avec plusieurs séries de mesures : couverture et qualité Voix et SMS, couverture et qualité en service Data, avec différents tests réalisés. Nous publions les résultats annuellement afin d’éclairer le choix des consommateurs et de valoriser les investissements réalisés par les opérateurs dans le développement des réseaux mobiles.
Jusqu’à présent, nous mesurions le débit « moyen ». Dans la mesure où la généralisation de la 4G et le développement de la 5G permettent d’atteindre des débits maximaux très élevés, supérieurs au besoin pour la plupart des usages mobiles, l’Arcep a l’intention de renoncer, à partir de 2023, à la publication de cet indicateur de « débit moyen » qui incite à une course au débit, susceptible d’induire un impact environnemental (déploiement d’équipements, augmentation de la consommation électrique, …), alors que le bénéfice pour le consommateur de débits très élevés pour mobile n’est pas avéré.
Cela ne nous parait plus pertinent de remplacer cet indicateur par un nouvel indicateur plus représentatif des usages : pourcentage des tests de connexion ayant permis de mesurer un débit supérieur à un certain seuil, pour un ensemble de seuils caractérisant les débits nécessaires aux usages les plus courants (par exemple, 3 Mb/s pour la consultation de pages web, 8 Mb/s pour le visionnage de vidéos en streaming, 30 Mb/s pour le téléchargement d’un très gros fichier, …).
Nos travaux s’inscrivent aussi dans une démarche collaborative pour favoriser à la prise de conscience collective :
Cette étude ADEME ARCEP en est un exemple, et par la communication qui en est faite, contribue, à la prise de conscience collective. J’en profite pour remercier les services de l’ADEME pour le travail effectué avec les services de l’Arcep, depuis plus de 2 ans.
Boris Ravignon a aussi rappelé les travaux que nous menons conjointement avec l’ADEME et l’Arcome, qui sont autant d’actions visant à donner des outils aux citoyens et aux acteurs pour mieux prendre en compte l’enjeu de l’impact environnemental du numérique.
Nous constatons aussi que des acteurs commencent à s’emparer du sujet. Tous les opérateurs grand public sont maintenant actifs dans la collecte de terminaux et dans le reconditionnement. On commence aussi à voir l’émergence de propositions d’abonnements mobiles facturant la consommation réelle de data, participant ainsi à la sensibilisation des utilisateurs dans leurs usages, et notamment dans l’action vertueuse d’utiliser systématiquement le Wifi, plutôt qu’un réseau mobile quand c’est possible.
Par ailleurs, toutes ces actions n’auraient pas de sens, si l’enjeu du « numérique soutenable » n’était pas envisagé au niveau international. L’Arcep a été en particulier très moteur, pour que le BEREC en fasse une de ses priorités de travail, et l’Arcep co-préside d’ailleurs le groupe « Sustainability ». Nous sommes aussi force de propositions, aux côtés du gouvernement, dans d’autres instances internationales.
En conclusion, l’Arcep est pleinement engagée sur l’enjeu de l’impact environnemental du numérique, et s’intéresse aujourd’hui aux voies et moyens de concilier cet enjeu, avec les objectifs de régulation que sont ceux de d’une juste concurrence et d’une connectivité de qualité par tout.
Ces voies et moyens nécessitent bien évidemment une réflexion collective et des choix politiques, puisque cela concerne notre société et les choix qu’elle fera.