Pourquoi vous préoccupez-vous aujourd’hui des tarifs mobiles à l’international alors que le sujet est connu depuis longtemps ?
L’action de l’Arcep ne peut porter que sur le marché de gros sur lequel un opérateur étranger achète pour son client qui voyage en France une prestation d’itinérance à un opérateur mobile français. Une action unilatérale de l’Arcep pourrait donc se faire au bénéfice d’un touriste allemand en France, mais n’aurait pas d’impact pour les Français qui voyagent en Europe… Il convient donc de privilégier une action concertée au niveau européen avec une implication forte de la Commission européenne, cette question étant au coeur de la construction du grand marché unique. Il était donc nécessaire d’attendre que la majorité des régulateurs ait achevé le coeur de leurs analyses de marchés pour être en mesure de s’atteler à ce chantier très complexe – l’analyse que nous présentons aujourd’hui représente un an de travail.
Comment analysez-vous le peu d’empressement de Bruxelles sur cette question ?
Le parlement européen a demandé à la Commission de se saisir du problème, mais celle-ci semble hésiter sur la méthode. Lorsque les 25 régulateurs et la Commission se sont réunis au printemps dernier pour s’échanger les données sur les marchés des appels mobiles internationaux, le constat était clair : tant les prix de détail que les prix de gros constatés sont très élevés, quasiment figés depuis des années et très supérieurs - de trois à quatre fois en général - aux coûts de production ! Le surcoût de l’itinérance internationale pour les opérateurs mobiles n’est au plus que de quelques centimes. La Commission a pris l’initiative de créer un site internet exposant les tarifs de détail en vigueur dans l’Union. Si une action en faveur de la transparence des tarifs de détails peut être utile, elle ne saurait suffire à résoudre le dysfonctionnement de ces marchés.
Qu’attendez-vous de la Commission européenne ?
Contrairement aux autres marchés, ici les spécificités nationales sont quasiment inexistantes. Il y a vingt-cinq marchés nationaux mais ils fonctionnent tous à l’identique. La Commission européenne est donc légitime – elle en a même la responsabilité – de s’impliquer en amont pour structurer le processus d’analyse des marchés sur l’ensemble de l’Europe. Il lui appartient de clarifier s’il existe une voie juridique pour réguler les prestations de gros d’itinérance internationale. Celle-ci reposerait sur une acceptation plus large de la " puissance conjointe ". Les directives confèrent à la Commission un droit de veto en la matière mais ne lui interdise en aucune façon de s’impliquer activement dans les analyses de marchés. Elle doit donc prendre ses responsabilités et indiquer la voie à suivre. La Commission devrait par ailleurs se pencher sur les alliances mises en place par les opérateurs qui conduisent à la création d’un oligopole au niveau européen.
Quels seraient les solutions que vous pourriez privilégier ?
Dans le cadre d’une action concertée, notre préférence va à une intervention qui s’inscrirait dans le cadre réglementaire actuel, aboutissant à plafonner les prix de gros selon la règle des prix non excessifs. Instaurer une orientation vers les coûts ne nous paraît pas nécessairement la bonne solution. Mais la Commission pourrait proposer d’instaurer des prix plafonds via un nouveau règlement européen comme elle l’avait fait pour le dégroupage ou lorsqu’il s’agissait de réduire les frais sur les virements bancaires entre les pays de l’Union.
Propos recueillis par Guillaume de Calignon, Jean-Baptiste Jacquin et Sophie Sanchez.