Mesdames, Messieurs,
Le secteur des communications électroniques connaît, de manière successive, des cycles d’innovation qui engendrent des cycles d’investissement. Aujourd’hui, les réseaux d’accès de nouvelle génération (NGA) ouvrent ainsi un nouveau cycle, caractérisé par le remplacement des lignes de cuivre par une boucle locale en fibre optique.
Afin de garantir la mise en place d’une concurrence pérenne, il est indispensable qu’un nombre suffisant d’opérateurs prennent part à ce nouveau cycle d’investissement. La montée dans l’échelle des investissements est un objectif atteignable. La régulation du haut débit, centrée sur le dégroupage de la boucle locale, a encouragé les opérateurs à investir dans le déploiement de réseaux de fibre au niveau national et régional. Ces opérateurs disposaient d’un espace économique suffisant dans les zones dégroupées pour investir dans leurs propres infrastructures. La concurrence a donc pu jouer sur toute la chaine de valeur, à l’exception de la boucle locale. Avec les réseaux FttH, la concurrence sur la chaîne de valeur peut s’étendre jusqu’à la boucle locale. Concrètement, cela veut dire que le déploiement de plusieurs boucles locales en fibre optique, dupliquées sur une partie significative du territoire, ne nous semble pas hors de portée.
En particulier, l’ARCEP estime que la séparation verticale de l’opérateur historique n’est pas une solution appropriée, car elle entérinerait un monopole en amont, là où une concurrence serait pourtant possible.
Nous avons identifié trois questions majeures pour les déploiements FttH :
- pour faciliter les déploiements sur le domaine public, la première est l’accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom (chambres, fourreaux…) ;
- pour faciliter les déploiements sur le domaine privé, et donc dans les immeubles, la deuxième est la mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre jusqu’aux logements des abonnés ;
- la dernière question concerne l’intervention des collectivités locales, qui peuvent jouer un rôle décisif dans la couverture de leur territoire en FttH.
Vous aurez donc compris que le mot d’ordre de notre politique est la concurrence par les infrastructures, qui va nécessiter une certaine mutualisation des coûts.
L’accès au génie civil
L’accès aux infrastructures de génie civil peut considérablement changer l’équation économique pour le déploiement d’une nouvelle boucle locale en fibre optique. Le génie civil (les tranchées et la pose de fourreaux dans les rues) est en effet le poste de coûts le plus important. Il représente entre 50% et 80% du coût total par abonné.
Il n’est donc pas économiquement envisageable pour un opérateur de reconstruire l’intégralité du génie civil. Aujourd’hui, les opérateurs se servent d’ailleurs des infrastructures existantes pour leurs déploiements en fibre. France Télécom utilise ses propres fourreaux hérités de l’ancien monopole public (et largement utilisés pour les lignes cuivre) pour déployer de la fibre, tandis que les opérateurs alternatifs sont limités aux zones où des infrastructures alternatives existent, comme par exemple à Paris avec les égouts visitables, ou à Montpellier avec les fourreaux appartenant à la collectivité.
L’ARCEP considère que le génie civil de France Télécom constitue une infrastructure essentielle, et que son accès doit être garanti à tous les opérateurs dans des conditions non discriminatoires.
Afin d’évaluer la disponibilité des fourreaux du génie civil de France Télécom, l’ARCEP a lancé un audit sur 10 villes en France. Environ 1000 chambres ont ainsi été auditées. La conclusion de cet audit est que le génie civil de France Télécom offre une disponibilité satisfaisante.
Il semble donc possible que plusieurs opérateurs déploient dans les fourreaux de France Télécom, aux conditions suivantes :
- l’utilisation de règles d’ingénierie appropriées qui optimisent l’espace disponible pour la fibre ;
- un accès aux fourreaux transparent, non discriminatoire et orienté vers les coûts ;
- la mutualisation d’une partie des coûts : par exemple, en partageant des études ou des travaux.
Si ces conditions sont réunies, plusieurs opérateurs devraient pouvoir déployer leurs réseaux FttH.
Aujourd’hui, France Télécom s’est engagée à donner accès à ses fourreaux dans des conditions non discriminatoires. France Télécom a ainsi communiqué la première version de son offre aux principaux opérateurs en décembre 2007.
Les principes de l’offre sont encourageants. Pour donner accès à ses infrastructures, France Télécom communique aux opérateurs toute l’information dont elle dispose elle-même, par exemple les cartes localisant les chambres et les fourreaux. Des expérimentations sont en cours : les opérateurs ouvrent en ce moment les chambres de France Télécom pour faire des études de disponibilité et mettre au point leurs plans de déploiement. En fonction du retour de ces expérimentations, France Télécom fera évoluer son offre et en publiera, à l’été prochain, une nouvelle version, qui sera pleinement opérationnelle.
En parallèle, l’ARCEP a commencé une nouvelle analyse de marché du haut débit et du très haut débit. Conformément à la nouvelle recommandation de la Commission, l’ARCEP a défini un nouveau marché pertinent comprenant l’accès à toutes les infrastructures passives de la boucle locale, à savoir la boucle locale cuivre et la sous-boucle d’une part, la fibre et les fourreaux d’autre part. Selon l’ARCEP, le remède approprié pour ce marché est le dégroupage de la boucle locale cuivre, et l’accès aux infrastructures de génie civil de France Télécom, de manière transparente, non discriminatoire, et à un tarif orienté vers les coûts. L’ARCEP a lancé une consultation publique sur cette nouvelle analyse de marché, dont les résultats seront publiés prochainement.
L’accès aux immeubles
L’accès aux immeubles constitue aujourd’hui un goulot d’étranglement majeur, et cela concerne tous les acteurs. Les déploiements FttH nécessitent en effet de câbler de nouveau l’intérieur des immeubles et des appartements. Il est peu probable qu’il y ait plus d’un déploiement à l’intérieur des propriétés privées, et ce pour deux raisons :
- la première est que cela ne sera pas partout viable économiquement ;
- la seconde est que les copropriétaires et gestionnaires de l’immobilier donneront rarement accès à plus d’un opérateur.
Ainsi, la mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre optique est nécessaire. Concrètement, cela veut dire qu’un seul opérateur pose la fibre dans l’immeuble, et qu’il donne accès à son réseau aux autres opérateurs.
Aujourd’hui, le cadre législatif français actuel ne prévoit pas la mutualisation et l’ARCEP n’est pas compétente pour l’imposer. Le gouvernement a récemment annoncé une proposition de loi visant à obliger les opérateurs à mutualiser la partie terminale des réseaux de fibre optique, sous le contrôle de l’ARCEP.
Depuis le début de l’année, l’ARCEP a engagé des travaux techniques avec les opérateurs, afin de définir les modalités de la mutualisation et les points adéquats où elle pourrait s’effectuer.
D’une part, ces points de mutualisation doivent se situer suffisamment près des logements pour favoriser la concurrence par les infrastructures. Cependant, il n’est pas certain que la mutualisation du câblage interne dans les immeubles et l’accès aux fourreaux seront suffisants pour garantir une concurrence pérenne, en particulier dans les zones moins denses.
Le rôle des collectivités
Je souhaiterais enfin parler d’un autre acteur majeur dans ce nouveau cycle d’investissement, à savoir les collectivités locales. Elles disposent de leviers importants pour encourager les déploiements FttH :
- en tant que gestionnaire du domaine public, elles peuvent accorder des droits de passage, fournir des informations locales, coordonner les travaux et inciter au partage, autoriser le génie civil allégé, faciliter les négociations avec les syndics ;
- elles peuvent en outre poser des fourreaux pour les mettre à disposition des opérateurs ;
- elles peuvent enfin aller jusqu’à déployer de la fibre.
Certaines collectivités se sont d’ores et déjà mobilisées pour accélérer le déploiement d’une nouvelle boucle locale en fibre optique sur leur territoire.
À ce stade, les interventions au niveau des réseaux sont à entreprendre avec précaution. La Commission Européenne n’a pas encore défini les règles concernant l’intervention publique dans les réseaux d’accès en fibre optique, et la jurisprudence actuelle apporte peu de réponses. Il s’agit de calibrer les modalités et le calendrier des interventions publiques pour qu’elles aient in fine un effet de levier sur l’investissement privé.
Je vous remercie de votre attention.