Les barbares, ce sont ces entrepreneurs qui révolutionnent tous les secteurs d’activités, industries comme institutions, qu’ils traversent. Leur arme : le numérique !
Si certains secteurs comme l’industrie du disque ou les voyages sont déjà convertis, d’autres sont en train d’y goûter.
En novembre 2015, l’Arcep et The Family ont invité la multitude à prendre d’assaut la citadelle de la régulation !
Avec les analyses de…
- Nicolas Colin, Co-Fondateur & Partner de The Family
- Yann Algan, économiste, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris
… et les témoignages de régulateurs d’ici et d’ailleurs :
- Anne Yvrande-Billon, vice-présidente de l’ARAFER (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières)
- Daniel Gordon, senior director de la CMA (Competition and market authority, UK)
- Jean-Claude Huyssen, directeur des agréments, des autorisations et de la réglementation de l’ACPR (autorité de contrôle prudentiel et de résolution)
- Sébastien Soriano, président de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes)
La tribune de Sébastien Soriano, président de l'Arcep
Le numérique est une source inépuisable d’opportunités. En moins d’une génération, la mise en réseau planétaire des individus a permis l’apparition de nouvelles formes de partage et de communication. Au-delà des opportunités économiques, le numérique permet d’entrevoir le développement d’une société de la connaissance, fondée sur un espace public de plus en plus participatif.
Mais le bouleversement provoqué par cette révolution est aussi source d’inquiétudes légitimes : remise en cause de nos modèles sociaux, risque de nouvelles fractures, bouleversement de secteurs d’activités entiers, nouveaux défis de sécurité et de protection de la vie privée… Parce qu’elle touche l’ensemble des aspects de notre vie et de l’économie, cette révolution provoque une tension entre ceux qui y voient majoritairement des opportunités à saisir et ceux qui s’inquiètent avant tout des conséquences potentielles. Il existe ainsi une aspiration sociale forte à mettre les armes du numérique au service de l’intérêt général, avec pour objectif qu’il apporte des bénéfices concrets à tous.
La révolution numérique nécessite donc d’être accompagnée. Une mauvaise tentation serait pourtant d’ériger des murailles de Chine de réglementations, ou de lois sectorielles trop spécifiques. Cette approche rencontrerait nécessairement ses limites dans une économie en mouvement : les plus grandes murailles finissent toujours par être traversées par des barbares, avec bien souvent de douloureuses conséquences.
Au contraire, la régulation permet une articulation souple entre des orientations politiques, issues d’un processus démocratique, et leur application au marché, qui se doit de conserver une certaine agilité. La régulation a ainsi permis au XXème siècle de mettre fin à des situations de monopoles, néfastes à l’évolution de secteurs entiers. C’est l’histoire du démantèlement de la Standard Oil, ou plus récemment des obligations d’ouverture et d’interopérabilités imposées à Microsoft. La régulation a aussi rendu certains services publics essentiels plus efficaces et plus innovants en ouvrant le jeu à de nouveaux acteurs : c’est ce que nous avons accompli en Europe durant ces quinze dernières années dans les télécoms, et c’est ce à quoi l’ARAFER (Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières) va désormais s’atteler dans le transport par autocar.
La régulation est une réponse pour construire et soutenir la confiance dans la révolution numérique. Il ne s’agit pas de choisir entre un ancien monde et un nouveau monde. En mettant un arbitre sur le terrain, la régulation permet d’organiser les marchés en gérant une cohabitation efficace. Elle intervient dans un temps de réponse court, élément crucial compte tenu de l’accélération des rythmes d’innovation, plutôt que de sanctionner le passé : une amende, aussi grosse soit-elle, ne corrigera jamais les effets sur l’économie d’un secteur étouffé ou dévasté.
Pour autant, la régulation elle-même ne doit pas être figée. Elle doit accepter d’être transformée par la révolution numérique : il nous faut questionner nos méthodes à l’heure de la disruption, et c’est pour cela nous organisons aussi cette semaine avec The Family l’évènement « les barbares attaquent la régulation », où nous invitons les entrepreneurs, qui utilisent le numérique pour révolutionner les industries ou institutions qu’ils traversent, à prendre d’assaut la citadelle de la régulation, et pas uniquement celle des télécoms : la régulation des transports, la régulation concurrentielle au Royaume-Uni, le contrôle prudentiel des acteurs du financement.
Un axe de réflexion me semble particulièrement porteur : utiliser la puissance de la transformation numérique pour transformer et moderniser les outils de régulation. Comment faire « alliance avec la multitude » pour être en phase avec les attentes des consommateurs et la réalité du marché ? C’est vers ce rôle de cadre souple et facilitateur que notre régulation doit évoluer : Open Data, Crowdsourcing, régulation collaborative… Il nous faut apprendre à stimuler, mettre en capacité d’agir, dans une logique d’Etat- plateforme, et à travailler avec les communautés informelles de chercheurs, de programmeurs, etc.
Il s’agit en quelque sorte d’ouvrir le monopole de la régulation et d’inventer une « crowd-regulation ». Autrement dit, la régulation des « barbares » passera par la « barbarisation » de la régulation.
Sébastien Soriano,
président de l’ARCEP